L’arrivée du Bretagne, en 1989, a constitué un véritable évènement à Roscoff. Premier jumbo ferry de la compagnie, il avait contraint la CCI de Morlaix à rallonger le môle d’accostage du port du Bloscon. Affichant 151 m de long pour 26 m de jauge, le superbe ferry de ponts jaugeait 24 534 UMS. Accueillant 2 056 passagers et offrant 1 168 couchettes, il tranchait nettement avec les ferries de la génération précédente. Mis en ligne sur les terminaux français (Roscoff), anglais (Plymouth), irlandais (Cork) et espagnol (Santander) de l’Arc Atlantique, il répondait aux exigences d’une clientèle aisée qui attendait un haut niveau de prestations.
Son dessin de carène répondait aussi aux conditions parfois dures du golfe de Gascogne. Les formes avant très pincées se doublaient d’une étrave tulipée au flair prononcé qui avait pour objectif d’amortir le tangage par mer forte. Les formes arrières réduites s’arrondissaient en semi-tunnels pour admettre des hélices plus grandes tournant plus lentement. Ce qui avait pour intérêt d’augmenter le rendement propulsif et de diminuer les vibrations avec, pour résultats concrets d’apporter 10 % à 15 % d’économie de carburant et d’augmenter le confort des passagers.
Fonctionnant au fioul lourd, les quatre moteurs Wärtsilä 12V32D de 4 400 kW chacun (24 000 chevaux au total) autorisait une vitesse de 21,5 nœuds. « Des machines assez complexes et très chargées en équipements », commente-t-on aux services techniques qui ont depuis simplifié et rationalisé les systèmes propulsifs. Doté d’un hélideck renforcé pour permettre l’appontage des Super Frelon de la Marine, le Bretagne innovait également à l’époque avec un calculateur de chargement interconnecté au chargement des ballasts, un appareil enregistreur de chocs sur l’étrave pour réduire la vitesse en fonction de l’état de la mer et d’un système adressable de détection de chaleur, de fumée et de flamme. « Certains de ces systèmes ont depuis été abandonnés et d’autres généralisés », commentent les services techniques.
Sérieux coup de lifting en Pologne
Le Bretagne innovait également de par la qualité et le raffinement de ses espaces publics, de sa restauration et de sa décoration. Véritable musée flottant ne comptant que des œuvres originales d’artistes sélectionnés avec soin, le jumbo ferry a révolutionné les standards sur le transmanche et est vite devenu la référence que la concurrence s’est bien trouvée contrainte de vouloir copier peu ou prou. « En interne, il a donné l’élan en terme de restauration, d’agencement des capacités d’accueil et de décoration, notent les responsables de Brittany Ferries. Nous avons régulièrement réévalué les concepts du Bretagne sur toutes les unités lancées par la suite et même jusqu’au Pont-Aven où nous nous sommes encore un peu plus lâchés en qualité supérieure. » La sobriété plus contemporaine des aménagements et de la restauration n’est venue que récemment, avec l’entrée en flotte des Cotentin et Armorique.
Vingt ans après son entrée en flotte, le Bretagne est aujourd’hui la plus ancienne et la plus petite unité des huit ferries de la compagnie. Et la question s’est posée de s’en séparer ou de lui faire subir un sérieux lifting. « Nous aurions pu surseoir à cet investissement et vendre le navire, admet la direction. Mais, comme il s’agit d’un navire dont nous sommes encore très fiers, nous considérons préparer l’avenir en le remettant simplement à niveau. » Le navire vient ainsi de subir une sérieuse cure de jouvence au chantier polonais de Gdansk où il est resté deux mois. Au coup de fraîcheur des cabines (TV, téléphonie, moquettes…), s’ajoute un relamping (remise à neuf des systèmes d’éclairage) qui lui fait retrouver sa toute splendeur et une transformation complète du pont 8 (bars, viennoiserie, restaurants…) dans une nouvelle démarche beaucoup plus contemporaine de prestations. Remis à neuf et au goût du jour, le Bretagne va retourner tenir la ligne Saint-Malo- Portsmouth.