Les échauffourées de la matinée du 16 février avec les forces de l’ordre ont eu des conséquences négatives sur le port de Pointe-à-Pitre, constate un opérateur portuaire. Jusqu’alors, les navires étaient travaillés, certains avec retard mais les conteneurs étaient débarqués et arrivaient à sortir du terminal plus ou moins facilement. Malgré de fortes pressions, dockers et portiqueurs travaillaient même si la dernière heure de chaque shift n’est plus travaillée depuis le 29 janvier. Les transbordements et les bananes, à l’export, bénéficiaient d’une sorte de « pacte sacré ». Dans la matinée du 16, le navire CMA CGM a débarqué une centaine de boîtes puis, devant l’arrêt de travail, est parti en Martinique effectuer ses opérations commerciales, le temps d’y voir plus clair. Les entrées et les sorties du terminal sont maintenant difficiles, voire arrêtées. Entre les rencontres du Président de la République avec les syndicats de salariés, le 18, puis avec les représentants des collectivités locales antillaises et les parlementaires antillais le 19, il est peu probable que les activités portuaires reprennent avant la semaine du 23 février. D’autant que depuis le 17, la situation dérape: tirs à balles réelles, voitures incendiées, magasins pillés. Mercredi matin, on a appris qu’un syndicaliste guadeloupéen, revenant d’un meeting avait été tué par balle tirée « depuis un barrage tenu par des jeunes », selon la Préfecture.
Côté Martinique, les navires ont été assez correctement travaillés mais depuis le début de la semaine, les livraisons sont complètement arrêtées sauf pour les conteneurs « urgents » comme ceux contenant des médicaments.
Les bananes ne sont plus coupées
Encore plus « préoccupant », depuis la diffusion le 6 février sur Canal + du reportage sur « Les derniers Maîtres de la Martinique », les bananes ne sont quasiment plus coupées. Une centaine d’EVP serait en attente dans les plantations. Si cette émission a fait grand bruit à la suite des propos d’Alain Huyges-Despointes sur la préservation de la « race », elle montre également le blocage devant l’unique accès portuaire de nombreux conteneurs de bananes. Les ouvriers agricoles qui bloquaient l’accès, ont finalement été délogés par des policiers locaux avec, en appui, des forces de l’ordre d’origine métropolitaine.
Depuis les bananes ne sont quasiment plus coupées, constate un opérateur portuaire, celles cultivées par les planteurs « békés » qui produisent la majorité des tonnages comme celles des autres planteurs. Les premiers seraient très « embêtés » par la présentation de leur activité. Ainsi, une séquence montre Éric de Lucy, bras droit de Bernard Hayot, « 119e fortune française », expliquer par téléphone à un planteur que le prêt de 50 M€ accordé par le gouvernement s’est finalement transformé, avec l’accord de la Commission européenne, en subvention… « C’est bon pour tes comptes », conclut Éric de Lucy devant la caméra.
Pas de banane exportée, pas de recette et sans doute pas de travail pour les ouvriers agricoles, donc probablement pas de salaire. En moyenne, CMA CGM charge 240×40′ par semaine à Fort-de-France.
Des efforts demandés à tous
De sources concordantes, Yves Jégo, Secrétaire d’État chargé de l’Outre-mer, devrait prochainement rencontrer Jacques Saadé pour parler notamment de prix de transport maritime (voir p. 14 et 15). En effet, à la Martinique, l’accord de modération des prix avec la grande distribution devrait être signé assez rapidement. Il est probable que tous les fournisseurs dont les transporteurs maritimes, soient invités à participer à l’effort collectif.
La complexité du système de distribution aux Antilles entre grossistes, semi-grossistes et détaillants constitue également un facteur de coût, note un « maritimiste », sans oublier l’importance du groupage sur ces destinations. Un discours récurrent.