Artemis: une approche portuaire sans instrument se termine sur le sable

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Le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEA) a diffusé fin janvier, son rapport d’enquête technique sur l’échouement spectaculaire du cargo néerlandais Artemis, le 10 mars 2008, sur une plage des Sables d’Olonne.

4 h 40: ce cargo récent de moins de 89 m, répond au pilote qu’il se trouve à 3 milles de la station. Le pilote lui demande d’attendre, le temps de rentrer le Riga (90 m, chargé). Pas de signal AIS du cargo.

5 h 45: le Riga à quai, le pilote reprend contact avec l’Artemis qui dit se trouver à 11 milles de la station. Le pilote retourne à quai l’attendre.

6 h 45, l’Artemis est en vue du pilote. Toujours pas d’AIS du cargo (qui aurait indiqué la route et la vitesse de fond ainsi que le cap et la position; ndlr). Le pilote lui demande par VHF de rectifier sa route trop au Nord de l’alignement qui est au 32o5.

7 h 05, le pilote embarque. Vent force 7 B Sud-Ouest avec rafale à 10. Mer très forte à grosse.

7 h 05 à 7 h 10, après avoir embarqué sur tribord, le pilote se dirige seul vers la passerelle pour y entrer côté bâbord. Porte fermée. Il redescend et y pénètre par tribord. En avant lente, route au 30, ce qui surprend fortement le pilote. Vers 7 h 10, venant d’entrer à la passerelle, il entend, pour la 2e fois, le patron de la pilotine, demander au cargo de venir sur bâbord. Estimant qu’il était trop tard pour venir sur la gauche, le pilote demande de mettre en arrière toute. Le navire dérive au Nord-Ouest à faible vitesse. Son propulseur d’étrave devant l’aider à remonter le vent par l’arrière. Un grain violent augmente sa vitesse de dérive et à 7 h 20, il s’échoue sur la plage de sable. Pas de pollution, pas de blessé. Coque intacte, le navire étant certifié « colis lourd » et renforcé glace. Une activité touristique inattendue démarre peu après. Les conditions météo sont considérées par le BEA comme étant un « facteur conjoncturel aggravant » le Riga de taille similaire et chargé a été mis à quai sans « difficulté particulière ».

Entrant aux Sables d’Olonne pour la première fois, le capitaine néerlandais a déclaré n’avoir consulté ni les deux radars en fonctionnement, ni le GPS car il était seul à la passerelle. Il n’a pas tenu compte des alignements d’entrée. Le BEA considère que « l’insuffisance d’attention à la navigation dans des conditions d’approche difficiles est le résultat d’une organisation des ressources passerelle non conforme. Ceci peut être retenu comme facteur contributif certain et déterminant de l’accident ». Pas d’homme de barre à la passerelle en fin de nuit et par mauvaise visibilité. Personne pour guider rapidement le pilote vers le bon côté de la passerelle. Tout ceci n’est pas conforme à la réglementation applicable. L’État d’immatriculation et de délivrance du brevet appréciera, d’autant plus facilement qu’il s’en était déjà rendu compte, quelques semaines après l’accident. En effet, dans le rapport préliminaire uniquement rédigé en néerlandais du 21 avril, l’autorité nationale, a souligné que la préparation du voyage avait été « insuffisante », et la navigation « irresponsable » (JMM du 29 août 2008; p. 6). En outre, le commandant n’aurait pas dû être seul à la passerelle, note l’État du pavillon.

Pas d’ultime manœuvre

Le BEA souligne également « un manque de communication entre le pilote et le capitaine » puis un « manque de compréhension ».

« Des indications erronées sur l’heure d’arrivée, prouvant ainsi que le suivi de la navigation n’était pas effectué correctement, auraient pu alerter le pilote ».

Si le BEA ne discute pas la décision du pilote, il note que voyant que le navire ne remontait pas, il aurait pu tenter une « ultime manœuvre » en mouillant une ancre ou deux pour atténuer la dérive et arrêter le cargo.

Les recommandations du BEA sont sans surprise: appliquer la convention STCW notamment sur la présence d’un homme de barre durant la période d’obscurité; suivre attentivement sa navigation; « nécessité de communiquer largement et à temps avec le service du pilotage pour convenir d’une position d’embarquement du pilote et de ne pas dépasser le point d’embarquement habituel du pilote, surtout quand les conditions météorologiques sont mauvaises »; veiller la sécurité du pilote selon la Solas. Les inspecteurs du BEA attirent l’attention du service de pilotage « sur l’intérêt, si cela est possible, d’un embarquement du pilote un peu plus tôt afin de prévenir, lorsque les conditions météo sont mauvaises, une situation d’urgence et de limiter ainsi les risques ». Au passage, le BEA note que « du côté de la capitainerie, aucun enregistrement des conversations par VHF n’était disponible, ni de suivi et d’enregistrement radar de la rentrée de l’Artemis en raison de difficultés de réception dues à l’emplacement de l’antenne. Elle n’était pas non plus équipée d’un système de traitement des images radar ».

Bref, un échouement qui devrait être pédagogique.

Douze heures de travail par jour

Certes, l’équipage ne perd pas de temps pour se rendre sur son lieu de travail mais la durée du travail à la mer indiqué par le rapport du BEA devrait susciter peu de vocation: minuit/6 h et 12 h/18 h pour le second (néerlandais); 6 h/12 h et 18 h/minuit pour le commandant (idem); les deux matelots philippins faisant chacun 2 h 30 de quart passerelle la nuit; et le cuisiner, également philippin, 3 h. Seul le chef mécanicien (russe) était dispensé de quart, le navire étant automatisé.

Sur lest, l’Artemis arrivait de Lisbonne pour charger du blé destiné à Rouen. Sa vitesse de service est donnée à 12,5 nœuds; autant écrire, il est préférable d’avoir le vent dans le dos pour maintenir cette vitesse. Le lancinant problème des caboteurs même récents armés à six reste donc posé.

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