Manœuvrez largement et à temps pour éviter une collision frontale

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Le Bureau d’enquêtes sur les événements de mer (BEA) a diffusé, le 14 janvier, un rapport d’enquête technique sur la collision « étrave contre étrave » entre le roulier français MN-Eider et un chalutier sénégalais l’Adja-Ndoumbe-III, le 28 juin, vers minuit, au large de la Gambie. Le chalutier coule mais ses huit hommes d’équipage sont récupérés sains et saufs par le roulier.

Le roulier de la Compagnie maritime nantaise était équipé d’une « boîte noire » de marque Sperry (SVDR, Simplified Voyage Data Recorder) avant même qu’elle ne soit obligatoire. Malheureusement cette dernière n’a gardé aucun enregistrement en mémoire des minutes précédant l’accident. Le BEA évoque un défaut de configuration d’un appareil installé en 2006. Il sera reconfiguré en juillet 2008. Le BEA a donc travaillé sur documents pour reconstituer la chronologie de la collision: le situation report rédigé par le Cross Gris Nez; les rapports du commandant et des lieutenants philippins de l’Eider et du patron et second patron du chalutier. Les enquêteurs ont auditionné l’équipage du roulier près d’un mois après l’accident, à son retour des Antilles.

Face à face, comme dans une arène

Le lieutenant « montant », 45 ans, est reposé et en est à son 2e embarquement (de huit mois) sur l’Eider. L’ergonomie de la passerelle est correcte, la visibilité bonne et les deux navires se sont vus. Le roulier fait route plein Nord. Le chalutier est en transit, plein Sud. Le CPA (Closest Point of Approach) est d’environ un quart de mille.

« L’Eider s’écarte de 10o pour passer l’Adja-Ndoumbe-III. Lorsque les deux navires sont distants d’environ trois milles, l’Eider revient à son cap initial, pensant conserver un CPA de un mille. Cette manœuvre inquiète le chalutier qui abat sur sa droite. La collision a lieu malgré la manœuvre de dernière minute de l’Eider et le chalutier coule rapidement », résume le BEA.

Le facteur déterminant de la collision réside dans « la décision du lieutenant de quart de revenir à son cap alors que le chalutier n’est pas encore “clair” sur son travers tribord », estime le BEA. Il note qu’à plusieurs reprises, le lieutenant a essayé de contacter le chalutier par VHF, en anglais, « langue que ne pratiquent pas » le patron et le second patron sénégalais.

« Lorsque le second patron (du chalutier) détecte ce qui lui apparaît comme étant un risque de collision, il applique la règle 17 (du Ripam; règlement international pour prévenir des abordages en mer) en abattant en grand sur la droite, car il lui semble que l’Eider va lui « couper la route. Cette méprise (…) probablement due à un manque d’expérience dans la fonction de chef de quart, a agi en facteur aggravant de la situation » Jugé « expérimenté », il est « néanmoins “dérogataire” pour la fonction de chef de quart, fonction dans laquelle il est débutant », note le BEA. Conformément à la règle 34 D, le second patron « aurait pu manifester son inquiétude par des signaux sonores et lumineux ».

Les recommandations élémentaires du BEA

Il ne peut que « rappeler aux chefs de quart passerelle des navires de pêche et de commerce, l’importance de l’application stricte des règles du Ripam, en l’occurrence:

– le fait de manoeuvrer largement et à temps (règle 8c), en modifiant la route du navire d’au moins 30o, et jusqu’à 60o;

– après un changement de cap, de ne revenir au cap initial que lorsque le risque de collision est totalement écarté;

– d’effectuer la manoeuvre de dernière minute en barre manuelle et/ou en réduisant la vitesse » (ainsi que cela fut fait);

– « d’utiliser les signaux sonores et lumineux adéquats »; ce que fit le lieutenant de l’Eider.

Le BEA recommande à l’armateur du chalutier « de sensibiliser les patrons de ses navires au fait que la veille, la navigation et les manœuvres d’anticollision peuvent difficilement être assurés, notamment de nuit, par un homme seul, quelles que soient les conditions de mer et de vent ».

Concernant la « boite noire », le BEA recommande à la compagnie une vérification régulière du bon fonctionnement du matériel. Les installateurs et les fabricants sont invités à « procéder à la vérification complète de la configuration du matériel après installation à bord des navires; à s’assurer que les données enregistrées sont facilement extractibles et lisibles sur un ordinateur portable; à orienter leurs recherches vers une harmonisation des procédures ».

Une mesure plus contraignante qu’une simple recommandation pourrait être judicieusement envisagée au moins au niveau européen, pourrait-on penser.

Le rapport d’enquête sur l’échouement en octobre 2006 du Rokia-Delmas(1) au Sud de l’Île de Ré n’a toujours pas été publié.

Seul le Bulletin d’information du Cedre, publié en septembre, évoque en cinq pages, les conséquences de cet accident impliquant le navire d’un armateur français sur une plage française.

Du bon usage de la VHF

Concernant l’usage de la VHF dans une situation rapprochée, le BEA « émet des réserves quant à l’utilisation systématique de la VHF qui s’avère, dans certaines conditions, ne pas être une aide efficace à l’anticollision, notamment lorsque:

– l’anglais « OMI » (Standard Marine Communication Phrases) n’est pas suffisamment maîtrisé par l’un des utilisateurs. Un élément important puisque plusieurs rapports du BEA Mer s’indignent du peu de maîtrise de l’anglais par les marins pêcheurs français;

– l’identification de l’un des navires peut prêter à confusion (navire non équipé de l’AIS) ».

Le BEA rappelle que les règles du Ripam sont « suffisamment explicites pour être appliquées “en silence” ».

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