Joe Tripodi, le ministre des ports et Voies d’eau de l’État australien de Nouvelles-Galles du Sud, a profité de la publication des derniers résultats du port de Sydney pour annoncer, début octobre, une série de mesures financières, destinées selon lui « à améliorer l’efficacité des quais de Port Botany et mettre un terme à la congestion des accès portuaires ».
Pierre angulaire du nouveau système, la définition à venir d’une grille de tarification censée détourner une partie du trafic aux heures de pointes, en proposant des réductions aux trains et aux camions qui viendront charger ou décharger la nuit. Joe Tripodi a également promis des pénalités pour retard qui fait déjà grincer des dents sur les quais. Trois caméras vont être installées à l’entrée des terminaux pour contrôler les temps de passage et malheur à celui qui sera pris à lambiner. « Si un camion ou un train rate son créneau, il sera pénalisé. Si le manutentionnaire ne suit pas les cadences définies, c’est lui qui sera pénalisé », a expliqué le ministre. Montrés du doigt pour leurs insuffisances, les professionnels ont vite réagi, reprochant au gouvernement son sens des priorités. « Rejeter la faute sur les acteurs portuaires est un peu facile, alors que le problème vient du manque d’infrastructures. Les principales voies d’accès aux terminaux sont déjà terriblement engorgées et rien n’a été annoncé pour les améliorer », s’agace Doug Shultz, directeur chez Patrick. Les retards promettent donc d’être nombreux et la facture salée pour les différents intervenants de la chaîne logistique portuaire, qui admettent cependant l’urgence de la situation. « Surtout que l’arrivée de nouveaux quais va encore jeter sur les routes plus de 2 000 camions supplémentaires à l’horizon 2012 », s’inquiète Darryl Sharp, le patron des courtiers australiens. Après avoir manié le bâton, Joe Tripodi a en effet tendu la carotte, en confirmant la réalisation pour 2011 et 500 M€, d’un troisième terminal à conteneurs sur Port Botany. Les opérations de dragage viennent de démarrer et la réalisation d’un terre-plein de 60 ha, équipé de cinq postes à quai, commencera dès l’année prochaine. L’appel d’offres d’un troisième manutentionnaire, qui pourrait être Hutchinson, devrait être lancé en décembre. Le port de Sydney, qui vient d’enregistrer une septième hausse consécutive de ses trafics conteneurisés (+ 11 %, avec 1,78 EVP traités), prévoit de doubler ses volumes d’ici à 2020.
Après avoir provoqué la frustration de la communauté portuaire de Sydney, le ministre, a ensuite semé le trouble sur les quais de Newcastle. Fidèle à son habitude, Joe Tripodi a d’abord félicité la place pour avoir récupéré cette année son titre de premier port charbonnier du monde, en exportant plus de 90 Mt de minerai, avant de provoquer un nouveau coup de tonnerre.
Très interventionniste, le ministre a en effet refusé de soutenir l’accord trouvé en juillet dernier entre les 14 compagnies minières de la région et les opérateurs portuaires. En jeu, les quotas de chargement du port mis en place depuis 2003 pour diminuer les files d’attentes de navires. Contraints de faire réviser le système par l’organisme fédéral de contrôle de la concurrence (ACCC), pour pratique non-concurrentielle, tous les acteurs concernés ont réussi, pour la première fois, à se mettre d’accord pour distribuer des créneaux de chargement à chaque producteur, sans tenir compte des volumes exportés par chacun. Une révolution qui n’a donc pas eu l’air de plaire au ministre, qui lui reproche « de ne pas faire de place aux nouveaux venus éventuels ». Également ministre de l’Industrie, Joe Tripodi entend en effet distribuer dans les prochains mois, une dizaine de licences d’exploitation dans le bassin minier de la Hunter Valley. Histoire de remplir les caisses vides d’un gouvernement qui vient d’annoncer son premier déficit budgétaire de la décennie. Le ministre a même menacé d’effacer les 1,3 Md€ budgétés par les pouvoirs publics pour financer l’extension des terminaux, afin de remettre au pas une communauté portuaire aujourd’hui prête à engager l’épreuve de force. Le grand perdant de ce bras de fer pourrait bien être le port de Newcastle lui-même. Prit entre le coup de semonce de l’ACCC et le refus ministériel, l’autorité portuaire n’aura pas d’autre choix en janvier prochain que d’appliquer un schéma « premier arrivé, premier servi », qui risque de rallonger considérablement les queues de vraquiers devant les terminaux. « Nous allons pouvoir marcher au sec jusqu’en Asie », prophétise, catastrophé, un responsable de la compagnie Xstrata. Un nouveau miracle signé Joe Tripodi.