C’est ce qu’a voulu démontrer DCNS en réalisant, en temps réel entre Cherbourg et Lorient le 21 octobre, sa première expérimentation d’aménagement virtuel du poste de navigation et central opérations du futur sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) Barracuda. Dans le cadre du projet du projet « Part@ge » du pôle de compétitivité Images et réseaux de Bretagne, DCNS s’est associé au centre de ressources technologiques Clarté (Laval), à la société de recherches en visualisation Artefacto (Rennes) et au Centre européen de réalité virtuelle (Brest). Selon eux, la « réalité virtuelle est un domaine scientifique et technique exploitant l’informatique et des interfaces comportementales en vue de simuler, dans un monde virtuel, le comportement d’entités en trois dimensions en interaction en temps réel entre elles et avec un ou des utilisateurs en immersion pseudo-naturelle par l’intermédiaire de canaux sensori-moteurs ».
Utilisateur opérationnel, ergonome, psychologue, aménageur et ingénieurs divers constituent une équipe chargée de mettre en œuvre l’outil de réalité virtuelle, mis au point par DCNS et ses partenaires. Ce dispositif, qui coûte 1 M€, consiste en deux plates-formes, en service à Lorient depuis 2005 et à Cherbourg depuis octobre 2008. La première compte notamment une salle de présentation aux clients de 30 places avec un écran courbe (7 m × 3 m), une salle de 15 places avec un écran plat (2 m × 2,5 m) pour le travail sur les projets, un équipement informatique commun en régie (10 ordinateurs PC). Celle de Cherbourg dispose notamment d’une seule salle de 25 places pour le travail collaboratif avec un écran plat (2,1 m × 2,8 m) et un équipement informatique (3 PC). Trois flux de données du prototype numérique en trois dimensions circulent en temps réel entre Cherbourg et Lorient, à raison de 24 images/seconde avec possibilité de descendre à 15. Chaque objet des scènes virtuelles est défini par un fichier informatique distinct pour pouvoir être déplacé de façon autonome. Le cluster informatique calcule la position de l’image par rapport à l’opérateur. Tout est mesuré au millimètre à l’échelle 1. À titre indicatif, la norme anthropométrique sur un SNA est de 1,86 m en hauteur et de 45 cm de largeur pour l’espace de circulation. Quant à l’aménagement, « plus c’est compact, mieux c’est ». Il y a un millier d’objets sur un SNA!
Le Barracuda va profiter de tous les acquis des submersibles précédents: sous-marin nucléaire lanceur d’engins du type Triomphant et sous-marin diesel-électrique de la classe Scorpène vendu à l’export. Mais, son commandant devra respecter toute la réglementation, devenue contraignante, du travail à bord, car l’équipage vit en vase clos sur son lieu de travail pendant deux mois environ à chaque patrouille.
Dialogue interactif
L’intérêt des présentations de maquettes numériques de bâtiments (intérieur et extérieur) est le travail dit « collaboratif » par le dialogue en temps réel des opérationnels (clients), architectes navals, techniciens et autres. Autrefois, ceux-ci travaillaient, chacun sur leur site, à partir de documents en deux dimensions… très denses! En outre, ils n’avaient pas nécessairement la même culture technique d’exploitation de ces documents. Il s’ensuivait des incompréhensions et des différences d’interprétation à l’origine de retards et de reprises coûteuses lors du montage du bâtiment. En outre, les budgets des clients, en l’occurrence les Marines française et étrangères, sont plus contraints qu’au temps, pas si lointain, où des études pouvaient être refaites et donc facturées six fois! Aujourd’hui, pour la direction de l’ingénierie de DCNS, « l’idée est de faire bien du premier coup ».
Par ailleurs, une meilleure compréhension des besoins du client, qui pourra les faire connaître de chez lui s’il est étranger, et la maîtrise de l’environnement complexe du navire armé permettent d’anticiper les problèmes, notamment de maintenance jusqu’au démantèlement ou recyclage de l’objet, de justifier le choix de sa conception initiale et de réaliser des économies non négligeables. Près de 80 % du coût d’un bâtiment est en effet engagé dans les premières étapes du processus.Dans le domaine de la réalité virtuelle, DCNS devance ses concurrents britannique BAE Systems et allemand TKNS, mais a six ans de retard sur les grands groupes américains qui ont mobilisé des moyens beaucoup plus importants. Enfin, la complexité du système militaire peut se décliner dans le monde industriel civil.