Que l’on soit dans les ports de Shanghai, Anvers ou Le Havre, leurs silhouettes sont désormais familières. Depuis quelques temps, les porte-conteneurs géants ont fait leur apparition à travers le monde. Plus grand, plus long, jusqu’où s’arrêtera-t-on? Cette nouvelle donne force les autorités portuaires à réaménager leurs espaces et à imaginer de nombreux projets. Les infrastructures portuaires, écluses, canaux, doivent s’adapter. C’est précisément sur ce thème que la station de pilotage du Havre Fécamp a organisé la semaine dernière un colloque. Une première qui pour François Le Guern, le président des pilotes du Havre, s’inscrit directement dans l’accord d’une convention de coopération technique qui a été signé le 22 mai dernier entre les Havrais et leurs collègues belges de l’Escaut (Association BvL) et des bassins d’Anvers (BRABO). La manifestation a en effet réunit des pilotes et des ingénieurs des ports du Havre, d’Anvers mais également du Panama. Au total, près de soixante dix participants ont pu échanger et débattre autour des grands projets d’aménagements portuaires. C’est Paul Scherrer, le directeur technique du Grand port maritime du Havre, qui a ouvert les débats. Le responsable a exposé les travaux réalisés dans le cadre de l’aménagement de Port 2000. Il a également évoqué d’autres projets, notamment le réaménagement du bassin René Coty et un possible doublement de l’écluse François 1er qui devraient permettre d’accueillir de très grands porte-conteneurs. Pour anticiper la venue de ces géants qui, selon les spécialistes, devraient atteindre rapidement les 400 m de long et dépasser les 10 000 EVP, le port d’Anvers et les autorités du canal de Panama mènent également des études pour ouvrir d’importants chantiers. Les écluses et les canaux sont au cœur de leurs préoccupations. Du point de vue géographique, l’accessibilité nautique est pour eux un défi à relever.
Les navires de demain
Autre intervention remarquée, celle de Jean-François Segretain du Bureau Veritas qui a évoqué à quoi ressembleront les ULCS (Ultra Large Conteneurs Ships) qui sont actuellement en construction dans les chantiers asiatiques. Ces navires de plus de 10 000 EVP ont notamment une structure « flexible » qui leur permet d’atténuer les vibrations. La prochaine génération devrait pouvoir embarquer 13 000 EVP. Samsung a d’ores et déjà un projet d’un porte-conteneurs de 16 000 EVP avec deux châteaux. « Tout cela a forcément des conséquences sur les terminaux à conteneurs, la longueur des quais, l’outillage. Par contre le tirant d’eau de ces navires devrait rester stable et dans le futur, il est difficile d’imaginer pour des raisons techniques des unités de plus de 400 m de long. » Une bonne nouvelle pour les pilotes. Les concepteurs des navires doivent également tenir compte du respect de l’environnement et inventent de nouvelle solutions pour polluer le moins possible. Au cours du colloque, François Le Guern s’est également félicité de la coopération entre pilotes et autorités portuaires: « Au Havre par exemple, nous avons signé une convention avec le Grand port maritime. Nous sommes associés aux études d’aménagement en cours et nous mettons à disposition pour cela notre simulateur. » Pour le président des pilotes du Havre, le port haut normand, contrairement à certains autres concurrents, a une bonne accessibilité nautique, un véritable atout pour accueillir de très grands navires. Les pilotes doivent en tout cas relever le défi du gigantisme et font face à une double problématique, garantir la fluidité du trafic maritime toujours plus dense tout en assurant la sécurité de la navigation dans des zones « accidentogènes » que sont les ports et leurs approches. Avec l’avènement de ces géants, la pression est également plus grande pour les pilotes. Un Eugen-Mærsk long de 397 m pouvant transporter 11 000 EVP a couté la bagatelle d’1 Md$.