Alors qu’une crise financière secoue les économies du monde entier et qu’une tourmente sociale a affecté les grands ports français au cours de ces derniers mois, comment se comporte Le Havre, le numéro un du transport de marchandises conteneurisées? Pierre-Yves Collardey, le directeur de la promotion et de la communication du Grand port maritime, analyse la situation. « À la fin du mois de juin, nous avons enregistré une baisse du trafic de 7 à 8 %. C’est essentiellement le deuxième trimestre 2008 qui a été le plus pénalisé par les mouvements sociaux. C’est l’activité transbordement qui en a subi le plus les conséquences, les armateurs délocalisant le trafic. Les compagnies maritimes dans leur majorité ont fait preuve de flexibilité. Les armateurs qui ont annulé leurs escales restent minoritaires. Le trafic roulier a été impacté à cause des écluses qui ne fonctionnaient pas. Les transitaires, eux, ont réagi en fonction de leurs clients car certaines chaînes logistiques ne peuvent pas s’arrêter. Certains flux ont été délocalisés. Notre priorité a toujours été de donner un maximum d’informations aux usagers. Depuis lors, Le Havre a remonté la pente grâce à un bon mois de septembre qui a été marqué par un retour à la normal du trafic. » De janvier à fin septembre 2008, le port a enregistré un trafic de 59,2 Mt de marchandises soit une augmentation du trafic de + 0,4 % par rapport à la période correspondante en 2007. Toujours à fin septembre 2008, Le Havre a comptabilisé 18 Mt de marchandises conteneurisées correspondant à 1,8 MEVP soit une baisse de 8,1 % en tonnage par rapport à 2007 sur la même période. Sur les 1,8 millions de conteneurs, Port 2000 a traité environ 700 000 EV. Pour Pierre-Yves Collardey, le mouvement social qui s’inscrivait contre le plan de relance des ports voulu par le gouvernement ne constitue pas la seule explication de ce ralentissement. « Il y a un recul global des échanges mondiaux et nous ne sommes pas les seuls à le subir. Les ports américains et même certains ports chinois sont en régression. Nous avons assisté à une hausse du coût de l’énergie et des matières premières qui a accentué le phénomène. Les entreprises de distribution et les industries ont également diminué leurs stocks. » Pierre Yves Collardey se dit malgré tout optimiste pour l’avenir. Il indique que Le Havre a enregistré 23 % de croissance en 2007 « et cela sans problème ». La Chine reste le partenaire commercial numéro un du port du Havre. « Depuis 2004, le ralentissement des exportations concerne surtout les USA notamment à cause de la baisse du dollar. Autre phénomène que nous observons, le trafic entre les ports méditerranéens et l’Amérique ralentit au profit des ports d’Europe du nord qui récupèrent ces flux… » Et la concurrence? « Nous avons cette chance de ne pas connaître de phénomène de congestion comme peuvent le rencontrer d’autres ports nord européens. Anvers, par exemple, souffre d’une saturation de son trafic fluvial, et les ports allemands rencontrent des problèmes de saturation ferroviaire. Nous avons toujours dit que la bataille des ports se jouera à terre. »
Des projets dans les cartons
Le port du Havre travaille actuellement sur un programme appelé TRIP (transport, régulation, Intermodalité portuaire). Il s’agit d’étudier les moyens d’obtenir une meilleure régulation du trafic routier, fluvial, ferroviaire sur une même zone portuaire, éviter les temps d’attente par exemple liés à un mouvement de pont. Pierre-Yves Collardey cite un chiffre. La Seine peut, à plus ou moins long terme, accueillir un trafic fluvial d’un demi-million de conteneurs EVP. « Il faut avoir les équipements adéquats notamment des terminaux fluviaux sur la vallée de la Seine et l’Oise. Nous travaillons dans ce sens en partenariat avec le port de Paris. Il faut se préparer à la grande liaison Seine Nord Europe. » Localement, Les entreprises ont massivement investi notamment dans l’outillage de manutention. De nombreux chantiers sont en cours. Les travaux de la seconde phase de Port 2000 ont été lancés à la rentrée de part et d’autres du terminal de France et du terminal Porte Océane, les terminaux qui sont actuellement en exploitation commerciale. Ces travaux portent sur la construction de six nouveaux postes à quai soit 2 100 m de quais supplémentaires complétant ainsi les 1 400 m déjà existants. La mise à disposition de ces nouveaux postes à quai est réalisée par le groupement d’entreprises Soletanche Bachy France-Atlantique dragage-Boskalis. Ils seront livrés aux opérateurs (TDF, TPO et MSC) entre mi 2009 et mi 2010. Les travaux qui se découpent en trois marchés représentent un montant total de 216 M€. Et Port 2020? L’idée est de réaménager le port dit « classique ». Cette restructuration a déjà démarré avec la démolition de hangars jugés vétustes afin de créer de nouveaux espaces dédiés au trafic conteneurs. Le port étudie la possibilité de construire un nouveau terminal à conteneurs d’une capacité de 2 MEVP. Il pourrait être livré à l’horizon 2018. Des études nautiques sont actuellement en cours.