L’échouement du Natissa: un accident « habituel »

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Depuis une dizaine de jours, le site internet du BEA mer diffuse un rapport d’enquête, non signé et non daté, relatif à l’échouement le 31 mars dernier du fluvio-maritime maltais Natissa sur l’îlot du Gros Sarranier situé dans le sud est de l’île de Porquerolles. Cette unité de 81,60 m de long avait chargé 1 470 t de ciment à Nice (le chargeur étant probablement Vicat; ndlr) et se dirigeait vers Lyon. Une desserte « verte » car propice à la lutte contre l’effet de serre et contre la saturation du réseau routier. Par faible pluie et bonne visibilité, avec un vent de 15 nœuds et un courant de 0,5 nœud, le Natissa se « plante » vers 23 h 55 locales. Il se déséchoue le 2 avril et gagne par ses propres moyens Toulon. Pas de blessé, pas de pollution mais un sentiment de déjà vu en attendant la « belle et bonne » pollution massive, voire pire.

La tête dans l’ordinateur

Selon le rapport d’enquête, la cause de cet échouement est limpide: le commandant prend le quart à 18 h, juste après l’appareillage. Il suit les routes côtières jusqu’à 22 h et arrivé à la hauteur de Cap Camarat, il engage le navire entre les îles d’Hyères (dont Port Cros, parc national maritime) et le continent. Après avoir entré dans le GPS, les coordonnées du point tournant suivant, en fait celui situé à 0,8 dans le Nord du Cap des Mèdes, il se met devant son ordinateur pour effectuer des tâches administratives et commerciales. Dans les faits, le navire ne suit pas sa route au 249 mais navigue entre le 242 et le 247. Erreur faible mais suffisante dans une zone restreinte. Le poste de « travail » du commandant lui permettait de voir sur l’avant. « Quand il relève la tête, quelque deux heures plus tard, il se trouve face à des rochers et, en dépit d’un manœuvre de dernière minute sur la commande de la machine, le navire s’échoue à 23 h 55 […] ». Bien évidemment le commandant était seul à assurer ce quart dans l’obscurité.

Les enquêteurs du BEAmer retiennent les causes suivantes à l’origine de l’accident:

« Absence de suivi de la navigation dans une zone où celui-ci était particulièrement important, entre le continent et les îles, se terminant par une sorte d’entonnoir; absence de veille; absence de veilleur et en plus de l’officier de quart pendant une période d’obscurité; la routine. Ce sont d’ailleurs des causes récurrentes, inhérentes à cette catégorie de navires et à ce genre de navigation ». Le rapport rappelle que sur ce type de caboteur l’équipage est généralement compris entre cinq et sept personnes dont deux officiers pont et deux matelots pour la conduite nautique. Dans le cas d’espèce, le commandant et le second effectuent chacun deux quarts de 6 h. Dans la pratique, leur temps de repos ininterrompu est inférieur à 6 h, note le rapport. Les deux matelots ne travaillent qu’à la journée.

Le BEA mer recommande donc à l’armateur (non désigné) de bien vouloir prendre les mesures que l’État d’immatriculation n’exige pas, à savoir faire en sorte que les quarts d’obscurité soient assurés par deux personnes et que la priorité soit donnée à la veille et au suivi de la navigation. L’administration française est invitée à s’assurer que l’OMI tienne compte de ces recommandations.

L’administration française est également priée à déboucher les trous qui perdurent dans la couverture radar du littoral, notamment au niveau du sémaphore de Camarat. Elle veillera également « à la formation des personnels concernés et à leur sensibilisation au suivi des routes de navires pouvant apparaître comme aberrantes ».

Faisons un rêve

Compte tenu des compétences, BEA mer ne peut aller plus loin. Mais, même si cette affaire n’a pas suscité l’élan politico-médiatique qui réveille les consciences des cabinets ministériels, il est encore permis de « rêver ». Si le sous-comité STW de l’OMI tardait à donner suite aux recommandations françaises et britanniques notamment, l’UE pourrait judicieusement imposer certaines contraintes à tout caboteur entrant dans le futur espace maritime de transport européen. De plus, des discussions probablement « franches et contrastées » pourraient être ouvertes entre l’UE et certains Etats d’immatriculation comme Malte ou Chypre sans oublier les Pays-Bas concernant les rôles d’équipage sur les petits navires. La vitesse de service du Natissa était de 10 nœuds indique le BEA mer, autant écrire que par fort coup de vent de face, le navire « reculerait » et serait susceptible de s’échouer devant Port-La-Nouvelle comme cela se passa en novembre 1999. La première « journée européenne fluvio-maritime » organisée à Paris le 24 octobre ne devrait pas faire l’impasse sur la sécurité très perfectible de cette activité.

L’Enim délocalisée

Le 22 octobre, le FNSM CGT a diffusé un tract annonçant la délocalisation de l’Enim à La Rochelle. « Nous venons d’apprendre aujourd’hui que le Premier Ministre vient d’autoriser la délocalisation de l’Enim à La Rochelle. Cela sans avoir fait consulter les partenaires sociaux ni le Conseil Supérieur de l’ENIM. Cette démarche est une insulte aux marins actifs et pensionnés. Nous ne pouvons rester sans réagir », indique le syndicat qui rejette toute délocalisation.

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