Constituer un système global de transport. C’est ainsi qu’a été pensée la liaison à grand gabarit Seine Nord Europe (SNE) qui devrait accueillir son premier bateau en 2015. C’est pourquoi, les plates-formes multimodales font partie intégrante de la déclaration d’utilité publique signée le 12 septembre dernier. « La notoriété du projet semble acquise. Il faut maintenant amener les industriels et les logisticiens à inclure cette nouvelle donne dans leurs schémas de développement », explique Pierre-Yves Biet, responsable du développement au sein de la Mission SNE chez Voies navigables de France, maître d’œuvre du projet. La jonction entre les bassins de la Seine et de l’Escaut devrait conduire au triplement du trafic fluvial sur l’axe nord-sud pour atteindre entre 13 Mt et 15 Mt en 2020. Environ 33 % de ces trafics devraient être générés par les économies locales.
À terme, SNE offrira aux distributeurs une implantation au cœur d’un des bassins de consommation les plus importants d’Europe, ainsi qu’une accessibilité depuis les ports de la mer du Nord. Ainsi, selon VNF, le canal jouera un rôle de catalyseur du développement des implantations logistiques. Actuellement centrées sur le Benelux pour la partie nord de l’Europe, ces implantations devraient s’étendre vers le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie au cours des 20 prochaines années (voir étude du cabinet d’experts Eurotrans).
Le potentiel de développement est conséquent. D’autant plus qu’actuellement, 70 % des échanges intercontinentaux réalisés par conteneur par les quatre régions françaises concernées par SNE (Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Île-de-France et Haute-Normandie) transitent par les ports du Benelux. Ces conteneurs sont empotés et dépotés dans les centres de distribution des Pays-Bas et de Flandre. On en compte environ 900 aux Pays-Bas et 400 en Flandre, contre une centaine en France. « En raison de leur poids, les ports de la mer du Nord bénéficient d’un hinterland très structuré en terme de connexion fluviale et ferroviaire. Ce maillage a attiré un nombre important d’entrepôts logistiques dans les enceintes portuaires ou à l’arrière des ports sur les grands axes de transport. Aujourd’hui, avec SNE, nous avons la possibilité de prolonger plus à l’intérieur des terres cette logique de massification des flux », poursuit le responsable du développement au sein de la Mission Seine Nord Europe.
Cette massification passe par le développement de plates-formes logistiques le long des 106 km du futur canal. Ainsi, 360 ha de zone portuaire répartis entre quatre grandes zones d’activité à vocation logistique et industrielle ont été identifiés entre le Compiégnois et le Cambrésis. Ils permettraient de répondre aux besoins industriels (agroalimentaire, alimentaire, plastique, chimie, minéraux, recyclage et déchets) et logistiques (agroalimentaire, biens de grande consommation, biens intermédiaires). En outre, cinq quais de transbordement devraient également voir le jour sur les rives du canal.
La plate-forme la plus au sud, celle de Noyon, pourra accueillir des activités industrielles sur 29 ha, tandis que 30 ha ont été réservés à la logistique et au port public. Aménagée sur 60 ha, la plate-forme de Nesle aura davantage une vocation agro-industrielle à l’inverse des autres implantations. En effet, la région accueille le pôle de compétitivité « Industrie et agro-ressources » destiné à trouver de nouveaux débouchés dans les domaines de la chimie, de l’énergie et de la cosmétique. À Péronne-Haute Picardie, une plate-forme multimodale de 60 ha répartie en deux zones verra le jour: une zone nord (30 ha) dédiée à la logistique et une zone sud (30 ha) pour le port public et les implantations industrielles. La plus importante zone portuaire (156 ha) verra le jour à Cambrai-Marquion (Pas-de-Calais). Proche des ports de la mer du Nord, elle devrait privilégier la logistique d’importation et l’accueil de centres de distribution. Sa partie ouest sera dotée d’un quai de 1 000 m avec pour vocation d’accueillir les activités portuaires et industrielles. La partie est (84 ha) sera consacrée à la logistique et à des activités industrielles légères. Des raccordements ferroviaires ont été programmés ou sont techniquement possibles en fonction des besoins des entreprises implantées dans les différents secteurs.
Pour VNF, la création de l’axe Seine-Escaut devrait contribuer à faire émerger des opérateurs logistiques multimodaux capables de proposer des solutions clés en mains aux chargeurs, à l’image de ce qui se fait au Benelux et dans le bassin rhénan. « La perte d’un marché peut fragiliser l’opérateur de transport qui travaille sur un bassin fermé. En revanche, avec la jonction entre les bassins de la Seine et de l’Escaut, quelle que soit la conjoncture, les opérateurs devraient trouver des trafics », poursuit le responsable du développement.
La phase de précommercialisation des espaces pourrait démarrer dans deux ans. Pour attirer les centres de distributions, les quatre plates-formes disposent de plusieurs atouts. Le premier d’entre eux: un foncier au coût avantageux. Le second: une implantation au plus près des lieux de consommation afin d’éviter les encombrements routiers à la sortie des grands entrepôts d’Anvers et de Rotterdam.
Selon Pierre-Yves Biet, ce développement économique constituerait une aubaine pour les ports maritimes français car « un centre de distribution a davantage de chances d’être approvisionné via nos ports maritimes que lorsqu’il est implanté le long du Rhin ». Une opportunité qui sous-entend le développement des capacités de maintenance et de l’interface fluviomaritime. La politique de développement des terminaux à conteneurs menée par le port autonome de Paris et les projets à Port 2000 avancent dans cette direction.