Les premières navettes fluviales chargées en conteneurs pourraient relier d’ici à la fin de l’année la plate-forme multimodale de Pagny-le-Château (Côte-d’Or) au port autonome de Marseille. L’aboutissement d’un projet logistique qui a mobilisé les pouvoirs publics locaux au lendemain de l’abandon de la liaison Rhin-Rhône (lire en encadré). Un véritable pari, selon Benoît de Charette, président de la SAS Pagny-Terminal, la société qui exploite le technoport de Pagny (200 000 t par voie d’eau en 2007): « Nous misons sur le développement du port autonome de Marseille qui devrait être favorisé par son importante réserve foncière. »
Situé à l’extrémité nord de la Saône à grand gabarit, à 48 heures par voie d’eau de Marseille, connecté à la ligne de fret ferroviaire Dijon-Bourg-en-Bresse, ainsi qu’à la convergence des autoroutes nord-sud et est-ouest, Pagny a pour vocation d’être une plate-forme de massification du conteneur. « Ces données justifient une opération par voie d’eau, y compris du fluviomaritime puisque nous pouvons accueillir des bateaux de 4 000 t », souligne le président de la SAS Pagny-Terminal. Toutefois, les porte-conteneurs ne peuvent emporter que deux couches maximum jusqu’en Bourgogne en raison de la hauteur des ponts à Lyon et sur la Saône.
Pour convaincre les chargeurs de la pertinence du Sud, les promoteurs de la plate-forme multimodale disposent d’alliés de taille: deux opérateurs logistiques d’envergure internationale. Le premier, Gazeley, spécialiste mondial en immobilier logistique, a signé en 2002 un contrat de commercialisation pour 70 ha d’entrepôts sur la zone d’activité. Un premier entrepôt de 2,3 ha construit pour le groupe But a été réceptionné en 2004. « Actuellement une grande partie de la logistique de But passe par la route. Cependant, avec la mise en service de navettes fluviales, elle pourrait emprunter en partie la voie d’eau et plus tard, nous l’espérons, la voie ferrée », analyse Benoît de Charette.
Autre opérateur logistique de poids à jouer la carte de Pagny: le groupe belge Manuport.
Ce spécialiste de la gestion et de la manutention portuaire était intéressé par l’accès au port autonome de Marseille et la proximité des ports du Havre, d’Anvers et de Rotterdam pour organiser une véritable logistique ferroviaire. « Il était précieux pour nous d’entrer en relation avec un groupe qui travaille déjà avec les grands opérateurs », explique le président de la SAS Pagny Terminal. Un atout pour conquérir des marchés qui aujourd’hui expédient des produits destinés au Moyen-Orient via les ports d’Anvers et du Havre. Manuport ambitionne de réaliser 16 000 EVP d’ici cinq ans et 30 000 EVP d’ici dix ans. Dans cinq ans, le logisticien anversois devrait prendre le contrôle de la SAS Pagny Terminal, tandis que les CCI de Dijon et de Beaune qui auront fusionné d’ici là, conserveraient une minorité de blocage.
Quant à savoir si Pagny concurrence le port de Chalon-sur-Saône à une quarantaine de kilomètres en aval… « Aproport se concentre davantage sur les vracs, car ses ports sont adossés à des bassins industriels. De plus, le site de Pagny affiche une localisation très rurale avec 150 ha dédiés à la logistique, tandis que les ports de Chalon et Mâcon sont situés en zone périurbaine », pointe Benoît de Charette. Sans compter que Pagny-Terminal compte parmi ses actionnaires… la Chambre du commerce et de l’industrie de Saône-et-Loire qui gère Aproport.
Histoire d’une reconversion
Dans le cadre du projet de liaison à grand gabarit Rhin-Rhône, la Compagnie nationale du Rhône (CNR) avait lancé en 1992 la création d’une plate-forme multimodale à Pagny-le-Château. La CNR avait réalisé une darse et acheté 150 ha de terrains en vue de réaliser une zone industrielle et logistique. Avec l’abandon du projet de liaison Rhin-Rhône, les terrains acquis par la CNR ont été transférés aux collectivités territoriales. En juin dernier, le Syndicat mixte du technoport de Pagny (SMTP), propriétaire des installations, a confié la gestion et l’exploitation de la plate-forme multimodale à la SAS Pagny-Terminal créée par la CCI de Beaune.
Spécialiste en immobilier logistique
Né en 1988 en Grande-Bretagne, le spécialiste en immobilier logistique Gazeley s’est principalement développé outre Manche grâce au concept de « Magna Parks », des entrepôts de 150 à 200 ha implantés au niveau d’importants nœuds de communication. En 2000, Gazeley a pris pied en Europe continentale et notamment en France où il a ouvert plusieurs Magna Parks: Pagny, Fos, Arras et Vatry. Gazeley promeut également le concept de G-Parks, des entrepôts de 20 ha à 50 ha qui répondent aux besoins de quatre utilisateurs maximum. En juin dernier, l’américain Wal-Mart, actionnaire majoritaire de Gazeley a cédé le groupe à EZW Investissement, une filiale de Dubaï World.