Concessionnaire du Rhône, la Compagnie nationale du Rhône (CNR, groupe Suez) a aménagé une voie navigable de 330 km entre Lyon et la mer Méditerranée. Une voie qu’elle entend bien rentabiliser en encourageant les chargeurs qui empruntent l’axe rhodanien à inclure le fluvial dans leur organisation logistique. En 2007, River Shuttle Contenairs et Logirhône, les deux opérateurs de transport de conteneurs sur le Rhône, ont assuré 6,1 % des pré et post-acheminements de « boîtes » sur le site du port autonome de Marseille. Et 57 000 EVP fluviaux ont été manutentionnés l’année dernière sur les terminaux multimodaux du port de Lyon Edouard Herriot (PLHE) géré par la CNR. « Certains chargeurs n’ont pas confiance dans la logistique actuelle: Pour rejoindre la région Rhône-Alpes, ils préfèrent passer par Rotterdam plutôt que par Marseille, soit un détour de trois à quatre jours. Ce n’est pas le transit time sur le Rhône entre Marseille et Lyon (de 28 à 30 heures) qui pèse dans leur décision », insiste Michel Cote directeur délégué au développement économique et local à la CNR. Entre janvier et août 2008, les mouvements de grève sur le site du port autonome de Marseille (PAM), ont fait baisser de 48 % le trafic de conteneurs fluviaux au PLHE. « Le choc a été très violent. Cependant, les acteurs économiques ont anticipé et se sont retournés vers le ferroviaire: Pendant cette période, nous avons connu une croissance de 25 à 30 % des arrivées de trains complets en provenance de Rotterdam. Au final, nous espérons que la réforme débouche sur une meilleure compétitivité de Marseille qui profitera aussi à Lyon », analyse le directeur délégué de la CNR. Dans la foulée de l’inauguration d’un second terminal à conteneurs sur le port de Lyon en 2007, la CNR programme le développement de nouvelles plates-formes multimodales notamment à Salaise-Sablons au sud de Vienne, à 60 km de Lyon. « L’idée est de massifier les activités conteneur et recyclage. Quelques promoteurs et logisticiens s’intéressent à cette zone, en raison de la pénurie de foncier sur les zones portuaires au sud de Lyon », souligne Michel Cote.
Un protocole pour l’utilisation de la voie d’eau
En matière de distribution, la voie d’eau se fait belle pour attirer les grandes enseignes. Le 1er juillet dernier, six enseignes de la grande distribution ont signé avec VNF, l’État et la CNR un protocole d’intention pour l’utilisation de la voie d’eau. Elles s’engagent à transférer 11 700 EVP de la route vers le Rhône. Certaines vont également contribuer au financement d’un projet de recherche pour l’utilisation du conteur de 45′ pour le transport combiné fleuve-route. Reste à savoir si les belles intentions vont se traduire en acte…
« Cet engagement témoigne d’une évolution des politiques des chargeurs notamment avec la montée du coût de l’énergie. Mais vous ne ferez pas passer des acteurs économiques à la voie d’eau tant qu’ils n’y trouveront pas un intérêt économique », martèle le responsable du développement économique et local à la CNR. Clients privilégiés de la route ou du fer pour leurs post-acheminements maritimes, les enseignes Casino (Vienne et région stéphanoise) et Carrefour (Satolas, Saint Quentin Fallavier, Vénissieux) ont notamment été séduites par les atouts de la « barge sous douane ». En effet, Lyon Terminal a signé il y a deux ans une convention de transit simplifié avec les directions régionales des douanes de Marseille et de Lyon, ainsi qu’avec River Shuttle Containers. Une convention identique vient d’être signée avec Logirhône cette année. En facilitant les procédures douanières (connaissance du statut douanier de la marchandise avant son arrivée au port), cette convention réduirait d’une journée le temps de transport fluvial. À la CNR on souligne également que « cette organisation douanière revêt un intérêt fort en terme de trésorerie puisqu’elle offre aux enseignes la possibilité de ne pas avancer les règlements des droits et taxes durant le voyage et la période de stockage portuaire des conteneurs ».
Financer le programme de recherche
Certaines enseignes vont également participer au financement d’un programme de recherche initié par la direction Saône Rhône Méditerranée de VNF et destiné à développer l’utilisation du conteneur 45′. Utilisée en short sea shipping dans le nord de l’Europe, cette unité de transport intermodale demeure sous-employée pour le combiné fuvial-ferroviaire. Selon VNF, elle pourrait se substituer avantageusement au transport routier continental en semi-remorque pour l’acheminement de palettes, cartons et autres produits. Cette étude bénéficie d’un financement dans le cadre de Prédit 4 (Programme national de recherche et d’innovation dans les transports terrestres) de 300 000 €. Les distributeurs feront part de leur expertise « chargeur » dans le cadre d’une étude technico-économique pour une ligne fleuve-route en conteneurs 45′ entre Pagny, Lyon et Fos.
Report modal du ferroviaire au fluvial à Arles
Plate-forme fluviomaritime par excellence, le port d’Arles invente des solutions logistiques en partenariat avec l’opérateur fluvial CFT, en attendant d’accueillir ses premiers conteneurs aux alentours de 2010. « La Compagnie fluviale de transport s’est récemment positionnée comme commissionnaire de transport pour substituer un acheminement fluvial à un acheminement ferroviaire. En effet, les convois ferroviaires consomment beaucoup de linéaire dans les entrepôts », explique Benoît Ponchon, directeur du port fluvial d’Arles. Ainsi, depuis le début de l’année, l’opérateur a acheminé 2 000 t de ballaste entre Pagny et Arles via des convois fluviaux de 4 400 t. Ces produits sont ensuite transportés par des camions jusqu’au site voisin d’Infra SNCF à Miramas le fournisseur de Réseau Ferré de France.
Par ailleurs, « les travaux de prolongement du quai nord et l’extension de la zone de stockage qui lui fait face pourraient démarrer courant 2009. Cela représente un investissement de 1,19 M€ sur deux ans. Nous venons également de réceptionner une troisième grue hydraulique qui libérera notre grue à flèche droite de 40 t pour la manutention de conteneurs », détaille le responsable du port.