Sans remorque, pas de transport maritime

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Ayant passé plus de 25 ans à « faire » du colis lourd ou du projet industriel chez différents commissionnaires de transport, Carlos Tournade a une vision globale de l’activité: depuis le site de fabrication ou d’assemblage du colis, lourd ou volumineux, jusqu’à celui de réception. Dans ce métier comme dans la distribution de produits vendus par internet, ce sont les derniers kilomètres qui peuvent être les plus difficiles à réaliser.

Mais commençons par le « facile »: le transport maritime; sous-entendu l’offre de transport de navires d’une capacité de levage de plus de 200 t, d’une réelle vitesse de service d’au moins 16 nœuds et exploités au tramp. Carlos Tournade distingue trois groupes: les Néerlandais, les Allemands et les Danois.

Occupant de loin la première position, les armements néerlandais cités sont par ordre alphabétique, BigLift, Dockwise, RollDock et Jumbo. Certes, RollDock n’a pas encore de navire mais les constructions ont commencé et les premiers contrats de transport ont été signés.

En tenant compte des commandes passées, les compagnies allemandes et danoises font jeu égal, estime le représentant de TPI.

Parmi les premières, il cite Beluga, Condock, Rickmers et SAL. Depuis janvier 2007, les deux navires de Condock sont cependant passés sous le contrôle de CombiLift, coentreprise installée au Danemark regroupant le danois J. Poulsen et l’allemand Harren & Partens qui racheta à la même époque Condock.

Carlos Tournade souligne cependant que Rickmers et SAL sont devenus des opérateurs de quasi-lignes régulières, principalement entre l’Europe et l’Extrême-Orient, le premier étant en outre, plus un transporteur de conventionnel disposant de capacité de colis lourd qu’autre chose. La vitesse de service des nouveaux navires de SAL, 20 nœuds, est saluée par le commissionnaire de transport. Si la vitesse coûte cher en combustible, l’allongement du délai de mer coûte également cher en coût d’affrètement. Dans le mauvais temps, voir un porte-colis lourd chargé « se traîner » à 6 nœuds est « catastrophique pour tout le monde. Tempête exceptée, une vitesse réelle de 12 nœuds constitue un minimum » estime Carlos Tournade.

Outre Poulsen déjà cité, l’autre Danois est CEC (Clipper Elite Carriers) devenu en avril 2008, Clipper Projects. Le groupe Clipper est également actif dans les vracs secs et liquides, et la ligne régulière régionale, entre autres.

L’armateur qui fait les études: un plus pour emporter l’affaire

Si les capacités de levage et les dimensions du navire sont évidemment importantes pour enlever une affaire, le savoir-faire de l’opérateur constitue un facteur déterminant, explique Carlos Tournade. Chez les opérateurs de « moins de 250 t. », souvent l’armateur fournit un plan plus ou moins détaillé de son navire et le client potentiel doit se débrouiller pour étudier comment le chargement et le transport, arrimage et saisissage compris, pourront être effectués en tenant compte des accélérations que la marchandise est susceptible de subir. Les gros faiseurs ont leur propre service technique qui étudie les différents moyens et méthodes pour réaliser l’opération. De ce point de vue, la qualité de l’équipe de RollDock est « exceptionnelle ».

Cela dit, la méthode qui sera finalement retenue est le fruit des nombreux échanges entre le transporteur et le chargeur dont les spécifications techniques de son colis peuvent évoluer de façon surprenante dans le temps.

C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles certaines ingénieries laissent à leur commissionnaire de transport le soin de s’occuper seul des expéditions jusqu’à 100 t ou 200 t. mais veulent traiter en direct avec l’armateur les charges plus lourdes. Cela peut ne pas enthousiasmer le commissionnaire mais ce que le client veut… C’est aussi la raison pour laquelle TPI considère les opérateurs de colis lourds comme des partenaires et non pas comme des fournisseurs: un « bon navire avec une bonne étude technique » emportent souvent l’affaire, résume Carlos Tournade. Partenariat d’autant plus facile à souhaiter, ajouterait-on, que le marché est actuellement dirigé par l’offre de transport.

Il ajoute que le manque de personnel hautement qualifié chez les compagnies entraîne un turnover important.

Quatre opérateurs de taille internationale

Les autres « partenaires » de TPI sont les spécialistes du transport terrestre et du levage de colis lourds. Ils sont encore moins nombreux que les armateurs « lourds ». Il y en aurait quatre de taille internationale: le néerlandais Mammoet, le britannique ALE, le belge Sarens et l’italien Fagioli. Le français Scales serait plutôt de taille européenne mais en forte progression. Ils ne limitent pas leur activité au « simple » transport. Le levage d’ouvrage d’art, de bateaux de plaisance ou le montage d’éoliennes font également partie du quotidien des uns ou des autres, entre autres opérations par nature exceptionnelle. Sarens a par ex. mené des opérations, en Nouvelle-Calédonie de transport de modules industriels depuis « quai Goro Nickel à rendu sur site de montage » quelques kilomètres de piste plus loin.

Sur son site internet, ALE (Abnormal Load Engineering) ajoute qu’il est à même de faire de la commission de transport.

L’époque où l’on pouvait confier l’étude d’un transport de site-à-site à une seule entité, en l’occurrence Mammoet, est révolue depuis 2000. Elle avait commencé en 1973 lorsque Mammoet Shipping fut créée pour compléter la gamme des services proposés par Mammoet Transport. Mammoet Shipping est devenue BigLift et s’est donc séparée de Mammoet Land Transport qui est devenue Mammoet tout court.

Des demandes probablement durables

Les demandes de transport exceptionnel sont principalement le fait de trois secteurs d’activité, estime Carlos Tournade. Il s’agit de la production énergétique, éoliennes comprises; du pétrole et de la pétrochimie; et du génie civil (grandes infrastructures: routes, aéroports et ports, métros). En ce qui concerne la seconde, Carlos Tournade constate un décalage entre le discours sur le manque de pétrole à moyen terme et le démarrage des grands projets qui n’ont réellement commencé qu’il y a un an et demi environ.

Si les grands projets de BTP sont cycliques, le secteur du pétrole et de la pétrochimie semble promis à un bel avenir au moins du point de vue du commissionnaire de transport. En effet, le durcissement des contraintes pesant sur les sites industriels amène ces derniers à externaliser de plus en plus leur mise à niveau. En clair, il est de moins en moins possible de moderniser un site de production chimique en construisant sur place les nouveaux équipements. Ils arrivent maintenant par modules et sont « simplement » assemblés sur le site toujours actif. La sécurité y gagne sans doute, les transporteurs, sûrement. Autre modification probablement liée à la présence de plus en plus massive des juristes: la quantité de papier qu’il faut générer pour réaliser une affaire. Études et procédures en tous genres s’accumulent, indépendamment des considérables changements de poids des masses indivisibles qui au fil du temps font perdre aux premières beaucoup d’intérêt. On rencontre même des chargeurs qui veulent gérer leurs colis lourds en flux tendu imposant des dates contractuelles précises de présentation du navire à l’embarquement. La réalité de l’aléa industriel rend ce genre de pratique peu réaliste et peut générer des discussions « franches et contrastées » avec le transporteur maritime lorsque le colis est, comme cela était prévisible, en retard.

Vers 2010, de nombreux navires commandés arriveront sur le marché, il ne faudrait pas alors que les demandes de transport mollissent.

Avec ses 35 salariés et un chiffre d’affaires « sensiblement » supérieur à 30 M€, TPI se classe, selon son représentant, dans le peloton de tête français des spécialistes du colis lourd ou volumineux, aux côtés de SDV, Someport Walon et Géodis. Fidèle aux traditions de son métier, il est très difficile « d’arracher » à Carlos Tournade quelques précisions anodines sur ses opérations passées, actuelles ou futures.

Le monde repose sur les remorques allemandes et un peu françaises

Si les transporteurs maritimes et terrestres de colis très lourds (300 t et plus) sont peu nombreux, les fabricants de remorques modulaires automotrices, les fameux « mille-pattes », le sont encore plus. A priori, ils ne sont plus que deux au monde, tous les deux allemands: Transporter Industry International GmbH et Goldhofer GmbH. Le premier contrôle trois fabricants: deux allemands Scheuerle et Kamag; et le français Nicolas, racheté en 1995.

À en croire leur site internet, le monde repose sur leurs équipements: le système Hy-Spec de Nicolas permet de transporter une masse indivisible de plus de 12 000 tonnes. Scheuerle annonce 14 350 t déplacées sur environ 200 m grâce à sept lignes de remorques représentant 500 essieux. Nicolas souligne qu’elle a également conçu six tracteurs lourds pour transporter la fusée Ariane V entre l’atelier et le centre de tir de Kourou. Pour les chantiers navals, Nicolas monte jusqu’à 2 000 t. En juillet 2007, Kamag annonçait qu’il avait reçu une commande de huit remorques automotrices de la part du chantier chinois Qingdoa Beihai Shipbuilding Heavy Industry Cpy. Attelées les unes aux autres, elles peuvent déplacer un bloc de presque 2 000 t réparties sur 264 roues et une surface de portage de plus de 800 m2. L’ensemble peut se déplacer dans toutes les directions. Outre les masses indivisibles jusqu’à 10 000 t. Goldhofer a également développé des moyens de transport terrestres pour les éoliennes dont la taille ne cesse de croire. Au début des années, une pale mesurait 15 m environ et était installée à une trentaine de mètres. Vingt ans plus tard, la pale dépasse les 45 m et culmine à plus de 60 m. Goldhofer a donc conçu une remorque extensible permettant de transporter une pale de 70 m hors tout.

Les éoliennes posent un problème de stockage

Si les éoliennes sont devenues très tendance, elles posent néanmoins de gros problèmes logistiques.

Pour optimiser l’utilisation des grandes et coûteuses grues nécessaires à l’élévation du « mat » et à l’installation de l’alternateur de 90 t. ainsi que des pales, le fournisseur veut réaliser le montage de toutes les éoliennes en une seule fois. Il faut donc que tous les éléments puissent être rapidement acheminés sur le site, explique Carlos Tournade. Le problème vient de la conception même des éoliennes. Le fût est constitué par trois éléments tronconiques de 30 m chacun. Le plus petit diamètre est de 6 m. Impossible à gerber. Les trois pâles arrivent dans une « cage » de 30 m de long, gerbage sur une hauteur. C’est finalement l’alternateur, appelé « hub », de 90 t qui prend le moins de place. Il faut donc disposer d’une surface considérable pour stocker de façon temporaire ces éléments le temps nécessaire pour qu’ils soient tous là. Une remorque routière spéciale est également nécessaire pour les transporter sur un site généralement mal desservi par la route. Mais cela créé des souvenirs. Carlos Tournade est également très disert sur d’autres problèmes techniques à condition que rien ne soit publié.

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