Le « colis lourd »: un vaste sujet

Article réservé aux abonnés

Pour Paul-Henri Tanon, représentant commercial de Giant Marine, agent exclusif et filiale de BigLift en France, les choses sont assez simples: du point de vue de la capacité de levage, le transport d’une masse indivisible et « concentrée » de plus de 350 t, c’est du colis lourd. En deçà, c’est du « plus courant » qui peut être transporté par de nombreuses compagnies.

Jean-Christian Patricot, p.-d.g. de MIT Chartering, est plus « ouvert à la discussion »: un colis peut être qualifié de lourd lorsqu’il commence « à payer du fait de son poids ». 150 t constituent un bon critère. Cela dit, par ses seules dimensions, un colis de même 60 t peut nécessiter l’emploi d’un navire très spécial, ajoute-t-il.

Consensuel, Carlos Tournade, l’un des responsables du commissionnaire de transport TPI estime qu’il y a deux points de vue: celui de l’armateur et celui du commissionnaire de transport. Pour ce dernier, un colis d’une centaine de tonnes peut être aussi compliqué à transporter qu’un colis parallélépipédique de 350 t. Ceci s’expliquerait par le fait que jusqu’à 200 t de capacité de levage, pour fixer les idées, les navires ne sont pas tous adaptés pour faire face à toutes les situations. Exemple: les dimensions des manilles utilisées dans l’industrie pétrolière ne sont pas nécessairement compatibles avec les points d’ancrage des « petits » navires. Une mauvaise préparation dans la vérification des « détails » (taille et capacité du spreader, longueur et diamètre des élingues présentes à bord, etc.) peut entraîner la perte d’un jour d’affrètement.

En dessous de 300 t on trouve une « nuée » de transporteurs, estime Carlos Tournade. Au dessus, il n’en reste qu’une poignée très spécialisée.

Ces « happy fews » se caractérisent par le mode de chargement de leurs navires, souligne Paul-Henri Tanon. On trouve donc les navires à manutention verticale, les semi-submersibles qui sont également des rouliers, et les rouliers « insubmersibles ». Dans le vertical « lourd », figurent quatre ou cinq opérateurs. Les deux historiques sont Big Lift Shipping, (ex-Mammoet Shipping) filiale à 100 % de Spliethoff depuis 2000, qui exploite environ 13 unités, et Jumbo Shipping, également néerlandais.

Depuis une dizaine d’années, l’allemand SAL (Shiffahrtskontor Altes Land) se développe fortement à partir du schéma qui a permis à l’Allemagne de devenir le premier propriétaire au monde de porte-conteneurs: quelques contribuables aisés désireux de bénéficier de niches fiscales, investissent dans des navires; tous les types de navires, y compris les porte-colis lourds.

Cela a conduit à l’émergence il y a trois à quatre ans du « petit » nouveau, le brêmois Beluga. Des investisseurs lui confient l’exploitation de leurs navires. Aujourd’hui sa flotte compte plus de 13 unités. Elle devrait être de 40 unités vers 2011. Avoir des navires, c’est bien. Avoir des navires et les compétences techniques pour étudier la faisabilité d’un transport, les conditions de levage, d’arrimage et de saisissage du colis en fonction des accélérations susceptibles d’être enregistrées durant le voyage, c’est mieux mais nécessite une expérience certaine, note Paul-Henri Tanon. Une évidence que partage également Carlos Tournade (voir p. 21).

Le semi-submersible est largement dominé par le néerlandais Dockwise, ex-Dock-Express dont la flotte comprend une douzaine de navires. Cosco et le norvégien OHT sont également présents dans ce segment avec chacun trois unités. Dans le roulier de capacité intermédiaire, est arrivé depuis peu l’allemand Rolldock.

De la fève de cacao aux tourrets de câble de 350 t

La réduction du nombre de navires polyvalents « standard » peut avoir des retombées positives pour les transporteurs de colis lourds à manutention verticale: on leur propose parfois de revenir en Europe avec des cargaisons de fèves de cacao. Ceci constitue une demande très ponctuelle mais si le navire est en position, pourquoi ne pas en profiter, se demande Paul-Henri Tanon. Plus structurelle est la demande de transport venant de l’industrie off-shore. Elle travaille de plus en plus profond avec des navires de plus ou plus coûteux. Il n’est donc plus question que ces navires quittent leur zone de travail pour aller chercher leurs consommables à terre. Les grosses bobines de 300 t à 350 t de flexibles et autres canalisations leur sont donc apportées par les porte-colis lourds qui ramènent à quai les tourrets vides.

Ce nouvel usage des porte-colis lourds a entraîné des sérieuses modifications des habitudes de travail. Contrairement au transport « pur et simple », les approvisionnements des parapétroliers doivent être effectués au jour dit afin que le travail se poursuive sans interruption. « La ponctualité est de rigueur », souligne Paul-Henri Tanon. Ce qui n’exclut pas les « acrobaties » car le transfert à couple et parfois dans des pays « exotiques » de bobines de 350 t peut être à l’origine de grands souvenirs.

Enfin, contrairement au transport de port-à-port, l’assistance à l’offshore est une activité de longue durée. Il faut être capable de réagir efficacement aux problèmes et autres aléas rencontrés par le client.

Moyennant quoi, le porte-colis lourd est fixé pour plusieurs mois et affecté à une zone donnée. La fixation de ces navires se faisant environ un an à l’avance, cela permet une certaine visibilité dans leur exploitation. Ce qui n’empêche pas qu’il faille correctement gérer l’avant et l’après contrat, voire les fenêtres de mise à disposition et de restitution du navire car aussi rigoureuse que soit l’industrie offshore, les prévisions sont par nature, en constante évolution. BigLift a ainsi trois unités employées à l’assistance off shore. Et Jumbo est également présent dans cette sorte de niche.

Bien évidemment, le transport de port à port de colonnes de distillation, de turbines et autres masses indivisibles reste d’actualité et même de plus en plus d’actualité avec le développement des industries lourdes en Extrême-Orient. Ce qui a été à l’origine des quasi-lignes régulières exploitées par Rickmers et SAL, souligne Paul-Henri Tanon, rejoint sur ce point par Carlos Tournade.

De plus en plus lourd

En une vingtaine d’années, les porte-colis lourds à manutention verticale ont comme les autres types de navires, évolué. Et en particulier, leur capacité de levage. Naguère, elle était au maximum de 1 000 t. Aujourd’hui, la « norme » est de 2 fois 900 t jumelables. La puissance installée est également plus grande. La vitesse de service a suivi la même tendance sans toutefois dépasser les 18 nœuds. La hausse du prix du combustible devrait calmer toute velléité de dépasser ce seuil.

Autre évolution plus discutable: la taille du contrat d’affrètement. Dans les années 1980, il tenait sur trois à quatre pages qui complétaient les dispositions du contrat standard Heavycom. Aujourd’hui, il faut six pages de plus.

Insensible à toute évolution, le fret se paie à l’embarquement. Si d’aventure, le règlement n’était pas effectué avant l’arrivée à destination, le déchargement en serait retardé. D’autant qu’actuellement et probablement pour les cinq prochaines années, il manque des navires. Le rapport de force est donc favorable aux fournisseurs de transport.

Une demi-douzaine de donneurs d’ordre

Dans l’offshore, les contrats se négocient directement avec l’opérateur, estime le représentant de Giant Marine. Il connaît ses besoins et ses contraintes et il s’agit d’opérations récurrentes. Ainsi, Technip n’a-t-il besoin d’aucun intermédiaire pour négocier l’acheminement des tourrets de flexibles que fabrique l’une de ses filiales, à bord des navires qu’exploite une autre filiale.

Dans le transport de site à site, il en va tout autrement. Un commissionnaire de transport est souvent présent surtout pour les ingénieries qui font fabriquer leurs équipements dans le monde entier. Le commissionnaire se charge alors des mises en quai ou de leur coordination et de la négociation et de la réservation du fret. Le marché français compte environ une demi-douzaine de gros donneurs d’ordre: par ordre alphabétique, Air Liquide, Areva qui construit dans les environs de Chalon-sur-Saône et embarque à Fos après avoir descendu le Rhône, à l’import, on trouve les ex-Chantiers de l’Atlantique, de temps à autre, DCN Systèmes, Dresser dont le centre mondial de tests de ses gros compresseurs est situé au Havre, Entreposes (ex-Constructions métalliques de Provence), JST (ex Jeumont Schneider) qui fabrique des transformateurs électriques, SIDEM qui charge de plus en plus hors de France et Technip. Concernant les commissionnaires, les plus actifs sur le marché français sont, selon Paul-Henri Tannon et Jean-Christian Patricot et par ordre alphabétique, Geodis, SDV et Someport Wallon. D’autres noms sont également cités mais dans une autre catégorie, Danzas devenu DHL pour le militaire; Panalpina, TPI, voire Schenker qui a développé une division « projet industriel » dont les résultats satisfont le président du directoire (JMM, 16 mai 2008, p. 30). Si les décideurs installés en France ne sont pas nombreux, leurs demandes de transport sont suffisamment significatives pour que les grands transporteurs soient physiquement représentés en France: BigLift par Giant Marine (Le Chesnay) qui représente également et entre autres SMIT (barges remorquées et grues flottantes), et Svitzer (remorqueurs océaniques très puissants); Jumbo est représenté par Logistique Maritime Sarl (St-Cloud); SAL par Worms Agrifran Services Conventionnels (Le Chesnay); Beluga par Helmgale à Montpellier; Rolldock par MIT (Le Chesnay).

La taille du marché et les habitudes françaises de travail font qu’il est préférable d’être représenté localement plutôt que de suivre la clientèle depuis l’Allemagne ou les Pays-Bas, explique Paul-Henri Tanon.

Dossier

Archives

Boutique
Div qui contient le message d'alerte
Se connecter

Identifiez-vous

Champ obligatoire Mot de passe obligatoire
Mot de passe oublié

Vous êtes abonné, mais vous n'avez pas vos identifiants pour le site ?

Contactez le service client abonnements@info6tm.com - 01.40.05.23.15