Le bilan est lourd:78 M€, 191 escales annulées et transférées vers le nord de l’Europe, 130 000 conteneurs non traités, un trafic fluvial qui plonge de plus de moitié… Au Havre, le bilan de près de trois mois de grèves à répétition (752 heures, soit trente et un jours selon un comptage arrêté au 3 juillet) contre la réforme portuaire a de quoi donner le vertige. À tel point que dans une situation « d’urgence », les décideurs locaux ont décidé de cosigner une lettre ouverte. Ou plutôt, ils tirent la sonnette d’alarme.
« Il faut savoir arrêter une grève », explique, citant l’ancien leader communiste Maurice Thorez, Christian Leroux, le président de l’Union maritime et portuaire. « Ces mouvements sociaux ont un impact sur l’ensemble de l’économie du Havre, de l’estuaire et de la région », souligne Vianney de Chalus, le président de chambre de commerce et d’industrie du Havre et président de Groupama-Transports. « Nous avons la chance, poursuit-il, d’être dans une dynamique, d’avoir Port 2000, qui est un outil fantastique. Il ne faut pas sacrifier et casser cet élan dynamique» . « Nous sommes effectivement dans une dynamique de relance, de croissance, pas de déclin ni de fermeture, assure pour sa part Jean-Pierre Lecomte, le président du port autonome. Nous nous réorganisons comme les autres grands ports internationaux pour nous mettre en ordre de développement. La réforme n’est pas un recul social, personne ne sera laissée au bord de la route ».
La réforme est aujourd’hui votée par le Parlement, l’heure est à la négociation d’un accord-cadre. Cependant, les grèves continuent chaque semaine au Havre à raison d’un service de nuit non assuré et deux mouvements de vingt-quatre heures d’arrêt de travail, le jeudi à partir de 6 heures et le samedi, à 15 heures. « J’en appelle à la raison, souligne Jean-Pierre Lecomte. Les mouvements ne sont pas à l’échelle d’une négociation d’un accord-cadre ». Demandant du « calme » et du « sang-froid », le président du PAH estime que la grève « n’apporte pas un plus pour qui que ce soit, au contraire, elle apporte un moins pour tous ».
La négociation justement
Christian Paschetta, le président de l’Union nationale des industries de la manutention (Unim) et président de la Générale de manutention portuaire (GMP), estime qu’elle avance autour d’une « convention tripartite de détachement ». Ce texte, entre l’État, les employeurs et la FNDP, offrirait des garanties aux salariés concernés par le transfert vers la sphère privée. Ainsi, selon Christian Paschetta, le texte en discussion assure « une garantie de salaire ». Le salarié ne pourra pas être muté sur un autre port, il bénéficiera d’un droit d’option, autrement dit « une période d’essai de trois ans ». « C’est une possibilité de retrait et les grands ports maritimes s’engagent à reprendre les salariés », souligne le président de l’Uunim. Un dispositif qui complète une mesure inscrite dans la loi: la possibilité de retour dans le champ public pendant un délai de sept ans.
Selon Christian de Tinguy, le président du Groupement des employeurs de main-d’œuvre et directeur général de Terminaux de Normandie, la réforme est indispensable. « Mais je comprends le choc que peut représenter la loi, estime-t-il. Cependant, nous avons une aptitude à faire travailler les équipes ». Pour l’heure, Christian de Tinguy tire aussi la sonnette d’alarme. « Les entreprises sont affaiblies ». Un chiffre? Sur les six premiers mois 2008, la GMP a traité 380 000 boîtes. Soit 55 000 de moins qu’en 2007!