« Les mouvements sociaux nous ont coûté 400 000 t »

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Journal de la Marine Marchande: En 2007, les trafics du Port autonome de Nantes Saint-Nazaire ont enregistré une baisse générale de 1,1 %. Une tendance qui touche principalement les trafics énergétiques. Sur les premiers mois de 2008, la situation laissée par 2007 se répète-t-elle?

François Marendet: Nous avons en effet subi un tassement de trafic en 2007 principalement lié aux trafics énergétiques. Les autres courants ont augmenté. Sur les premiers mois de 2008, la situation est différente. Nous enregistrons une progression de 2,8 % à fin mai à 13,9 Mt. Nous enregistrons une hausse de 7 % dans le gaz naturel sur les cinq premiers mois. Le charbon, lié à la consommation de la centrale électrique de Cordemais, a fait un bond de 84 %. Nous avons eu des périodes froides pendant l’hiver et EDF reconstitue ses stocks. Enfin, les hydrocarbures, les entrées de pétrole brut et les produits raffinés sont en baisse de 10 %. Une baisse qui peut être liée d’une part à un incident de la raffinerie et, d’autre part, à un effet de pétrole cher.

JMM: Et les trafics non énergétiques, quel est leur sort et subissent ils les effets des mouvements sociaux?

F.M: Les mouvements sociaux liés à la réforme portuaire ont des effets sur des trafics comme les marchandises diverses. Ils n’impactent pas les trafics énergétiques.

Certains trafic diminuent en raison d’un changement structurel du marché. C’est le cas des bois, en décroissance continue. Nous constatons une disparition des trafics de grumes pour tendre vers un marché du bois scié en conteneurs.

Les vracs secs, pour leur part, sont en progression de 17 % et cela en intégrant une baisse de 16 % des trafics de sables. À prendre les vracs secs hors charbon et céréales, la baisse est de 20 %. Une évolution qui tient aux mouvements sociaux. Au premier trimestre, nous avons enregistré une forte hausse. Cependant, ces trafics accusent malgré tout un repli. Ainsi, les trafics agroalimentaires ont été largement touché par les mouvements sociaux. Il nous manque 350 000 t. Une partie de ces flux ont été déroutés vers le port de Lorient. Ensuite, les professionnels de la filière ont préféré les ports d’Europe du nord comme Gand et Anvers. Nous réceptionnons encore des navires mais tout l’acquis du premier trimestre est en train d’être perdu.

Du côté des conteneurs, notre performance du début de l’année a été mise à mal par les grèves. Nous étions sur une hausse de 15 % au premier trimestre et nous n’avons plus que 4 % d’augmentation par rapport à la même période de l’année dernière. Nous avons perdu environ 7 % depuis le début du conflit social. Nous traitons, depuis le début de la grève, 50 % de conteneurs en moins par rapport aux prévisions. Concrètement, nous avons perdu 7 000 conteneurs. Ce sont principalement des volumes pas des lignes. Enfin, les « petits vracs » comme la ferraille progresse fortement. Ce trafic est passé de 70 000 t à 400 000 t en deux ans.

Au final, les mouvements sociaux nous ont coûté 400 000 t.

JMM: Sur l’ensemble de l’année 2008, pensez-vous que vous dépasserez les résultats de 2007, malgré les mouvements de grève?

F.M: Avec ce que nous avons perdu avec la grève nous serons à peu près au même niveau. Nous nous en serons bien sorti malgré la baisse des trafics énergétiques. Mais il est difficile de faire aujourd’hui des prospectives compte tenu de la situation actuelle dans le port.

JMM: La réforme portuaire a été adoptée par l’Assemblée nationale. Le texte prévoit un calendrier et des négociations port par port. Comment envisagez-vous la situation à Nantes Saint-Nazaire?

F.M: Le calendrier de la réforme portuaire dépend du calendrier national. Néanmoins des discussions ont lieu localement pour examiner comment les sociétés vont s’organiser en opérateur. La place portuaire et travaille actuellement sur un schéma qui comprendrait un opérateur par terminal. Ainsi nous aurons un opérateur à Cheviré, un sur le terminal céréalier de Roche Maurice et un autre sur Roche Maurice aval, si une société se porte volontaire. Ensuite, le schéma prévoit un opérateur sur le terminal multivrac et un sur le terminal à conteneurs. Nous l’avons présenté en interne au personnel.

D’un point de vue social, le personnel concerné par ce projet est estimé à 300 salariés sur le port. Il s’agit de 80 grutiers.

Quant à l’outillage, il va faire l’objet d’un transfert, comme le prévoit la loi. Les opérateurs sont dans une phase d’estimation financière de ce transfert.

JMM: La position des syndicats localement touche durement le port nous l’avons constaté avec votre bilan des trafics. Quelle est la réaction de la communauté portuaire face à ces événements?

F.M: D’abord, il est important de préciser que nous n’avons aucun aucune discussion formelle avec la CGT-FNPD. Elle se réfugie derrière le mot d’ordre national. Ensuite, nous devons aussi remarquer que la position du syndicat localement est extrêmement dure par rapport aux positions prises au niveau national. Face à ce constat, la communauté portuaire et l’ensemble du monde économique se sont montrés extrêmement solidaires. Une solidarité d’autant plus remarquable quand on sait qu’elle souffre. Nous avons pris une décision importante lors de notre conseil d’administration du mois de mai. Nous avons décidé de ne pas facturer l’outillage pendant la période s’écoulant entre le 12 avril et le 15 mai. Il ne s’agit pas d’indemniser les entreprises de la grève mais plutôt de compenser la baisse des cadences. Une mesure que nous estimons aux alentours de 700 000 €.

Nous ne pouvons pas avoir un comportement d’entreprise et dire que nous avons des clients sans tenir compte de leur réaction. Nous n’aurons pas de révolution dans l’organisation à attendre. La structure de notre port est prête pour la réforme. Les mentalités des parties transférables ne sont pas prêtes. L’entreprise portuaire est en mesure de faire la transition. Nous sommes dans un tournant historique. Nous avons le soutien du monde économique malgré les difficultés que nous rencontrons. Maintenant nous devons gérer la transition sociale. La Logique d’entreprise est en marche dans les esprits.

JMM: Le port a lourdement investit au cours des dernières années et notamment dans la logistique. Quels projets doivent sortir de terre dans les prochains mois?

F.M: Dès 2004, nous avons investit dans la logistique. Nous récoltons les fruits de nos investissements. Nous avons mené des investissements lourds sur la plate-forme de Montoir pour que tous les investisseurs intéressés puissent s’implanter. Nous avons plusieurs demandes qui devraient se concrétiser dans les mois qui viennent. Le premier à s’implanter, Géovia, est une société immobilière logistique. La plate-forme va bientôt sortir de terre. Nous avons une quinzaine d’hectares disponibles de suite. Et nous aurons, dans deux ans, une zone d’une quarantaine d’hectares. Nous avons un second projet d’une plate-forme à l’ouest. Elle s’étendra sur une quarantaine d’hectares. Au total nous disposerons de 80 hectares.

JMM: Marfret devrait mettre sur pied une navette fluviale entre Saint-Nazaire et la plate-forme de Cheviré. Quel est le calendrier de cette nouvelle liaison?

F.M: Cette navette devrait démarrer bientôt et nous souhaitons que tout le monde joue le jeu. Nous sommes dans un contexte où certaines baronnies sont bousculées et notamment dans le monde du transport routier. Nous ferons tout pour que cette navette démarre quitte à bousculer ces baronneries. Disposer d’une ligne fluviale ne déstabilisera pas forcément le routier.

L’objectif de cette ligne est de desservir le sud de la Loire, à Cheviré pour éviter le passage du pont et peut être, dans un second temps de remonter plus en aval la Loire. Pour se faire, nous devrons nous pencher sur la conception technique de ces barges.

Avec cette ligne fluviale, nous prévoyons d’investir dans une plate-forme logistique et un dépôt à conteneurs.

JMM: Les textes vous ont transféré la propriété du réseau ferré portuaire. Quels sont les investissements à réaliser et sous quelle forme prévoyez vous l’exploitation de ce réseau?

F.M: Nous avons un accord avec les collectivités pour réaliser des investissements dans ce secteur. Nous allons entreprendre le bouclage des terminaux qui va couvrir notamment le terminal multivrac avec celui du terminal conteneurs. Il s’agit d’environ cinq kilomètres. L’enveloppe est évaluée entre 3 M€ et 5 M€. La seconde étape serait un grand bouclage avec la zone logistique de Cadréan.

Sur l’exploitation, la réflexion se poursuit. Nous ne serons pas dans la logique d’un opérateur. La structure de notre trafic nous montre que nous avons surtout des trains complets et peu de demande de wagons isolés. Dans ces conditions, nous n’avons pas besoin d’un opérateur. Nous allons réfléchir à avoir un opérateur ferroviaire de proximité.

JMM: Deux dossiers sont pendants au port avec d’une part l’autoroute de la mer, la Transgasconne, qui relierait le port ligérien à la côte nord de l’Espagne. D’autre part, le dossier de Donges Est a connu des rebondissements. Quel est l’état d’avancement de ces deux dossiers?

F.M: Sur l’autoroute de la mer, la réflexion se poursuit avec l’Acel. Une réflexion qui prend en compte les évolutions du dossier de l’appel d’offres lancé par la commission intergouvernementale (CIG) entre la France et l’Espagne. Deux lignes demeurent en course dans ce dossier de la CIG. elles passent toutes les deux par Montoir. Il s’agit du projet qui relie Montoir à Gijon et du renforcement de la liaison entre Montoir et Vigo. Parallèlement, le port continue de travailler sur un projet d’une autoroute de la mer avec Bilbao. Nous sommes sur un vrai projet d’autoroute de la mer complémentaire des deux projets labellisés.

Au total, ces différents dossiers pourraient déboucher sur la constitution d’un hub atlantique à Montoir. Quant au calendrier, il dépend de la décision de la CIG parce que cette décision conditionne la façon dont le terminal sera géré.

JMM: ET Donges Est?

F.M: Le comité scientifique a rendu son rapport au Préfet prévoyant les mesures compensatoires. Nous attendons. Le nouveau Grand Port Maritime, défini dans le cadre de la loi sur la réforme portuaire doit élaborer un projet stratégique qui précisera l’évolution spatiale du port.

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