Commençant son voyage officiel en Extrême-Orient par Singapour, Valérie Pécresse honorait de sa présence les deux copropriétaires du roulier, Louis Dreyfus Armateurs (LDA) et le norvégien Höegh Autoliners, le chantier Singapore Technologies Marine et l’utilisateur final, Airbus Industries qui « en a pris pour vingt ans ». En effet, le premier schéma logistique utilisant un seul gros roulier, le Ville-de-Bordeaux, pour acheminer en un lot sur Toulouse via Pauillac, les six éléments de la carlingue d’un A380 fabriqués en différents points d’Europe s’étant révélé « perfectible », il a été décidé d’en changer. Un navire a donc été dédié à chacune des trois zones de provenance des éléments. Pour ce faire, il a été confié à LDA et Höegh la conception (d’origine finalement finlandaise), la supervision et la gestion de deux rouliers de 126,50 m, pour une durée de vingt ans.
Livré avec un peu de retard – en septembre prochain – le City-of-Hamburg devrait aller charger les ailes des avions et notamment celles de l’A380 à Mostyn, port gallois disposant d’un faible tirant d’eau. Son jumeau, le probable City-of-Cadix, livrable au début de 2009, serait affecté à Cadix où est chargé l’empennage. Le Ville-de-Bordeaux serait, lui, en ligne sur Hambourg d’où proviennent les éléments centraux et arrière du fuselage. Il est probable également que ce gros roulier charge le nez des avions à Saint-Nazaire. Pour limiter les coûts de cette logistique de haute volée, Airbus compte beaucoup sur les capacités commerciales de LDA et de Höegh Autoliners pour trouver des cochargements, notamment de voitures. Thierry Larroque vice-président Supply Chain et Logistics & Transport d’Airbus, serait prêt à à accepter une escale supplémentaire pour charger le roulant. Selon les estimations d’Airbus, à partir de la deuxième semaine de 2010, le rythme d’assemblage des A380 sera de quatre par mois. Les trois navires tourneront donc comme des horloges pouvant ainsi offrir aux constructeurs automobiles, des garanties de départ à jour fixe.
Pour optimiser les cochargements, l’architecte naval finlandais en charge de la conception des « petits » rouliers, a prévu plusieurs « car decks » dont la hauteur utile varie de 1,70 m jusqu’à 5,50 m au pont principal. La capacité totale étant de 849 voitures.
Du ro-ro au porte-conteneurs
Après le Bélouga, cet avion gros-porteur qui parcourt l’Europe aéronautique pour acheminer, en porte-à-porte, les éléments constituant un A320 à un coût moindre que celui du maritime, pour une prestation identique, Airbus a été contraint de passer au maritime dédié, seule solution pour les pièces de l’A380. L’avionneur s’apprête maintenant à tester le porte-conteneurs. En effet, dans le cadre du contrat A320 FAL (Family Assembly Line) qui prévoit l’assemblage d’avions à Tianjin à partir d’août prochain, le transport des éléments a été laissé au choix du partenaire chinois. Celui-ci a désigné Cosco comme transporteur maritime à partir d’une plate-forme de groupage située à Hambourg, précise Thierry Larroque. Un avion en « kit » occupe l’équivalent de huit espaces 40′. Airbus aurait obtenu l’assurance de la compagnie chinoise que son équipement serait chargé juste en dessous des panneaux de cale des porte-conteneurs, le chargement en pontée n’étant pas du goût de l’avionneur européen. Ce dernier semble avoir des exigences en matière de transport maritime qui ne sont pas sans rappeler celles des importateurs de fèves de cacao, il y a vingt-cinq ans environ, avant qu’ils goûtent aux économies de la cale vrac… Le premier envoi doit avoir lieu le 24 juin et servira de test. Autre sujet de préoccupation du département logistique d’Airbus, l’acheminement sur Mobile (Alabama), des éléments du futur ravitailleur en vol de l’armée de l’air américaine. L’assemblage du premier KC-45 A doit commencer fin 2010 à partir d’éléments de l’A330 MRTT (multirôle tanker transport). Ce travail sera confié à Northrop-Grumman, le chef de projet américain. Cinq KC-45A doivent être livrés en 2011 ainsi qu’un A330 de transport de fret. Cela laisse un peu de temps pour étudier les différentes possibilités: navire de ligne, porte-conteneurs ou non; affrètement, cochargements… Bien évidemment, LDA et Höegh Autoliners sont prêts à participer à toutes les études. Pour les expéditions hors normes, Airbus traite en direct avec les transporteurs maritimes, répond Thierry Larroque.
La série des City en chiffres
Les City-of-Hamburg et City-of-Cadix sont des rouliers monozygotes conçus par un architecte naval finlandais d’une longueur hors tout de 126,60 m pour 20,60 m de large et de 4,50 m à 5,50 m de tirant d’eau. Leur port en lourd est de 3 500 t.
Pour pouvoir charger les éléments constituant un A380, les dimensions utiles de leur pont principal sont variables selon la configuration: elles sont de 100 m de long pour 5,5 m de haut et 15,5 m de large pour les ailes et l’empennage et passent à 80 m de long pour 11 m de haut et 9 m de large pour le fuselage. De part et d’autre de ce volume, la hauteur disponible est de 5,5 m.
Pour optimiser l’usage commercial de ces rouliers, des car decks ont été installés « un peu partout ». La capacité totale, hors Airbus, étant de 849 voitures standard. Avec la capacité de la rampe arrière (200 t. et 25 t par axe de roulage) et du pont principal (21 t par axe composé de 4 roues), on peut même imaginer faire des chargement de colis lourds et volumineux.
La vitesse de service est donnée à 15 nœuds mais par tous temps ou presque, souligne le responsable de la construction du City-of-Hamburg, c’est-à-dire avec un vent de 7 Beaufort et des creux de 4 m. On comprend mieux pourquoi les navires sont stabilisés. Dans les conditions standard la vitesse de service est de 17,5 nœuds pour une consommation de 36 t/j de IFO 380. Deux hélices à pas variable assurent la propulsion. La classification a été confiée au BV.
Les indications de prix sont différentes selon les communiqués. Celui de LDA indique 35 M€ pour le City-of-Hamburg; celui de ST Marine, le chantier singapourien, de 120 millions de Sing$ (soit environ 60 M€) pour les deux. Le mode de financement est un sujet également changeant au sein du même armateur. Emprunt classique pour les uns; GIE fiscal pour les autres.
Le navire sera immatriculé au registre RIF et armé par 6 à 7 officiers français et une dizaine de marins philippins.
Plutôt spécialisé dans la construction et la réparation de moyennes unités, notamment des bâtiments militaires, et en particulier des frégates de 120 m avec l’aide de la DNC, ST Marine, filiale de ST Engineering, aurait été l’un des rares chantiers à s’intéresser en 2006 à la construction de « seulement » deux rouliers pour un prix « raisonnable ».
LDA lui a également confié la construction d’un car-ferry (plus un en option) de 930 passagers, 60 camions et 200 voitures livrable durant le premier semestre 2010 au prix annoncé de 110 M US$. Ce ou ces navires seront mis en service entre Le Havre et Portsmouth.
Liste de colisage des A320 et 380
Un A320 en CKD (completely knocked down) est formé de cinq éléments. Chacun pèse environ 20 t et entre dans une enveloppe de 6 m × 6 m × 15 à 19 m, soit un volume de 500 à 650 m3.
Équipements de transport compris, la liste de colisage des six éléments constituant un A380 en « kit » est plus impressionnante: fuselage avant environ 1 800 m3 pour 55 t ; fuselage arrière, 1 800 m3 pour 56 t; fuselage central 1 900 m3 pour 60 t; chaque aile représente un volume enveloppant de 3 900 m3 pour 135 t; enfin le plan horizontal pèse 50 t pour 2 500 m3. En bref, le « kit » totalise 15 800 m3 pour 491 t.