Le Quartier Saint Michel n’a pas connu de grand soir de la manutention ce 20 mai. Aucune manifestation devant les grilles du Sénat n’est venu perturber le déroulement de la discussion du projet de loi sur la réforme portuaire.
Dans son discours de présentation du projet, Dominique Bussereau, Secrétaire d’État aux transports, a rappelé le fondement de ce texte, la perte de productivité. « En quinze ans, les parts de marché des ports français sont passées de 17,8 % à 13,9 %. Sur la même période, sur le marché mondial des conteneurs, qui augmente de 5 % par an en Europe, nous sommes passés de 11,7 % à 6,2 %. » Et le Secrétaire d’État aux transports a regretté la faible productivité actuelle de ces établissements. Pour aller plus loin, le représentant du gouvernement a exposé dans les motivations de ce projet, l’aspect financier accompagnant ce texte. « En complément des contrats de projet 2007-2013, l’État doublera sa participation pour la période 2009-2013. Au total, les investissements prévus sur cette période atteindront 2,7 Md€, dont 445 M€ à la charge de l’État, pour les sept grands ports maritimes. Parallèlement, l’État renforcera sa participation à l’entretien des accès maritimes des ports, jusqu’à en assurer, d’ici cinq ans, la totalité du financement. »
Sur la gouvernance, la présentation de Dominique Bussereau a rappelé les grandes lignes des modifications et notamment le renforcement de la place des collectivités locales. Reprenant la phrase d’Alain Juppé, « je ne reproche pas aux ports autonomes d’être ports mais d’être autonomes », le Secrétaire d’État a souligné son souhait de voir « la voix des collectivités locales plus entendue ». Voulant désamorcer les critiques d’un regroupement entre les ports, il a rassuré les sénateurs en rappelant que « nous ne sommes pas dans les lubies de certains rapports, il n’y a pas de fusion des ports décidée depuis Paris! Chaque port a son histoire, ses modes de développement ».
Enfin, volet majeur de ce texte, l’organisation du travail sur les terminaux et le transfert de l’outillage. « Il n’est pas question de remplacer un monopole public par un monopole privé », selon Dominique Bussereau mais d’opérer un transfert des outillages et du personnel dans un cadre « que les partenaires sociaux devront trouver d’ici le 31 octobre. »
Pour l’opposition, le texte présenté par le gouvernement n’est pas entièrement mauvais. Jean-Noël Guérini, sénateur du groupe socialiste, a souligné le bien fondé d’une réforme portuaire. « Oui, j’appelle de mes vœux une réforme mais ce texte ne répond pas aux exigences de l’heure. » Une position que le sénateur socialiste Charles Jocelyn a défendue. Il a souligné le manque d’un véritable volet financier attaché à ce texte. Reprenant les promesses électorales de Nicolas Sarkozy sur une enveloppe de 367 M€ entre 2007 et 2013, il juge ce montant trop faible. « Est-ce suffisant quand le port de Hambourg a investi 1 Md€ pour les seules superstructures liées au trafic de conteneurs? » S’arrêtant sur le transfert de l’outillage, Charles Jocelyn a insisté sur l’aspect social de cette réforme. « Le devenir des personnels qui, une fois de plus, tient la première place dans les médias constitue bien le point sensible de la réforme », a indiqué le sénateur socialiste. Et plus tard, Jean-Noël Guérini a enfoncé le clou. « Une réforme qui concerne le personnel doit se préoccuper des hommes. » Revenant sur l’aspect social de cette réforme, Gérard Le Cam, sénateur du groupe CRC (Communiste, républicain et citoyen) s’est inquiété des objectifs de ce texte. « Présenté comme une réforme économique, il constitue en réalité une réforme idéologique. » Et d’ajouter que ce texte « propose, pour relancer l’activité portuaire, de privatiser les services rentables de l’État et de faire des personnels la variable d’ajustement pour garantir les profits des opérateurs privés. » Pour contrer le projet, Gérard Le Cam cite l’exemple havrais avec le commandement unique. La mise à disposition des personnels par le port pourrait atteindre cet objectif tout en présentant des garanties pour les salariés. « De plus, le gouvernement nous demande de préjuger d’un dispositif qui sera négocié après l’adoption du projet de loi. »
Des négociations en cours
Un point sur lequel les quelques représentants de la FNPD CGT présents dans les tribunes ont appuyé. « Quand le gouvernement nous assure qu’une négociation est en cours, c’est un mensonge, nous a confié un responsable syndical. L’espace de négociation avec les organisations patronales est limité puisque la loi va être votée. Nous souhaitons pouvoir négocier avant le débat parlementaire. Une loi cadre ne fera que limiter notre champ de discussion. » Des propos que les représentants des organisations patronales, présents lors de ces débats, réfutent. Les négociations sont en cours, comme l’attestent les réunions régulières entre les partenaires sociaux ces dernières semaines.
Lors de la présentation des amendements présentés par les groupes politiques, trois ont retenu notre attention. En premier lieu, Charles Jocelyn en a présenté un pour que soit prise en considération la notion de services portuaires d’intérêt économique général. Dans l’hypothèse ou un outillage ne trouve pas preneur, a indiqué Charles Jocelyn, il conviendrait d’introduire une telle notion pour permettre aux ports de conserver ces outillages, a demandé en substance le sénateur socialiste. « La réforme nie l’existence de l’intérêt général dans les ports. Cette notion offre dans le cadre de la loi, une possibilité de délégation », a souligné Charles Jocelyn. Pour Charles Revet, rapporteur au Sénat de ce projet, l’introduction de cette donnée dans le texte ne paraît pas nécessaire. Et Dominique Bussereau a continué dans le même sens. « Aux yeux de la Cour de Justice des Communautés européennes et de sa jurisprudence cet amendement n’est pas utile. » Les sénateurs ont rejeté cet amendement. Le second amendement rejeté par les élus du Palais du Luxembourg visait à faire entrer dans le conseil de surveillance un personnel docker. Les élus du groupe CRC demandent la nomination d’un personnel docker parmi les quatre personnalités qualifiées nommées par l’autorité compétente de l’État. Cet amendement a été rejeté par les sénateurs. Parallèlement, le Sénat a accepté que les élus des Chambres de commerce et d’industrie passent de quatre à cinq.
La discussion a continué pendant la nuit du 21 mai. La procédure législative continue son chemin et doit être examinée dans les prochains jours par l’Assemblée nationale.