« Nous devons faire quelque chose avant qu’il ne soit trop tard », alertait George Sarris, directeur général d’Enterprises Shipping & Trading qui exploite l’une des plus importantes flottes grecques. Il mettait ainsi en garde contre la baisse des normes de construction des navires, due principalement – mais pas seulement – à l’arrivée soudaine d’un grand nombre de chantiers chinois. Quinze années de progrès dans la construction de navires plus sûrs risquent ainsi d’être ainsi perdus (Lloyd’s List du 21 avril). S’exprimant dans le cadre de la conférence sur la construction navale internationale qui se tenait à Athènes, George Sarris a souligné que nombre de chantiers récemment ouverts, copient les spécifications de navires existants et, de temps en temps, combinent des « spécifications qui n’ont aucun sens ». Il a ainsi fait écho aux déclarations de Simon Liang, pdg de Sinopacific Ship Building Group (dont est actionnaire à parité Jacques de Chateauvieux). « J’ai le sentiment que 30 % à 40 % des navires construits par ces nouveaux chantiers devraient être de piètre qualité. »
Il ajoutait que les chantiers ont grandi trop rapidement durant les cinq dernières années et que trop peu d’entre eux ont été capables d’acquérir un niveau de compétence convenable. Mais le manque de savoir-faire ne les empêche pas de s’attaquer à des navires complexes comme les chimiquiers. « Pour ceux qui ne savent rien, rien n’est difficile », soulignait Simon Liang qui, en cinq ans, est passé de deux à 45 livraisons par an. Selon les statistiques chinoises officielles, il y avait à la fin 2007, 1 059 chantiers, et plus probablement environ 3 000, estimait le patron de Sinopacific.
Construits pour amener des profits immédiat, ces chantiers pourraient connaître une fin prématurée. « Beaucoup d’entre eux sont en difficulté », poursuivait Simon Liang « car dans cette activité, il faut du temps pour acquérir une bonne efficacité. Cinq ans environ. Mais 90 % des chantiers “de plage” ne devraient pas rester longtemps en activité. Ils vont faire un peu d’argent, puis disparaître. » Il invitait donc les armateurs à choisir leurs chantiers avec « beaucoup d’attention ».
Trois étapes pour un bon navire
Tout existe en Chine en matière de construction navale: des installations impressionnantes sorties de nulle part et des lieux qui ressemblent à des plages aménagées avec échafaudages en bambou, expliquait Nick Brown, directeur général chargé du développement en Chine des activités maritimes du Lloyd’s Register. « Nous avons des demandes de la part d’armateurs intéressés par les offres des chantiers du second type », ajoutait-il.
Disposer d’installations modernes n’est qu’une première étape. La seconde consiste à avoir et à conserver du personnel qualifié à tous les échelons. Or la hausse du nombre de chantiers dilue les compétences de la main-d’œuvre, estimait Nick Brown. Le troisième défi est d’obtenir des pièces et équipements conformes aux standards internationaux. « De nombreux fournisseurs n’ont aucune idée de ce que les sociétés de classification membres de l’IACS peuvent exiger d’eux. »
Tant que ces navires ne sortent pas des eaux chinoises, le problème conserve un caractère purement national. Vendus à l’exportation, il présenterait une dimension internationale bien plus délicate à gérer.