Journal de la Marine Marchande (JMM): Dunkerque joue la carte de la polyvalence en proposant ses prestations dans les vracs secs ou liquides, les trafics spécialisés, le roulier, le conteneur, la logistique. Cela correspond-il à une vocation face à la demande, ou à une volonté envers et contre le marché?
François Soulet de Brugières (F.S.d.B.): « C’est une vocation et une réalité. Nous sommes, et très brillamment, un grand port de vracs, et de trafics industriels spécialisés. Nous accueillons des lignes régulières de conteneurs, et nous sommes un port roulier. Avec une seule ligne, mais un trafic important. »
JMM: Comment les chargeurs lillois, dont vous êtes, hors de cette enceinte du port autonome, ont-ils réagi face à la décision de Mærsk Line de cesser ses escales directes?
F.S.d.B.: « Avec une vive déception! Nous avions modifié nos flux, pour que nos entrepôts reçoivent le fret par Dunkerque. Cela ne se fait pas en trois mois. Nous apprécions d’autant moins la décision que Mærsk nous propose un service depuis Le Havre par fer, sans avoir réfléchi à une solution douanière efficace (voir encadré). On sent bien que ce n’est pas le point de vue du client qui domine. »
JMM: Le trafic de conteneurs généré par les ports asiatiques est gigantesque. Est-il sérieux d’espérer rendre un service à cette mesure en Europe, en particulier dans un port de la taille de Dunkerque?
F.S.d.B.: « Nous sommes petits. Et nous manquons d’attractivité pour les lignes régulières. Avec deux portiques de plus, serons-nous à l’optimum? Je ne serais pas surpris que l’on nous dise alors qu’il en faut deux de plus… En tout cas, la priorité aujourd’hui est de porter la compétitivité du terminal de Dunkerque au niveau de celle des ports voisins, Zeebrugge, Anvers, Rotterdam. L’exploitant NFTIou étudie le moyen de réaliser des volumes supplémentaires à l’avenir avec des effectifs limités, et une productivité accrue. »
JMM: Quelles réflexions vous inspirent les évolutions institutionnelles en cours, nous pensons au transfert de propriété des ports de Calais et Boulogne-sur-Mer à la Région, et à l’annonce de la prochaine fusion des CCI concessionnaires de ces deux ports?
F.S.d.B.: « Je pense de plus en plus qu’un rapprochement avec Calais et Boulogne aurait du sens. Placer le transmanche sous commandement et réflexion stratégique unique serait une idée audacieuse. Cela nous permettrait de développer une offre complète face aux clients. Ensuite, ce rapprochement nous donnerait un poids et une lisibilité bien meilleure à l’international. Dès après la mise en place du plan de relance des ports autonomes, voulu par le Gouvernement, je crois que nous irons à la rencontre de nos voisins. »
JMM: Dunkerque a-t-il besoin d’investissements de taille stratégique?
F.S.d.B.: « Oui, nos besoins sont importants et visent l’ensemble de nos trafics. Le conseil d’administration sera prochainement saisi de propositions, sur lesquelles il aura à se prononcer. Elles concerneront des longueurs de quais supplémentaires au QPO, au port central, des solutions pour répondre aux ambitions européennes d’ArcelorMittal des rampes ro-ro, l’anticipation des besoins en espaces aménagés pour accueillir de nouveaux entrepôts. »