Le Port autonome du Havre a souhaité faire de ce territoire privilégié un pôle consacré à l’environnement. Unifer Environnement, société spécialisée dans la collecte et la réexpédition de déchets, vient d’y ouvrir un centre destiné aux seuls professionnels. C’est désormais l’entreprise Gardet & de Bézenac qui va s’y implanter. Sur place, là où les ACH disposaient jadis de leur rampe de lancement des navires en construction, Gardet & de Bezenac installe, à l’inverse, une rampe de démantèlement. C’est en effet sur ce lieu où tant de navires ont vu le jour au fil de l’histoire de la navale havraise que l’entreprise basée à Yvetot, au cœur du pays de Caux et spécialisée depuis les années trente dans la collecte et la valorisation de tous types de déchets ainsi que le démantèlement d’unités industrielles, met en œuvre un chantier de déconstruction des navires en fin de vie. Les premiers devraient arriver fin avril ou début mai.
Il y a plus de deux ans que Patrick Nion, le président de cette petite entreprise familiale, Gardet & de Bézenac (42 salariés, une dizaine de millions d’euros de chiffres d’affaires), porte ce projet industriel. Certes, il a fallu du temps avant de le voir aboutir, mais après des mois d’études et de procédures, l’entreprise a finalement décroché le feu vert préfectoral au mois d’août dernier. Pour Patrick Nion, cela signifiait le lancement des premiers investissements. Au total, ce sont environ 4 M€ qui sont engagés par Gardet & de Bézenac sur cette nouvelle plate-forme. Plus de la moitié est destinée à l’aménagement des lieux qui doivent devenir un exemple en matière environnementale. Côté matériel, Patrick Nion a acheté une nouvelle grue, des treuils pour tirer les navires sur l’ancienne rampe, mais aussi une pelle hydraulique dotée d’une énorme cisaille et destinée à découper la tôle des navires après diagnostic complet, dépollution et désamiantage en cas de besoin; cette tâche-là sera d’ailleurs réservée à une entreprise sous-traitante qui interviendra sur place. La tôle des navires sera récupérée, reconditionnée, puis destinée soit à l’industrie sidérurgique européenne, soit à la grande exportation. En la matière, la demande mondiale ne cesse de croître et Gardet & de Bézenac n’aura pas de peine à trouver de débouchés. L’entreprise exporte déjà par le port du Havre les ferrailles récupérées auprès des industriels.
Pour faire tourner ce chantier de déconstruction et démantèlement, l’entreprise Gardet & de Bézenac recrute actuellement une quinzaine de personnes. « Nous allons démarrer très progressivement, souligne Patrick Nion. Dans les trois ans, notre objectif est de démanteler trois ou quatre unités par mois. » Les installations de la plate-forme vont permettre de démonter des navires jusqu’à 100 m de longueur. Patrick Nion vise le marché des barges fluviales en fin de vie, les petits caboteurs, mais aussi les bateaux de pêche et, pourquoi pas, les navires de plaisance. Un projet de plate-forme de déconstruction de telles unités devait d’ailleurs voir le jour à Caen-Ouistreham. Or, pour l’heure, il semble retarder.
Avec Gardet & de Bézenac, le port du Havre retrouve une activité dans le domaine de la navale, alors que, dans le même temps, le dock flottant s’apprête à quitter le territoire national pour les Bahamas… Depuis des mois et l’affaire du Clemenceau, les acteurs havrais s’étaient positionnés sur ce marché-là. Au sein du comité d’expansion économique, Le Havre-Développement, un groupe de travail a été lancé. Aujourd’hui, l’installation de Gardet & de Bézenac est une sorte d’aboutissement. Certes, le démantèlement de navires fait sans doute moins rêver que la construction elle-même. Mais aujourd’hui, dans un contexte de concurrence internationale, la voie est sans doute plus facile à explorer.