C’était le 20 février. L’Eugen-Mærsk, long de 397 m pour 56,40 m de large passait les digues de Port 2000, direction le terminal Porte Océane. À son bord, François le Guern, pilote, et depuis peu nouveau président de la station de pilotage Le Havre/Fécamp. Pour se familiariser avec ce mastodonte de 156 000 tpl et une capacité officielle de 11 000 EVP, le pilote âgé de 44 ans s’était préalablement rendu à l’invitation de son armateur, Mærsk Line à Zeebrugge. Avec une longueur supérieure de 52 m à celle du Queen Mary 2, l’Eugen-Mærsk n’est pourtant pas le seul à être considéré comme le plus gros porte-conteneurs du monde. Huit unités similaires font en effet partie de la flotte Mærsk. Et on parle déjà de navires encore plus gros pour l’avenir. Les pilotes, eux, ont su s’adapter et ont même anticipé l’ère du gigantisme. Après 13 ans au long cours, François le Guern comme ses 51 confrères de la station de pilotage du Havre connaît bien la navigation. Comme les autres, il a assisté à l’évolution des navires. « Je me souviens avoir navigué pendant deux ans sur le CGM-Normandie. À l’époque, c’était un navire à la pointe de la technologie. »
Du CGM-Normandie au Eugen-Mærsk, les choses ont donc changé. « Avec les gros navires, la pression est toujours plus importante, car on connaît le prix des navires, plus d’un milliard de dollars pour le Eugen-Mærsk, mais aussi le coût de la cargaison, 10 000 $ par conteneurs… Les gros navires sont surtout sensibles au vent. Sur les nouveaux porte-conteneurs CMA CGM, les châteaux sont à l’avant. Là encore, cela change. L’expertise est plus que jamais primordiale », confie François Le Guern. La formation est donc le nerf de la guerre. « Tous nos pilotes sont passés sur le simulateur dont nous disposons depuis quatre ans. Tous les types de navires sont modélisés y compris les plus grosses unités. Un programme est établi. Pour un jeune pilote, il y a six jours de stage obligatoire par an au cours des cinq premières années. Pour un pilote confirmé, c’est quatre jours de stage. Pour les seniors, deux jours de stage par an. Avec cette formation en continu sur simulateur, on se rapproche de plus en plus de l’aérien. » Une nouvelle formation, toujours sur simulateur, vient même d’être mise en place concernant spécifiquement les navires de plus de 350 m. Au Havre, les manœuvres les plus délicates pour les pilotes consistent à faire passer les plus grosses unités de MSC par l’écluse François 1er. Une opération qui doit être effectuée au centimètre près. « Nous avons une commission technique de sécurité. On travaille en partenariat avec le remorquage, le lamanage. Pour faire passer l’écluse à ces navires, le pilote doit avoir plus de huit ans d’expérience. » Pour réussir ce genre de manœuvre portuaire, les pilotes disposent depuis deux ans d’un DGPS. Il s’agit d’un système GPS transportable dans une simple valise. « Nous faisons là encore de la formation en interne avec le DGPS sur le simulateur. » Autre évolution du métier, l’utilisation de l’hélicoptère qui en 2007 a permis à la station d’effectuer 1 800 missions soit 10 % de mise à bord.