Un marché dont la rareté peut jouer de mauvais tours

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L’an passé, les navires de moins de 1 200 mètres linéaires (ml) sont revenus sur le devant de la scène. Au cours des deux précédentes années, le courtier parisien reportait que leurs taux de fret stagnaient. En 2007, avec un taux moyen de 6 500 € par jour pour un navire de 900 ml, ces unités reprennent la course. L’autre catégorie de navires, celle regroupant ceux de plus de 1 200 ml, a enregistré des taux plus variables. Les navires de 1 400 ml à 1 800 ml voient leur taux s’améliorer de 10 % alors que ceux d’une capacité supérieure se contentent d’une progression à un chiffre.

Sur ce marché de l’affrètement, au demeurant très actif, le principal acteur a été P&O, armement qui est désormais entre les mains de DP World puisqu’il était dans la corbeille de la reprise de P&O Ports. Il a fixé cinq navires et en a racheté un ancien. Autre acteur d’importance, Balearia. Au total, l’armement espagnol a affrété sept navires pendant l’année auxquels il convient d’ajouter les quatre commandes de navires dans les chantiers Barreras et l’accord passé avec CMA CGM. Seatruck, armement du groupe Clipper, a joué un rôle important en reprenant les routes de Celtic Links entre Liverpool et Dublin et la reprise de quatre navires de la compagnie Esco (Estonian shipping Company).

Le marché de l’occasion a été une nouvelle fois dynamique, poussé par les principaux opérateurs grecs, italiens et scandinaves. Le courtier a répertorié 44 transactions au cours de l’année précédente. Un chiffre certes faible en regard des autres marchés du transport maritime, mais avec qui enregistre une hausse de 40% en un an. Cette vigueur tient surtout aux prix de la construction qui demeurent à des niveaux prohibitifs, mais aussi aux trop longs délais de livraison. Parallèlement, le nombre de démolitions et de livraisons de navires neufs est resté proche de celui de l’année précédente. En 2007, neuf unités neuves ont été receptionnées et autant sont parties à la démolition contre respectivement neuf et dix navires l’année précédente.

Du côté des commandes de navires neufs, les opérateurs ont signé 19 contrats, « un rebond significatif par rapport à 2006 au cours de laquelle 13 contrats avaient été signés », note BRS. La différence revient à l’armement Epic Shipping qui a commandé à lui seul six navires. Ils seront construits par les chantiers Odense-Lindo avec une capacité de 3 750 ml pour une vitesse de 21,5 nœuds. Tous viendront alimenter le marché de l’affrètement. En signant ce contrat, Epic Shipping vient de mettre un terme à une période de sept ans sans commandes de ce genre. La dernière avait eu lieu en 1999 lorsque quatre navires de ce type avaient été commandés auprès des chantiers chinois de Dalian. En plus de cette commande, Epic Shipping a signé un contrat avec les chantiers Visenti pour trois ro-pax. La commande de navires de grande taille se justifie dans l’économie actuelle. Compte tenu des prix de construction élevés, plus les commandes concernent des navires de taille importante, moins le prix au mètre linéaire est important. Un calcul simple, mais qui justifie aujourd’hui la faiblesse des contrats signés pour des unités de taille modeste à l’image de ceux de 1 200 ml à 1 800 ml. « Ce segment de la flotte (les navires de 1 200 ml à 1 800 ml), qui a été le cœur du marché pendant de nombreuses années, est aujourd’hui en voie d’inexorable disparition. »

Un autre phénomène a marqué cette année: des armateurs ont entrepris de jumboïser ou de convertir leurs navires. La palme des constructeurs est partagée entre deux chantiers: l’allemand Flensburger et le chinois Jiling. Le premier a engrangé six commandes dont deux pour UN Ro-Ro, deux options levées pour Cobelfret et deux pour le finlandais Bore. De leur côté, les chantiers chinois de Jiling ont reçu une commande de six rouliers pour Finnlines. Enfin, Samsung n’est pas en reste avec deux navires pour Stena Lines et Singapour Technologies Marine a été choisi par LDA (Louis Dreyfus Armateurs) pour la commande d’un plus un ro-pax.

L’avenir de la flotte des navires rouliers n’est pas radieux. Plusieurs nuages viennent assombrir l’horizon. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. La flotte comprend aujourd’hui 560 navires dont 187, soit 33 %, auront plus de 30 ans en 2009. Pire, au cours des 24 prochains mois 96 navires atteindront cet âge critique des 30 ans. Cette partie de la flotte à atteindre la maturité se répartit entre 48 navires qui ont une capacité supérieure à 1 800 ml et 44 qui entrent dans la catégorie des 1 200 ml à 1 800 ml. Un élément qui démontre la fragilité du marché des petits navires sur les prochaines années. Plus généralement, si au cours des années précédentes la flotte grandissait en capacité, « le nombre absolu de navires en service devient un facteur essentiel pour la survie du secteur. » Outre les risques structurels de ces navires dont l’âge dépasse les 30 ans, d’autres facteurs viennent handicaper ce marché. Les coûts d’exploitation de ces navires gonflent. Avec l’âge, les problèmes liés au vieillissement provoquent des arrêts à répétition, comme des pannes de moteurs. Des armateurs dont la réputation s’est bâtie sur la qualité de la maintenance souffrent de ces maux. Ceux qui ont négocié des contrats à long terme admettent, du bout des lèvres, que les dépenses d’exploitation ne rentrent plus dans les hypothèses de calcul retenues à l’origine. L’âge du navire n’est pas le seul paramètre à entrer dans les considérations des coûts d’exploitation. La hausse du prix des soutes demeure un sujet sensible. Elle a été répercutée largement sur les chargeurs par des augmentations de taux de fret.

Dans ce contexte de rareté de la cale, les opérateurs ont su saisir de nouvelles opportunités pour disposer de navires. Ce fut, en premier lieu, la prise de participation majoritaire dans Finnlines par Grimaldi Naples qui a trouvé une issue dès le début de l’année après plusieurs mois de batailles boursières. Ensuite le groupe italien s’est tourné vers le marché Méditerranéen en prenant une part minoritaire dans l’armement crétois Anek. En entrant dans cet armement, Grimaldi a fait place nette pour le groupe Sea Star Capital qui est devenu majoritaire de cette compagnie, mais aussi de Hellenic Seaways et Minoan Lines par là même, deux armements dont Anek Lines détenait des parts. Le printemps est arrivé avec son lot de changements. Rederiaktiebolaget Eckero a ouvert la marche en s’attaquant à Birka Lines. Une opération qui s’est conclue à l’automne. Ensuite, ce fut aux opérateurs du Maghreb de faire l’objet de vindicte. La Cnan a été cédée à Go-Fast Aigle Azur et la Comanav au groupe CMA CGM. Ensuite, Scandlines a été repris par un consortium regroupant Allianz Capital Partners (40 %), 3i Group (40 %) et Deutsche Seereederei (20 %). Puis vint la reprise de Ferryways, armement opérant à Zeebrugge et contrôlé par MSC, qui est passé dans les mains de Cobelfret. Enfin, Balearia, armement présent sur le détroit de Gibraltar, a été racheté par Buquebus, son compatriote et concurrent sur ce segment. Au printemps, les armements ont largement participé à ce marché. À l’automne, ce fut au tour des fonds d’investissements de prendre le relais. KKR (Kohlberg Kravis & Robert) a repris UN Ro Ro. Ce dernier, initié par un syndicat de transporteur routier turc, assure des services entre Istanbul et Trieste sur un schéma original: les camions voyagent par mer, les routiers par air. Autre fond à se pencher sur le roulier, Marfin Investment Group (MIG) a repris Attica, armement grec opérant entre les îles de la péninsule, vers l’Italie mais aussi en mer du Nord. Ces deux changements de mains avec la cession de Scandlines à un groupe d’investisseur, montre l’intérêt que les financiers portent sur ce marché. Selon BRS, ces initiatives sont un signe du besoin de diversification des fonds et de la montée en puissance de la manne pétrolière, « 33 % de MIG appartiennent à Dubai Financial Group ».

La région de prédilection de ce marché demeure encore l’Europe. Les développements les plus notables se sont opérés en Italie. Italtrag a jeté l’éponge sur les liaisons intra-italiennes. Il a laissé la place à Ustica Lines qui vient de reprendre deux rouliers pour assurer la desserte de la Sicile. Grimaldi, armement napolitain dont la stratégie est en partie guidée par des prises de marché sur le marché du roulier en Méditerranée, a aussi su se développer sur l’intercontinental. Il a ouvert une liaison entre l’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Ouest, sitôt suivi par Clipper Group. En Europe du Nord, Transfennica a certainement créé la surprise de l’année en lançant une ligne entre Zeebrugge, Bilbao et Santander. Au Viet Nâm, l’armement d’État, Vinashin a démarré une « autoroute de la mer » entre Ho Chi Minh et Quang Ninh. Une initiative qui démontre peut être que l’avenir de ces liens réguliers et fréquents ne peut se faire au démarrage sans une aide substantielle.

L’analyse dessinée par BRS démontre que le marché du roulier est en pleine mutation. Des groupes de dimension internationale et des fonds privés en sont une preuve. Mais l’avenir peut s’avérer encore plus sombre. « Il est fort probable que l’on s’oriente vers une pénurie de tonnage sur le marché qui conduirait certains opérateurs à revoir l’organisation et le développement de nombreuses liaisons, voire à envisager l’utilisation de navires d’autres types de navires. » Et qui sait, demain ce chapitre du rapport BRS sera peut-être un encadré de celui sur la conteneurisation.

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