Le lancement du plan de réforme portuaire allait-il venir perturber le débat politique des municipales? Dans la ville qui a exprimé le plus fort l’exigence et la crainte d’une réforme portuaire en France, on pouvait le penser. Il n’en est rien. Pour plusieurs raisons. Comme pour l’Hexagone, la controverse public/privé a dû mal à trouver du sens lorsque les caisses publiques sont vides. Ensuite, il y a longtemps que l’enceinte portuaire représente une tâche aveugle pour les Marseillais, même si, statistiquement, 20 000 emplois dépendraient de son activité. Fos, son devenir, est à 50 km de là et sur la Canebière, la culture maritime semble s’être immobilisée aux temps coloniaux. Enfin, la prudence politique confortée par la discrétion syndicale, en particulier de la CGT, trouve un motif supplémentaire de ne pas soulever de vagues.
Certes, la réforme initiée trouve bien un clivage gauche-droite. Au tout début, Jean-Claude Gaudin, maire sortant (UMP), soutenait sans condition le processus lancé par le gouvernement contre « l’archaïsme de la CGT ». Il a en été le déclencheur national sous la pression du patronal local excédé par l’attitude de la CGT du PAM. L’affichage de sa conviction semble s’être affaissé en même temps que les courbes de la popularité présidentielle. À Marseille, il ne fait pas toujours bon se réclamer d’une réforme menée de Paris. Cet habit de réformateur, il n’aime guère l’endosser. Préférant celui moins austère d’aménageur. Sa campagne déroule les images d’un port-promenade bordé par une ligne de gratte-ciel (skyline), l’arrivée de paquebots géants à l’entrée du Vieux-port ou la consécration de la haute plaisance. Une vision de capitale euroméditerranéenne plus touristique qu’industrielle, et par conséquent plus attrayante.
Son principal challenger, Jean-Noël Guérini (PS) a montré des réticences sinon des réserves sur un projet gouvernemental que le président du Conseil général des Bouches-du-Rhône qu’il est analyse comme un nouveau et futur transfert de charge. Mais il a du mal à affirmer un contre-discours de la réforme qui ne passe pas par une approche macro-économique. D’autant que la plupart des mesures concrètes relèvent du flou. On ne combat pas contre des ombres. « Ce ne sont pas des promoteurs, mais des entrepreneurs dont le port a besoin », lance-t-il souvent. Même s’il défend « l’outil industriel dont il ne faut pas céder un mètre », le candidat a du mal également à établir des contre-images. Au nom de la réappropriation de la ville par ses habitants, il prône la thérapie de la promenade et la pédagogie de la rencontre. Au Palais international des congrès de Jean-Claude Gaudin, il répond par la construction d’un grand établissement public de thermalisme ou l’aménagement de l’ex-silo à céréales d’Arenc en musée d’art moderne.
À vrai dire, en dehors des personnels concernés, la population ne dispose que peu de repères sur les réels enjeux. Beaucoup pensent que les agents du PAM sont des fonctionnaires et leur attribuent un statut privilégié, ou pire qu’il s’agit d’un nouvel épisode du sempiternel conflit avec les dockers (plus de mise à Marseille depuis 15 ans). Comment comprendre dans ces conditions que l’enjeu est de transformer des agents d’un établissement public en… dockers pour assurer un commandement unique privé sur les terminaux?