Tout a démarré le 7 décembre dernier, lorsque Christian Le Blond, permanent CFDT à la BAI, a été mis à pied à titre conservatoire, puis convoqué à Roscoff une semaine après à un entretien préalable à licenciement. La direction lui reproche d’avoir fait parvenir à la presse une copie de la lettre adressée au comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) concernant une traversée mouvementée du tout nouveau ferry Cotentin. Le marin qualifiait celle-ci notamment de « traversée de la peur » tandis qu’il désignait le ferry de « radeau de la méduse ». Rencontrant du mauvais temps dans le golfe de Gascogne, le tout nouveau transbordeur essuyait en fait les plâtres de tout navire neuf en phase de rodage. Niant la fuite vers la presse, le délégué syndical a expliqué qu’il avait « un tempérament et une manière de m’exprimer peut-être forte », mais que la lettre était uniquement destinée au CHSCT de l’armement.
Rebondissant sur cette mise à pied, la CFDT a très vivement dénoncé « la répression syndicale » exercée au sein de la compagnie. Ferme sur ses positions, cette dernière qualifiait le courrier du délégué syndical de « divulgation d’informations exagérées et mensongères mettant en cause les capacités du navire, le professionnalisme du commandant et l’image de marque de la compagnie ». Répondant à l’accusation de répression syndicale, elle indiquait dépenser « entre 60 000 et 65 000 € par mois en frais de déplacement, de restauration, de location de salles, etc. » pour les douze délégués syndicaux permanents. Et elle ajoutait « viser un homme et pas un syndicat ».
Le 17 janvier, la BAI avait obtenu, après enquête, l’aval des Affaires maritimes pour poursuivre la procédure de licenciement. Du coup, après un vote à bord, l’équipage du Cotentin décidait de bloquer le fréteur à quai pendant quatre jours à Cherbourg. Annulant ainsi plusieurs rotations entre l’Angleterre et l’Espagne, le mauvais temps et ces mouvements sociaux ont grandement perturbé le lancement commercial du nouveau fréteur qui, pour la direction de l’armement « doit être vu par la clientèle visée lors de sa phase de neuvage ».
En dépit de plusieurs interventions d’élus cherbourgeois, le licenciement a été notifié à Christian Le Blond le 28 janvier. « Avec la CGT équipages, nous avons adressé un avis de tempête sociale à la direction », explique un autre délégué syndical. « Prévue dans les accords de dialogue social signés en octobre, cette procédure contraint nos responsables à organiser une réunion sur le sujet dans les 72 heures. » Fin de semaine dernière, la réunion programmée à Saint-Malo pour évoquer le plan Horizon 2010 a d’ailleurs été annulée, les syndicats demandant en préalable à toute négociation la réintégration immédiate de Christian Le Blond.
Le conflit entre désormais dans une nouvelle phase. Côté juridique, le délégué syndical licencié a décidé d’introduire un recours devant le ministère des Transports et de faire appel de la décision des Affaires maritimes, tant sur le fond que sur la forme, devant le tribunal administratif de Rennes. Côté social, un comité de soutien a été créé à Cherbourg en faveur de Christian Le Blond et les syndicats envisagent des actions qui pourraient toucher les différents terminaux de la compagnie.