L’exercice n’est pas fréquent et mérite d’être cité lorsqu’il est accompli. Jacques Barrot est venu dresser un bilan de son action depuis sa nomination au poste de commissaire européen aux transports. Une occasion aussi de présenter les projets qui seront sous les feux de la rampe dans les mois à venir. Ayant traité de l’ensemble des modes en qualité de commissaire européen aux transports, nous ne retiendrons ici que les points concernant le maritime. Concernant les actions passées, Jacques Barrot est revenu sur l’accord avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail des gens de mer. Il a aussi souligné l’importance du « paquet logistique » adopté en fin d’année 2007 qui comprend un chapitre sur les ports. Ce document, a souligné Jacques Barrot, va enfin donner un contenu politique et un programme d’actions à ce qui est depuis longtemps une évidence économique.
La sécurité maritime a aussi occupé l’agenda de Jacques Barrot. L’adoption des différents « paquets » Erika a démontré que « pour la première fois, les 25 États membres ont trouvé un accord en vue de criminaliser les actes les plus graves et de prévoir des sanctions correspondantes. » L’entrée des paquets Erika 1 et Erika 2 pendant sa mandature ne l’ont pas contenté. Jacques Barrot a, d’ores et déjà, entrepris de travailler sur Erika 3. « Des sept propositions que nous avons retenues dans ce paquet, cinq font l’objet d’un accord politique. Les deux dernières – l’une sur la responsabilité de l’État du pavillon et l’autre sur la responsabilité civile des armateurs – doivent suivre ce chemin ».
Les chantiers pour les mois à venir restent donc nombreux. Outre l’accord politique pour ces deux propositions, Jacques Barrot a chargé son navire de nouvelles tâches. Il prévoit, pour le mois de septembre, de faire une proposition législative pour un « espace maritime européen sans barrières ». L’idée du commissaire européen est de doter l’Europe d’une mer sans contraintes. « Aller par la route de Pologne en Espagne ou au Portugal se fait sans passer de frontières. Ce n’est pas le cas pour un navire. » Lorsqu’un navire quitte un port de l’espace européen pour rejoindre un port du même espace, il doit, à l’arrivée remplir les formalités administratives, au même titre que s’il arrivait de Chine ou des États-Unis. Une aberration qu’il veut gommer. L’idée de créer cet espace maritime unifié serait désormais possible par les systèmes de suivi des navires par satellite. « Nous pouvons savoir dès l’arrivée d’un navire dans un port s’il a accosté dans un autre État non-membre par le guidage et le repérage. » Ce projet permettrait aussi de donner un coup de pouce au développement des autoroutes de la mer. « Il ne serait pas la solution à tous les problèmes, mais jouerait un rôle d’accélérateur », a précisé un proche du dossier. Le coordonnateur, qui a été nommé sur ce dossier, doit d’ailleurs rendre dans les prochains mois un rapport pour identifier les obstacles à leur développement. « Sur l’Atlantique, cela s’engage bien. Nous avons eu des réponses aux appels d’offres et tout cela nous laisse penser que le projet pourrait démarrer cette année », a déclaré Jacques Barrot. Dans le même temps, il appelle la France à faire un choix sur le port de départ. En effet, les ports de Nantes et de La Rochelle ne pourront pas accueillir tous les deux ces autoroutes. Et Jacques Barrot se veut volontariste sur ce dossier. Il rappelle que l’Europe apportera son aide sur les premières années de fonctionnement afin que le port dispose des moyens de se placer sur le terrain de l’intermodalité. La situation est plus difficile sur la Méditerranée. La ligne entre Toulon et Civitavecchia est en place. « Elle marche. Il existe des possibilités depuis Marseille. Les autorités françaises doivent faire le choix des bons ports », a continué le commissaire européen.
Revenant sur le paquet logistique, Jacques Barrot s’est montré plutôt satisfait des propositions de modernisation des ports français. Il a rappelé que le dossier portuaire au niveau européen doit comprendre des lignes directrices pour « exiger une plus grande transparence et éviter une concurrence sauvage ». Il a aussi souligné le besoin, en Europe, de disposer de lignes directrices sur les questions environnementales. « Certains ports voient leurs projets d’agrandissement bloquer pour des questions environnementales alors que d’autres avancent. Nous devons prévoir un système uniforme pour que chacun puisse avancer, quitte à envisager des mesures compensatoires pour certains. »
À cinq mois de la présidence française de l’Union, Jacques Barrot a donné quelques conseils au gouvernement. « Les autorités ne doivent pas oublier qu’une présidence c’est avant tout la recherche de consensus. Il faut savoir être modeste et travailler en équipe. » Deux dossiers à ces yeux doivent être sur le haut de la pile lors de la présidence française: le budget de l’Europe et la politique de voisinage. Le premier est bien entendu trop faible par rapport aux ambitions qu’affiche l’organisation. « Il faut une réflexion approfondie de ce budget. » Le second, la politique de voisinage, vise à améliorer les relations de l’Europe avec les pays limitrophes. Prenant en exemple les relations avec les autres pays de la Méditerranée, Jacques Barrot a demandé que la France agisse en faveur d’une plus grande coopération avec les autres États de la Méditerranée. « Tout ce que nous faisons pour la sécurité maritime doit permettre à la Méditerranée de jouer son rôle de transit tout en respectant la sécurité maritime. »