Départs en mer, élevage de rennes et rigueur extrême de l’hiver, tel est le lot des Tchouktches, « les enfants de la baleine », qui vivent au bord du détroit de Béring, côté russe.
Le cameraman et réalisateur Frédéric Tonolli, lauréat du prix Albert Londres, a vécu un an chez eux pour y écrire son premier livre. Le village d’Ouélen, à l’extrême nord de la Sibérie orientale, abrite encore des chasseurs de morses et de baleines. L’ivoire des morses et les fourrures de zibeline, de castors et d’ours attirent les marchands russes dès le XIIIe siècle. La Sibérie est progressivement conquise sur les Mongols par les Cosaques pour devenir partie intégrante de l’empire russe cinq siècles plus tard sous Catherine II. Dans les années 1920, la Tchoukotka servira de laboratoire au pouvoir soviétique pour créer « l’homme nouveau », mais le mode de vie ancestral perdure quand même. Aujourd’hui, les fonctionnaires russes sont toujours là, mais les communautés ne se mélangent guère. Frédéric Tonolli, immergé dans ce village du bout du monde, tient un journal de bord émaillé de petits faits et d’impressions personnelles. De nombreux dessins et photographies illustrent ce quasi-calendrier (10 juin 2005 – 30 août 2006), accompagné de fiches explicatives.
Pour ces Inuits de l’Est, « manger de la baleine est un acte vital, un acte sacré ». Ce peuple rude connaît le même fléau que ses cousins du Canada au XIXe siècle: l’alcool ! C’est la spirale infernale, alimentée par les trafiquants russes de vodka, distillée sur place, et l’endettement perpétuel des chasseurs. « Quelques minutes après avoir encaissé leurs salaires, les chasseurs n’ont déjà plus un kopeck en poche, écrit Frédéric Tonolli, une vie à crédit ou plutôt une mort à crédit ».
Les enfants de la baleine
par Frédéric Tonolli
Éditons de La Martinière
168 pages/35 € – ISBN: 978-2-7324-3617-3