Le musée national de la Marine organise, à Paris jusqu’au 4 mai, une exposition sur les navires traditionnels fluviaux et maritimes du Bangladesh.
Ce pays, qui compte 600 cours d’eau totalisant 24 000 km, est constitué par le vaste delta formé par le Gange, le Brahmapoutre et le Meghana, dont les crues catastrophiques n’incitaient guère les navires marchands étrangers à les remonter. Il n’y a donc pas eu d’échanges de techniques de construction navale entre les habitants et les étrangers. Pendant des millénaires, les charpentiers de marine bengalis ont construit des bateaux à voiles carrées ou trapézoïdales pour descendre les fleuves, la remontée se faisant par halage à bras d’homme. Par contre, les navires marchands maritimes ont subi les influences chinoises (coque et gouvernail d’étambot), arabes (gréement) et plus tard occidentales.
L’exposition fait entrer directement dans un bateau au toit arrondi et tressé, avec les types de marchandises transportées: jute (« l’or » du Bengale), sel, thé et pierres. Une quarantaine de maquettes de 40 cm à 1 m donnent une idée la plus fidèle possible de ces navires, dont certains faisaient jusqu’à 60 t et 33 m de long. Mais ce savoir-faire se perd au profit de navires métalliques soudés, comme l’explique le navigateur Yves Marre, organisateur de l’exposition. En 1985 sont arrivés des moteurs chinois de 20 CV, très lourds, mais faciles à réparer et destinés à l’irrigation, que les Bangladais ont montés sur des bateaux, supprimant ainsi le halage. Ensuite, l’électricité a facilité la soudure et la construction de bateaux en métal. Ce matériau abondant, provenant des nombreux chantiers locaux de démolition de navires marchands étrangers, a en effet remplacé le bois, raréfié par la déforestation et donc plus cher.
Pour sauvegarder ces techniques ancestrales uniques de tradition orale, Yves Marre souhaite les faire inscrire au patrimoine mondial de l’humanité de l’Unesco. L’association Friendship, qu’il a fondée en 1998 avec son épouse Runa, constitue un « Musée du bateau traditionnel du Bengale », avec des modèles grandeur nature. Deux navires ont déjà été construits et douze restaurés.
Parallèlement, Friendship organise des actions humanitaires. Elle lance une campagne pour financer la construction de 500 bateaux insubmersibles en fibre de verre pour aider 500 familles de pêcheurs, dont les navires métalliques, mal entretenus, disparaissent en grand nombre lors es tempêtes dans la baie du Bengale. En outre, Friendship met en place un centre de recherches pour préserver les réserves halieutiques et suivre l’évolution rapide des conditions de navigation dans le delta et la baie. Celles-ci sont en effet tellement hasardeuses, que l’exposition de Paris, prévue pour décembre dernier, a été reportée d’un mois. L’acheminement de ses pièces dans un conteneur de 40’ a en effet été perturbé par le cyclone Sidr du 17 novembre avec des vents de plus de 250 km/h.
Ce double défi patrimonial et humanitaire ne décourage guère Yves Marre, qui en a relevé d’autres. En 1988, il traverse l’Atlantique en 36 jours sur une péniche avec un coéquipier inexpérimenté, mais sans pilote ni GPS. En 1994, il relie Paris à Mangha au Bangladesh en trois mois et demi sur une péniche de 380 TPL… qui sera ensuite transformée en hôpital flottant avec bloc chirurgical! Fin décembre 2007, elle avait déjà accueilli environ 275 500 patients. Un deuxième hôpital sur catamaran est en construction en France. Enfin, pour son action humanitaire, Yves Marre s’est vu décerner le 18 janvier le « trophée du Sénat pour la présence française à l’étranger ».
Voiles anciennes au Bangladesh
Paris, jusqu’au 4 mai – Musée national de la Marine
Tél: 01 53 65 69 69 – Fax: 01 53 65 69 65