La loi française prévaut encore

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Le TGI s’est attaché à démontrer que MM. Savarese et Pollara n’appartenaient à aucune catégorie de personnes contre lesquelles, selon les règles des fipols, aucune demande d’indemnisation ne peut être formée. Idem pour le Rina. Pour Total SA (et non pas l’une de ses filiales), il est rappelé qu’elle n’était ni l’affréteur, ni l’armateur, ou l’un de leurs préposés ou mandataires, « ce qui la place en dehors du champ d’application » des règles des fipols. « L’action civile fondée par le délit de pollution retenu à l’encontre de MM. Savarese et Pollara et des sociétés Rina et Total SA est donc soumise au régime de droit commun instauré par la loi nationale ». Ils sont solidairement tenus d’indemniser les parties civiles. Rejetant l’argument de Total selon lequel le montant réclamé par l’État devait être réduit compte tenu des dysfonctionnements des services dans la mise en œuvre des plans Polmar, le TGI alloue donc à l’État plus de 153,8 M€ (déduction faite de l’indemnisation versée par le Fipol) de préjudice matériel, seul préjudice dont il a sollicité l’indemnisation ainsi que 75 000 € pour les frais de procédure.

Pour les régions, « seule la réparation du préjudice matériel et de celui résultant de l’atteinte à leur image de marque et à leur réputation mérite d’être accordée ». Donc, la région Bretagne récupère 2,574 M€, déduction faite des 704 000 € versés par le Fipol, au titre de son préjudice matériel; et la région Pays de la Loire, 1,730 M€. Au titre de l’atteinte à la réputation et à l’image de marque, elles récupèrent chacune 3 M€. Moins touchée, la région Poitou-Charentes ne se voit attribuer qu’un million. S’y ajoutent 50 000 € pour les frais de procédure pour chaque région.

Pour réparer l’atteinte à la réputation et à l’image de marque des départements du Finistère, du Morhiban, de Vendée et de Loire-Atlantique, le TGI alloue 1 M€ à chacun. Il reconnaît également leur compétence spéciale en matière de protection, gestion et conservation d’un territoire qui leur permet de demander réparation du préjudice résultant de l’atteinte à l’environnement. Faut-il encore prouver « l’atteinte effective » des espaces naturels sensibles. Ce que n’a pas fait le Finistère. « En revanche, par les pièces qu’il a produites, le département du Morbihan établit, d’une part, qu’il a acquis 3 000 ha d’espaces naturels [...], et, d’autre part, que ces espaces ont été touchés par la pollution [...] sur 662 ha ». « Le principe d’évaluation de la réparation à partir du montant de la taxe départementale sur les espaces naturels sensibles, proposé par ce département, mérite d’être retenu. Cette taxe s’élevait pour l’année 2000 à 1 % de la taxe locale d’équipement, ce qui représentait, pour l’exercice considéré, 2,3 M€. Les effets de la pollution s’étant prolongés sur deux ans, le montant de la réparation pour 662 ha est de 1 015 066,60 € ((2,3 M€/3 000) × 662 × 2) »; somme que le TGI a allouée au Morbihan. Chaque département a également récupéré 50 000 € pour ses frais de procédure.

Le TGI note que les communes, parties civiles qui ont reçu des subventions de leur département ou région au titre du préjudice matériel, ne font pas état de celles-ci dans leur demande d’indemnisation. Il convient de les déduire pour éviter les doubles indemnisations. Par ailleurs, note le TGI, les communes n’ont aucune compétence spéciale en matière d’environnement. Elles n’ont donc droit à rien en ce domaine. Par contre, le TGI semble avoir été assez « généreux » en matière de réparation de l’atteinte portée à la réputation et à l’image de marque: de 100 000 € à 300 000 € à chaque fois.

Cdt Mathur: faute partagée

Le TGI estime que les fautes de MM. Savarese et Pollara ainsi que celles du Rina ont exposé les membres des équipages successifs de l’Erika « à un danger grave » qui justifie une demande de réparation. Le cdt Mathur a également commis une faute au moins d’information. S’il n’est pas établi de manière certaine que celle-ci a eu un rôle causal dans le naufrage, « elle a rendu plus périlleuse encore les opérations de sauvetage, compte tenu de l’insuffisance et de la tardiveté des informations transmises aux autorités portuaires. Elle est en conséquence de nature à entraîner un partage de responsabilité, dont les 2/3 incombent au cdt Mathur ». Si le TGI rejette le bien-fondé d’une demande de 588 300 € pour le préjudice matériel, il accepte celle de 50 000 € pour couvrir le préjudice moral. Un tiers devra être versé solidairement au cdt Mathur par MM. Savarese et Pollara et le Rina.

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