Sentence 1138 du 27 avril 2007

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Début janvier, après une traversée d’une quarantaine d’heures entre deux ports de la Méditerranée orientale et une attente de trois jours sur rade, un navire chargé de 3 600 t de maïs commence son déchargement qui est interrompu lorsqu’il est constaté que la cargaison est avariée par surchauffe, changement de couleur, prise en masse, moisissure et mauvaise odeur. Le navire est renvoyé sur rade jusqu’au moment où il revient à quai recharger la partie de cargaison débarquée. Le fréteur fait ensuite son affaire de la vente de la marchandise avariée qui sera déchargée dans le port d’un pays voisin.

Le fréteur réclamait, d’une part, à l’affréteur, le paiement de surestaries pour tout le temps perdu au-delà du temps alloué jusqu’à la fin du déchargement dans le dernier port ainsi que les frais de rechargement de la cargaison et les frais bancaires pour la mise en place de garanties exigées par le réceptionnaire, considérant que les dommages résultaient du vice propre de la marchandise, et de le garantir en cas de condamnation à la suite d’une procédure initiée à son encontre par le réceptionnaire devant une juridiction du port de destination. D’autre part, il demandait au Tribunal arbitral d’ordonner au réceptionnaire de la cargaison de lui restituer les dites garanties bancaires.

L’affréteur réfutait la thèse du vice propre en excipant du certificat de qualité délivré au port de chargement par une société de contrôle et du connaissement net de réserves signé par le capitaine. Il mettait en cause la mauvaise exécution du voyage par le bord et en particulier une ventilation manifestement inadéquate et insuffisante. À titre reconventionnel, il demandait la condamnation du fréteur à lui payer le montant de la lettre de crédit qui n’avait pas été honorée par le réceptionnaire, acheteur de la marchandise, en dépit d’une sentence arbitrale GAFTA rendue en faveur de l’affréteur.

De son côté, le réceptionnaire contestait la compétence de la Chambre Arbitrale ne s’estimant pas lié par une clause d’arbitrage dont il ignorait les termes, la charte-partie ne lui ayant pas été communiquée et le type de charte-partie n’ayant pas été indiqué dans le contrat de vente.

Le tribunal arbitral a d’abord rappelé qu’en vertu du principe compétence – compétence, réaffirmé par une abondante et récente jurisprudence, il pouvait statuer sur sa propre compétence et donc apprécier dans quelle mesure la clause compromissoire était opposable au porteur du connaissement. Il a confirmé le principe de la présomption de connaissance par le porteur du connaissement des éléments contractuels contenus dans la charte-partie dès lors qu’un tel connaissement fait référence à celle-ci et admis que prima facie le fréteur pouvait se prévaloir de la clause d’arbitrage à l’égard du réceptionnaire.

Mais il a observé que toute partie à laquelle on oppose une clause doit pouvoir démontrer qu’elle n’a pas en fait donné son consentement et que les circonstances de fait demeurent déterminantes. Or, en l’espèce, il est apparu au cours des débats que les opérations en cause étaient isolées et ne reposaient sur aucun courant d’affaires entre les parties, que la charte-partie n’avait pas été communiquée au réceptionnaire et qu’il s’agissait d’une société pratiquement inconnue du monde du négoce du grain. Devant cette situation particulière, le tribunal a considéré que ce serait forcer le consentement du réceptionnaire que de le soumettre à la clause d’arbitrage et conclut à son incompétence pour connaître du litige opposant le fréteur et le réceptionnaire.

Le tribunal arbitral s’est ensuite prononcé sur l’origine des dommages à la cargaison. Il a examiné de manière précise les nombreux rapports d’expertises qui avaient été ordonnées au port de déchargement. Et après avoir envisagé diverses hypothèses pour expliquer l’augmentation de la température et de la teneur en humidité de la marchandise, il a considéré que rien ne permettait de mettre en cause une mauvaise exécution du voyage par le navire et qu’en particulier le reproche d’absence de ventilation pendant la traversée n’était pas fondé – les trois cales du navire ayant été chargées pleines en volume en conformité avec la réglementation sur le transport des grains en vrac, ce qui ne permettait pas de ventiler. Des éléments fournis aux débats, le tribunal a retenu qu’un lot de maïs stable, stocké dans une atmosphère fraîche, chargé et transporté au cours d’une traversée relativement calme ne devait pas pouvoir s’échauffer et se détériorer gravement dans un laps de temps aussi court que cinq jours et qu’il existait un faisceau d’indices concordants suffisant pour mettre hors de cause le navire. Il a constaté, en revanche, que la valeur probante du certificat de qualité délivré par la société de contrôle n’était pas établie puisque des analyses postérieures effectuées par la SGS sur cinq échantillons prélevés au chargement montraient toutes un taux d’humidité supérieur à la limite imposée par le contrat de vente et que cela constituait un élément de preuve quant à l’état douteux de la marchandise au chargement. Il en a conclu que les avaries constatées au port de destination trouvaient leur cause dans le vice propre de la marchandise.

L’exonération de responsabilité de l’armateur s’imposant aussi bien si l’on se fonde sur les termes du connaissement que sur les conditions de la charte-partie, le tribunal arbitral a fait droit à sa demande de surestaries pour le temps perdu au port de destination, mais a toutefois tenu compte de ce que le représentant du P & I Club de l’armateur avait proposé d’arrêter le compte des surestaries dès que l’affréteur et le réceptionnaire auraient donné leur accord de recharger la marchandise débarquée, ce à quoi l’un et l’autre avaient consenti. Le tribunal a considéré que la proposition du P & I Club, en sa qualité de mandataire, liait l’armateur et a donc, dans son calcul, arrêté le cours des surestaries à la date du consentement le plus tardif, celui exprimé par le réceptionnaire.

Conclusions

Le tribunal arbitral a condamné l’affréteur à indemniser le fréteur des frais de rechargement et du coût des frais bancaires ainsi qu’à le garantir de toute condamnation définitive, en sa qualité de transporteur maritime, résultant de la procédure ouverte à son encontre par le réceptionnaire.

L’affréteur a été débouté de sa demande reconventionnelle et condamné à supporter l’intégralité des frais d’arbitrage.

Des sommes ont été accordées au titre de l’article 700, au fréteur à payer par l’affréteur et au réceptionnaire, attrait à tort, à payer par le fréteur.

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