« L’industrie du GNL vit un changement radical qui génère de très importantes modifications dans l’exploitation des méthaniers et l’appréciation des risques qu’ils représentent », estime Mike Salthouse, directeur du NE P&I C. Selon lui, le profil des propriétaires des méthaniers toujours plus nombreux, s’est grandement diversifié, et les nouveaux venus prévoient d’exploiter leurs navires très différemment.
« La chaîne du GNL est traditionnellement un secteur à très forte intensité capitalistique dans lequel le transport maritime jouait un rôle secondaire. Les navires tournaient essentiellement entre deux terminaux pour lesquels ils avaient été spécialement conçus. […] Aujourd’hui, la libéralisation du marché du gaz laissant prévoir l’augmentation du nombre des opérations spot, les nouveaux navires sont conçus et équipés pour pouvoir faire escale dans de nombreux terminaux. Cela accroît les risques opérationnels. »
Mises en garde récurrentes
En effet, depuis plusieurs années, la poignée d’armateurs « historiques », exprime ses craintes face à l’arrivée de nouveaux exploitants, par définition peu expérimentés, et surtout par la perspective du premier accident grave de l’histoire du GNL, avec un navire à quai.
En décembre 2001, lors du 2e sommet international du GNL, Tokinoa Hojo, senior managing director de Mitsui, fustigeait le relâchement des comportements dans l’exploitation des méthaniers. La forfaitisation des coûts d’exploitation lui semblait favoriser une dangereuse recherche d’économies sur des postes liés à la sécurité et à la fiabilité.
En avril dernier, durant la 15e conférence sur le GNL, le secrétaire général du SIGTTO (Society of International Gas Tankers and Terminal Operators), James MacHardy, soulignait l’un des problèmes du secteur, à savoir le manque de navigants qualifiés: « Jamais dans l’histoire, le combat mondial pour s’assurer de compétences techniques et maritimes n’a été aussi rude. » Selon lui, outre le recrutement et la formation des jeunes, il est « vital » de conserver les marins expérimentés. Les gestionnaires de navires doivent mettre en place des centres de formation, car le manque de ressources humaines de bonne qualité est probablement durable. « Nous avons l’obligation de maintenir l’exceptionnel niveau de sécurité enregistré depuis des décennies, car un seul accident ternirait pour des années l’image de ce secteur », estime James MacHardy.
Chez GdF, on ajoute que les compétences des équipages en matière de chaudières à vapeur tendent à « s’évaporer ».
Pour l’opérateur de terminal GNL qu’est GdF, l’ouverture du marché du gaz en Europe a permis l’augmentation du nombre d’escales et donc le chiffre d’affaires du terminal. En 2006, à Montoir, sur les 118 touchées, une vingtaine était extérieure à l’activité de la maison mère. En revanche, les escales de navires ne connaissant pas le terminal nécessitent un certain travail de préparation: visite du terminal avec le gestionnaire du navire avant l’affrètement; contrôle documentaire du navire désigné et de ses « past-performances »; mise au point avec le bord des procédures de déchargement. Définie au moins au niveau européen cette méthode est, a priori, respectée par tous les opérateurs de terminaux, estime GdF qui note cependant que l’application du code ISM est plus ou moins “légère”.
En haute mer, il n’y a pas de « sur-risque » spécifique au méthanier, mais la densité croissante du trafic dans les eaux resserrées augmente le risque de collision.
Sujet récurrent, mais toujours peu étudié: un équipage qui effectue depuis longtemps la même rotation entre les deux mêmes ports est-il ou non plus sûr que celui qui fait sa première escale sans le poids de la routine?
48 000 cargaisons transportées
Depuis le début de l’aventure du GNL, dans les années 1960, le SIGTTO a compté environ 48 000 cargaisons transportées sans un seul déversement significatif. Même l’échouement massif du El-Paso-Paul-Kayser en juin 1979 n’avait pas provoqué de rupture des cuves et était resté à l’abri de toute “pollution médiatique”.
26 navires ont été livrés en 2006; 34 devaient l’être en 2007; et 57 en 2008. Au début 2007, le North of England P&I Club estime la flotte à 217 unités soit plus de 27 Mm3.
M.N.