Jusqu’en 1994, année de la signature de l’accord de la reconversion des chantiers, une centaine d‘ouvriers et de cadres, le dernier carré des 6 200 salariés de l’ex-Normed, allaient lutter pied à pied pour empêcher l’inéluctable, la fin du dernier grand chantier de Méditerranée occidentale. Les plans étaient alors déjà tirés. En quelques coups de crayon, l’architecte Ricardo Bofill transformait le site industriel en marinas pour millionnaires.
LEVER UN NAVIRE DE 80 M DE LONG
Près de 20 ans plus tard, les millionnaires sont effectivement sur le site. Ou plutôt leurs bateaux de luxe. La mise en service officielle de la plate-forme "mega yachts" vient de marquer un tournant. L’installation, dont le cœur est un ascenseur à bateaux capable de lever pour mettre à sec une unité de 2 000 t et 80 m de long en moins de 5 heures, peut désormais accueillir les plus grandes unités de plaisance du monde. L’ascenseur est complété d’un chariot de transfert, de 17 postes de travail à terre qui peuvent traiter autant de bateaux, ainsi que des ateliers et de la gigantesque halle de peinture (90 m × 27 m × 32 m de hauteur) du groupe Monaco Marine qui exploite en partie l’ascenseur. La mutation spectaculaire des chantiers et ses nouvelles installations doivent tout à la Semidep, société d’économie mixte dans laquelle le Conseil général des Bouches-du-Rhône a joué un rôle phare. Sur 34 ha, le nouveau chantier de La Ciotat met à disposition des entreprises navales et de leurs sous-traitants, les terrains, les bâtiments, les quais, et outils spécifiques nécessaires à leurs activités. À ce jour, 28 sociétés employant 500 salariés pour un chiffre d’affaires de 45 M€ ont déjà saisi l’opportunité. Elles représentent trois familles de métiers: les chantiers (Charpentiers réunis, Classic Works, Composite Works, H2X, Monaco Marine, Sailing Concept); les équipementiers et prestataires (Ebacos, Green Cap, Southern Spars, AteliersArchitecture Navale, X BGV, les sous-traitants (Cap de l’aigle industrie Electric Yacht Equipements, Iguaçu, Isabelle Couture, Hydra Sud, Navigair, Peters and May, Polymarine, Provence Control, SOSEMA, TSM3D, Yacht Service) et des activités connexes dans l’instrumentation océanographique et de navigation. D’ici cinq ans, les promoteurs de la plateforme "mega yachts" visent le millier d’emplois et 90 M€ d’activité.
UNE PLACE DE LA "HAUTE-COUTURE" POUR GRANDS YACHTS
Le savoir-faire industriel dans la construction des navires marchands a laissé place à la "haute couture" du marché des grands yachts. "La plateforme, estime Jean-Philippe Mignard, directeur de Semidep, nous permet enfin de lutter à armes égales avec la concurrence pour le leadership en Méditerranée. Les sites de Via Reggio et de Barcelone sont organisés, positionnés et reconnus sur le marché de la grande plaisance depuis longtemps. La réalisation de la plateforme méga yachts permet à La Ciotat de les rattraper et de les dépasser en matière d’équipements industriels."
Pas de référence aux installations du port autonome de Marseille qui, à 30 km de là, sont solidement situées sur le segment. Mais il devrait y en avoir pour tout le monde. Le marché de la grande plaisance, unités de loisirs supérieurs à 24 m, explose en effet. La flotte mondiale actuelle compterait plus de 6 000 unités et devrait atteindre 8 000 bateaux en 2015. Les carnets de commande des constructeurs sont pleins pour les deux années à venir. 435 projets de construction ont été recensés par le magazine Yacht Report pour l’année 2007. Près de la moitié d’entre eux concerne des bateaux de plus de 40 m. Confidentiel il y a encore 20 ans, ce marché engendre une activité de fonctionnement, de réparation et de maintenance équivalentes à 10 % de leur valeur. Enfin, en raison de sa croissance rapide, il est en train de se structurer sur un mode de plus en plus industriel. Juste après avoir épuré son passé industriel, le site de La Ciotat arriverait pile au rendez-vous.
Le marché de la haute plaisance en quelques chiffres:
– Un marché de la construction de yachts en pleine expansion (+209 % entre 1999 et 2007 passant de 141 à 435 projets);
– Un marché estimé à 6 000 unités en 2007 et 8 000 unités dans le monde d’ici 2015;
– 237 yachts ont été livrés en 2006 dont 70 unités de plus de 40 m. Leurs livraisons de yachts ont augmenté de 75 % en trois ans et de 160 % par rapport à 1999;
– Les constructeurs européens captent 69 % du marché, l’Italie demeurant largement leader.
Source: Annual Yacht Report 2007
42,8 M€ d’investissement
C’est le coût global de la plateforme: 7,1M€ pour l’ascenseur à bateaux, 10,6 M€ pour le chariot de transfert et les équipements terre, 18,2 M€ investis par Monaco Marine sur ses installations et 7 M€ dans la restauration et le consolidation des sols entrepris par Conseil général des Bouches-du-Rhône.
Monaco Marine en pole position
Créé en 1995 par son principal actionnaire d’aujourd’hui, Michel Ducros, le groupe Monaco Marine traite à travers six agences 2 500 bateaux par an pour un chiffre d’affaires de 30 M€ en 2007. Il a pour objectif "d’imposer La Ciotat comme le plus grand chantier de la Méditerranée avec un CA prévisionnel de 25 M€ et 74 salariés d’ici trois ans".