À Copenhague, près de 500 assureurs ont participé du 9 au 12 septembre au congrès annuel de l’Union of marine insurance (Iumi). Une trentaine d’intervenants ont analysé les résultats de l’exercice 2006. Ces participants étaient issus de 45 fédérations nationales, sur les 54 fédérations adhérentes de l’IUMI, soit 97 % du marché mondial. L’année 2006 et les premiers mois de cette année ont été marqués par un regain de pertes totales de navires: ce fut le cas notamment du Bourbon-Dolphin, du Sea-Diamond ou du Rokia-Delmas et de pertes partielles, comme le Verdi, porte-conteneurs de 5 762 EVP, arrivé à Southampton avec 70 conteneurs manquants! En conséquence, le rapport sinistres sur primes (S/P) atteindrait 107 %. Selon Tore Forsmo, directeur du Cefor, l’association norvégienne des assureurs maritimes, les niveaux de primes – toujours assez stables – ne sont plus suffisants pour compenser l’accroissement du niveau des sinistres.
Pénurie alarmante d’officiers et d’équipages
C’est donc à juste titre que le congrès de Copenhague a été centré sur "le défi technique, financier et humain". Deirdre Littlefield, présidente de l’Iumi, a insisté sur le coup des sinistres majeurs des mois passés. Ils sont évalués à environ 350 M$ pour l’année passée et à 780 M$ pour le premier semestre 2007, si l’on en croit les estimations portant sur la base des 20 sinistres les plus importants, soit 20 % des primes annuelles du marché mondial corps et machines, selon Patrick de La Morinerie, directeur général d’Axa Corporate Solutions. Le sinistre du MSC-Napoli se monte ainsi à 45 M$ et celui du Sea-Diamond à 200 M$. Ces coûts élevés s’expliquent par la montée du prix de l’acier qui a triplé en trois ans et par les nouvelles caractéristiques de la flotte marchande: des navires aux dimensions toujours plus importantes et à la technologie de plus en plus sophistiquée. "La valeur moyenne des navires a plus que doublé en moins de dix ans et les primes n’ont pas augmenté en proportion", souligne Denis Develey, directeur corps maritimes chez Axa Corporate solutions.
On estime qu’un porte-conteneurs de 13 000 EVP coûte actuellement près de 200 M$, un navire-citerne 300 M$ et un navire à passagers peut dépasser le milliard de dollars. À cela s’ajoute la montée du coût des réparations dans des chantiers embouteillés, aux carnets de commandes remplis: 720 navires-citernes ont été commandés l’an dernier, quant aux porte-conteneurs, on en compte pas moins de 450 en commande dans les chantiers chinois et 550 en Corée. Les navires sinistrés ne peuvent, pas toujours être réparés dans le chantier le plus proche, ce qui renchérit d’autant le montant des réparations. Les tonnages toujours plus importants des porte-conteneurs augmentent d’autant le risque potentiel d’un sinistre qui pourrait atteindre le milliard de dollars, pour les seules marchandises transportées. Les "Ultra Container Ships" pourraient donc donner des "Ultra Large Claims Scenario" selon le mot de Matthew O’Sullivan, directeur des opérations chez Munich Re Australia, lors du congrès Iumi 2006. Quelle est la cause de cette soudaine augmentation de sinistres majeurs? Deirdre Littlefield a évoqué "les navires et équipages menés durement, augmentant le potentiel d’erreurs". Pour Denis Develey, ces sinistres sont dus à des erreurs humaines pour 60 à 70 % d’entre eux. La formation des officiers et des équipages n’a pas suivi l’explosion de la flotte mondiale et la pénurie alarmante d’officiers et de marins qualifiés a été soulignée. Le déficit d’officiers était estimé en 2005 à 10 000 à travers le monde et les anticipations pour 2010 sont de près de 50 000 officiers. Face à cette situation, les assureurs vont sélectionner leurs clients armateurs et chercher ceux qui ont une politique en matière de gestion et de qualification des équipages qui permette d’avoir un niveau de risque qui soit acceptable, alors que jusqu’ici ils avaient plutôt fait porter leurs efforts sur la qualité des navires.
Un message de vigilance est également envoyé en direction des sociétés de classification invitées à se rendre plus exigeantes quant à l’élaboration des règles relatives à la sécurité des navires et plus regardantes lors de la vérification de leur application à l’occasion des visites.