Le Container Terminal Quality Indicator: pour séparer le bon grain de l’ivraie

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C’est au début 2006 que le Global Institute of Logistics, (GIL) créé en 2003 par des "logisticiens" et autres professionnels américains de la chaîne d’approvisionnement, exprime le besoin de comparer l’efficacité des terminaux à conteneurs. Il semble en effet que ces interfaces navire/moyens d’évacuation terrestres soient considérées comme un maillon faible de la chaîne internationale d’approvisionnement. Pour "objectiver" ce sentiment, il faut définir une méthodologie rigoureuse de mesures. Puis, cela permettra de faire apparaître les meilleures méthodes de travail.

Quelques mois plus tard, le GIL propose au Germanischer Lloyd (GL) de s’occuper de ce dossier du point de vue méthodologique, a expliqué Bernhard Ständer, directeur du GL lors du Forum des ESC du 26 octobre (JMM du 9-11-2007, p. 9). En janvier dernier, le conseil de direction du GL acceptait le projet. Était alors constitué le comité dit de Hambourg regroupant bien sûr le GIL et le GL, mais aussi des opérateurs de terminaux pour leur savoir-faire professionnel (Eurogate, HHLA, China Merchants, Port of Singapour Authority, etc.) et des parties prenantes (European Shippers Council, compagnies maritimes, gros commissionnaires de transport, etc.). C’est au cours de la 6e réunion du comité de Hambourg en février prochain que le standard CTQI sera définitivement adopté.

Une certification de moyens et de performances

À ce jour, celui-ci est formé de quatre sous-ensembles: le système de gestion de l’opérateur; les facteurs internes (ses moyens physiques); les facteurs externes (la qualité de ses interfaces avec les moyens d’évacuation terrestres) et l’évaluation des performances de l’opérateur.

L’audit obligatoire du système de gestion porte sur douze points: par exemple, nomination d’un responsable CTQI; existence d’un manuel CTQI réellement opérationnel; présence d’un registre des non-conformités, des plaintes de la clientèle, etc. Le GL doit vérifier si ces éléments sont présents ou non.

Les facteurs internes comportent treize éléments: sept portent sur l’infrastructure (surfaces disponibles par activité; linéaire de quai; nombre de portiques; etc.) et six sur l’organisation du travail, la formation des personnels, le traitement des conteneurs frigos ainsi que celui des marchandises classées IMDG. etc. Chacun de ces 13 éléments est "noté" avec un maximum variant de 2 à 12. Au total, la somme de ces notes ne peut pas dépasser 100 mais un total de 80 est le minimum requis.

Même principe pour les huit éléments constituant les facteurs externes; ceux qui concernent l’interface terminal/moyens d’évacuation terrestre. Y figure la qualité de l’embranchement fer et de l’embranchement fluvial; la fiabilité et la redondance des réseaux routiers et ferroviaires; les éventuelles restrictions concernant le trafic routier ou les opérations sur le terminal; etc.

Encore en devenir, l’évaluation des performances comporte à ce jour sept éléments dont les pondérations varient de 8 à 20; avec toujours un total de 100:

• productivité du navire avec un maximum de 13;

• productivité des portiques (13);

• indice d’utilisation du quai (13);

• indice de qualité de service offert au navire (20);

• indice de qualité du pré- ou post-acheminement routier (18);

• idem pour le rail (15);

• et le fluvial (8).

D’ici à l’été prochain, le GL sera donc en mesure d’émettre un certificat d’une validité d’un an, assurant que tel terminal conteneurisé a mis en œuvre et entretenu un système de gestion de la qualité; qu’il a réalisé X million(s) de mouvements dans l’année calendaire; que ses indicateurs de performance ont totalisé 87 points sur 100; son score "facteurs internes" a été de 78/100 et celui des facteurs externes 67/100.

UN OUTIL POUR LES CHARGEURS. LESQUELS?

Dans sa présentation, le directeur du GL souligne l’intérêt de cet outil pour les chargeurs. Ces derniers vont ainsi pouvoir objectivement comparer les terminaux entre eux et ainsi choisir les meilleurs. Pour s’assurer qu’il était bien en phase avec les attentes des chargeurs, le GL a demandé, lors des ESC, leur avis à 21 d’entre eux à travers une vingtaine de questions. Ont répondu entre autres IKEA, Nestlé, Heinz, Tetrapack, SKF Logistic. Et a priori, leurs préoccupations semblent assez éloignées du fonctionnement d’un terminal si l’on en croit la présentation du GL: leur premier sujet de d’intérêt porte sur l’efficacité des Douanes (une nouvelle piste de développement pour le GL?); le second concerne le pourcentage des navires qui partent selon l’horaire annoncé; en trois arrive la disponibilité des vides au port comme dans les dépôts intérieurs; etc. La première préoccupation liée au terminal arrive en 7e position et concerne le respect de l’heure d’arrivée du conteneur en pré- ou post-acheminement.

Tout se passe comme si l’on avait oublié que si le chargeur de ligne régulière choisit son transporteur, jamais il ne désigne le fournisseur de ce dernier qu’est l’opérateur de terminal, et ce, quel que soit sa qualité. Cela est encore plus vrai lorsque la compagnie est son propre manutentionnaire. Tout au plus peut-on imaginer que lorsqu’il s’agit d’implanter un grand centre de distribution en Europe pour des produits arrivant par mer, parmi les nombreux facteurs pourrait figurer l’efficience des terminaux conteneurisés présents dans le port.

Vers un benchmarking des services transport?

Le GL souligne que la Commission européenne souhaite améliorer les transports de marchandises en Europe. Dans son mémo du 18 octobre sur "Les actions européennes pour améliorer l’efficacité et la durabilité du transport de marchandises", elle souhaite "augmenter l’efficacité et la productivité des ports dans toutes les façades maritimes de l’Europe". Le besoin de mesurer et comparer se comprend, mais la portée pratique peut laisser perplexe. Et c’est le cas pour Diego Teurelincx, secrétaire général de Feport (Federation of European Private Port Operators) qui posa lors du Forum des chargeurs une question "insolente": "Pourquoi décharger le plus vite possible un navire si les conteneurs restent à quai six jours, car le réceptionnaire ne veut pas les récupérer?" Cette réflexion fait écho à "l’aveu", il a presque un an, d’un réceptionnaire allemand de jouets incapable de dépoter rapidement les 120 conteneurs que lui avait envoyé sur le même navire, sa centaine de fournisseurs chinois (JMM du 1-12-2006, p. 10).

Le discours "chargeur" en Europe est à la transparence: transparence dans le fonctionnement des compagnies maritimes; transparence des coûts portuaires (mais opacité des tarifs de transport maritime). Associons donc l’appétence pour la transparence et le besoin d’optimiser des infrastructures de transport, qui, comme les matières fossiles, deviennent rares donc chères pour inviter la Commission européenne à s’intéresser aux pratiques, bonnes ou mauvaises, des chargeurs, des réceptionnaires et autres commissionnaires de transport. Pour faciliter le travail au futur chargé d’étude, devront être analysés: la qualité de l’empotage des boîtes; le temps d’attente en usine; les heures et jours les plus fréquemment demandés pour le positionnement des boîtes; la qualité du travail le vendredi; la qualité de la documentation en particulier lorsqu’il s’agit de marchandises IMDG en FCL et en LCL; la réelle connaissance du poids des marchandises empotées et la bonne déclaration aux transports routier et maritime; le temps moyen de stockage à quai avant la livraison effective du conteneur à l’importation: etc. Compte tenu de la dimension "sécurité maritime" de certains de ces aspects, le pilotage de cette étude pourrait être confié à l’Agence européenne de la sécurité maritime.

Soucieux de protection d’environnement et d’optimisation des ressources IKEA, Nestlé, Heinz et tous les autres ne peuvent être que favorables à une démarche "citoyenne" susceptible d’améliorer leur "process" en faisant émerger les "best practices" réduisant les émissions à effet de serre. Toute la société devrait en profiter.

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