Translog Africa 2007 Le défi maritime des pays enclavés

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La Banque Mondiale constate dans son dernier rapport annuel que la croissance s’est installée en Afrique grâce, notamment, à la vente de matières premières dont la demande augmente. L’Afrique représente environ 2,5 % du commerce international. Les ports africains jouent un rôle crucial dans l’économie du continent. 90 % du commerce extérieur de ce continent emprunte une infrastructure portuaire.

"Face à la croissance de ces échanges internationaux, nous devons relever des défis maritimes pour notre pays", a souligné le ministre des Transports burkinabé, Gilbert Noël Ouedraogo. Il a souligné le rôle majeur des ports et des dessertes terrestres pour les pays enclavés. "Face à ces enjeux économiques pour nos pays, nous n’avons pas le choix et nous devons nous lancer dans la révolution logistique du XXIe siècle." Ali Traoré, directeur général du Conseil burkinabé des chargeurs (CBC) a mis en évidence plusieurs chiffres sur l’incidence du manque de façade maritime pour certains pays africains. "Le coût du transport et de l’assurance de marchandises des pays sans littoral représente pratiquement le double de celui des pays en développement avec une façade maritime. De plus, l’absence de débouché maritime ralentit d’environ 0,7 % la croissance économique de ces pays."

LE COÛT DU TRANSPORT, UNE ENTRAVE

Plusieurs points ont été soulevés pour expliquer les difficultés logistiques des pays enclavés africains. Ce fut d’abord les armements qui furent visés. Selon la Cnuced (Commission des Nations Unies pour le commerce et le développement), le fret représente 7,2 % de la valeur des marchandises importées en 2004 pour les pays d’Afrique occidentale. En Afrique centrale (du Cameroun à la RDC), ce pourcentage tombe à 6,3 % alors qu’il est de 2,9 % en moyenne dans le Monde. Le coût du transport prend encore plus d’importance pour les pays enclavés puisqu’il varie entre 14 % et 24 % de la valeur de la marchandise. Le coût du transport appliqué par les armateurs, notamment dans les lignes régulières, est aujourd’hui à des niveaux faibles. D’Europe du Nord vers la COA, il s’échelonne entre 2 100 € et 2 450 € par EVP. En sens inverse, les taux diminuent et varient selon la marchandise transportée entre 650 et 950 €, hors surcharges. Ces données, tirées des tarifs officiels des conférences maritimes entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest, ne font pas l’unanimité. "Ces chiffres ne reflètent pas la réalité économique. Il faut les diviser par deux pour avoir une vision de la réalité des coûts du transport maritime. Les négociations commerciales font baisser les taux", a déclaré Alain Cazorla, directeur des lignes Afrique de MSC. Trois armements qui desservent la région, Mærsk Line, MSC et Delmas, filiale du groupe CMA CGM, rassemblent 80 % des trafics. Chacun s’organise pour demeurer compétitif.

UNE RÉVOLUTION QUI PASSE PAR LA CONTENEURISATION

"Aujourd’hui, 80 % de la valeur des marchandises transportées dans le monde est conteneurisée", a noté le vice-président de Delmas, Hervé Jobbé-Duval. Il a insisté sur les éléments du coût qui caractérisent les services maritimes: le navire, les soutes et les frais portuaires. "La seule variable sur laquelle nous pouvons intervenir revient aux ports." Il a pris pour exemple les navires assurant le service hebdomadaire entre l’Europe du Nord et la COA. Chaque voyage coûte environ 100 MFCFA (150 000 €) de frais de ports, hors coûts de manutention. Chaque navire réalise en moyenne dix voyages par an, soit au total 1 MdFCFA par navire. À raison de sept ports touchés, la facture annuelle s’élève à 7 MdFCFA (10,6 M€). "Nous devons donc réfléchir à une desserte des ports les plus performants et une redistribution par transbordement."

Alain Cazorla, directeur des lignes Afrique pour MSC a tenu le même langage en rappelant que l’Afrique n’échappe pas aux grandes mutations du transport maritime. "Le développement de la conteneurisation a entraîné une diminution des navires conventionnels et des services afférents. Au niveau des ports, les armements ont progressivement mis en place des systèmes de desserte par l’intermédiaire de hubs. Nous avons construit des navires plus grands pour assurer une meilleure compétitivité de nos services. Au final, les taux de fret ont été divisés par trois en quinze ans." Et pour se dédouaner d’une éventuelle responsabilité dans la cherté du prix de transport, Alain Cazorla rappelle qu’une partie des taux de fret, comme les surcharges sont imposées par des institutions.

Du côté des chargeurs, Laurent Leraitre, des Grands Moulins de France, filiale du groupe Soufflet, reconnaît "que nous nous sommes adaptés à cette nouvelle logistique. Nous avons été aidés en cela par la baisse des taux de fret des conteneurs entre l’Europe et l’Afrique".

LES INVESTISSEMENTS PORTUAIRES

Les principaux ports représentés à ce symposium ont défendu leur position. Pour le Port autonome d’Abidjan, Gnakalé Djédjé, son directeur général adjoint, s’est justifié des attaques lancées. "Nous réalisons dans nos ports les investissements nécessaires pour permettre aux armateurs une meilleure rentabilité de leurs escales. Certains coûts peuvent paraître élevés, mais il faut les analyser selon le rapport qualité/coût et non pas uniquement en terme de coûts. Ainsi, notre terminal à conteneurs affiche les meilleures cadences de manutention en Afrique." À Dakar, le port est entré dans une phase de développement active. Bara Sady, le directeur général du Port autonome, a présenté ses projets pour les prochaines années. L’autorité portuaire réalise une extension de son terminal à conteneurs par une concession à DP World. Un projet qui demande un investissement de 34 M$. De plus, il assainit des terrains derrière le port pour créer 20 ha d’entrepôts, "afin de décongestionner les terre-pleins du port actuel", souligne le directeur général.

AMÉLIORER LA DESSERTE TERRESTRE

À l’autre bout de la chaîne logistique, le Port autonome de Rouen joue aussi la carte de l’adaptation. "Nous sommes un port de marchandise. Nous menons une politique d’investissement pour allier notre port aux trafics", a rappelé Martine Bonny, directrice générale du port autonome. Des adaptations qui touchent tant les trafics de vrac que des conteneurs. Pour les vracs, le port a obtenu le feu vert pour draguer le chenal d’accès et améliorer son tirant d’eau d’un mètre, ce qui permettra aux navires de la nouvelle génération des vraquiers d’accéder au port.

Après le point de vue des armateurs, des chargeurs et des ports, le débat s’est étendu sur la desserte terrestre en Afrique. Il apparaît que ce point demeure essentiel pour les pays enclavés. Ali Traoré, directeur général du CBC, a présenté les premiers résultats d’une enquête menée sur l’évolution du trafic routier national et entre les États de l’Afrique de l’Ouest. Parmi les entraves à son développement, Ali Traoré en a repris cinq: la multiplicité des postes fixes qui entraîne une perte de temps et le versement de "bakchichs"; la perception indue de taxes par certaines communes; les entraves physiques liées à l’état du réseau et de la flotte de camions; le nombre insuffisant des moyens techniques de contrôle aux frontières pour lutter contre la surcharge; et la multiplicité des postes mobiles internes qui entraîne beaucoup de coûts injustifiés.

Pour faire face à ces problèmes, un observatoire des pratiques anormales a été créé. D’octobre 2006 à mai 2007, celui-ci a mené une enquête auprès des opérateurs routiers de la région pour identifier le coût de ces entraves. L’analyse a été menée par corridor: de Lomé à Ouagadougou, d’une part, et de Téma à Ouagadougou. Au cours de la période 265 fiches ont été relevées. Elles concernent, à 85 %, les liaisons routières entre Téma et Ouagadougou, 12 % des fiches concernent les transports de Téma à Ouagadougou et 3 % sur le corridor entre Ouagadougou et Bamako. Au final, le Togo emporte la palme en matière de transport routier. Il est le pays avec le moins d’arrêts avec 1,5 arrêt sur 100 km, le moins d’extorsions de fonds (24,87 $ par camion) et la perte de temps la plus réduite (1 h 54 par camion). À l’autre bout du classement, le Mali apparaît comme le plus difficile pour les transporteurs routiers. Avec 4,5 arrêts pour 100 km, 104,62 $ par camion de perçus illégalement et 2 h 40 de retard pris par les arrêts, il est plus cher d’atteindre Bamako que d’autres villes enclavées de la région.

En communiquant ces données sur les pratiques anormales, le Conseil burkinabé des chargeurs montre sa volonté de trouver des solutions pour améliorer la fluidité des transports en Afrique occidentale.

Des éléments de réflexion ont été proposés par Yann Alix, directeur des formations logistiques de l’École de management de Normandie. Il a proposé une "tarification subventionnée sur les marchés enclavés". L’idée inspirée du transport fluvial en Europe pourrait se décliner sur les marchés d’Afrique occidentale. "En Europe, les autorités soutiennent des solutions fluviales. L’idée serait d’aider par des financements internationaux un soutien public pour chaque unité transportée vers un pays enclavé." Une solution qui permettrait à ces pays de diminuer leur facture transport. Autre idée: la massification des flux passe d’abord, selon Yann Alix, par un investissement communautaire dans une flotte de camions avec un contrôle plus drastique des conditions de transport. Ces coopératives doivent être intégrées dans les principales filières exportatrices des pays enclavés.

Ces solutions passent avant tout, selon Yann Alix, par une réfection du réseau d’infrastructures routières, estimée à environ 20 MD FCFA, soit 5 % du PIB. Ensuite, il estime à environ 4 % du PIB les investissements nécessaires pour leur entretien régulier. Enfin, et c’est peut-être à ce niveau que la révolution logistique doit commencer en Afrique occidentale, mettre en œuvre une politique de respect des pratiques sur les poids et les charges des camions mais aussi, comme l’a souligné Ali Traoré, sur la libération des entraves illicites à ce mode.

La révolution logistique de la chaîne logistique maritime passe maintenant par la terre.

Rouen, le port de l’Afrique en France

À l’autre bout de la chaîne, le Port autonome de Rouen a rappelé sa position dans les trafics entre la France et la COA. “Rouen, port de l’Afrique n’est pas un slogan mais une réalité. En 2007, ce seront quelque 2 Mt de marchandises qui transiteront par nos quais pour les pays d’Afrique occidentale”, a indiqué Martine Bonny, directrice générale du port. Le Burkina Faso y entre pour une large part avec 22 000 t, soit une progression de 30 % en un an. Quelque dix armements touchent le port rouennais pour desservir les ports d’Afrique de l’ouest, dont Delmas, Mærsk Line, MSC ou Safmarine. Le port offre 16 services par mois sur cette destination. L’extension de la zone logistique et du terminal à conteneurs conforte la place rouennaise dans le concert des relations franco-africaines. Et la vitalité du port pour les trafics céréaliers en Europe et pour les produits agroalimentaires en fait le lien naturel, économique et culturel entre l’Europe et l’Afrique de l’Ouest.

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