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Avec la théâtralisation qui s’imposait, Jean-Louis Borloo, ministre de l’Écologie, du Développement et de l’Aménagement durables, et sa secrétaire d’État, Nathalie Kosciusko-Morizet, recevaient chacun une clef UBS contenant le millier de pages constituant les rapports de six groupes de travail chargés de réfléchir aux actions concrètes que la France pourrait rapidement mener pour protéger l’environnement, la biodiversité, la santé humaine, etc. Chaque français, le Parlement, neuf organismes consultatifs (dont le Conseil national des transports) sont invités à faire part au gouvernement de leurs avis sur les propositions avant le 15 et le 19 octobre selon les cas. À la fin octobre, le gouvernement arrêtera un plan de 15 à 20 programmes d’actions.

LES MODES NON-ROUTIERS D’INTÉRÊT NATIONAL

Le thème de réflexion du groupe no 1 était la "lutte contre les changements climatiques et la maîtrise de la demande d’énergie". En ce qui concerne les transports, il propose de retenir, dans la suite de la mire fixée par le président de la République, l’objectif d’une part de 25 % de fret non routier sous 15 ans. Et il est précisé que ce dessein n’est pas partagé par la Confédération générale des PME (CGPME), représentée au collège employeurs par la Fédération nationale des transports routiers.

Afin d’atteindre ce but, des mesures volontaristes sont nécessaires. Le groupe propose, dans sa majorité, "de classer la promotion et l’utilisation des modes fluvial, ferroviaire, et de cabotage maritime au rang d’intérêt général et l’inscription de cette disposition à la LOTI (Loi d’orientation du transport intérieur). Plusieurs membres du groupe, notamment la CGPME, s’interrogent sur le concept juridique associé à cette proposition et manifestent leur forte réticence".

En ce qui concerne le ferroviaire, le groupe propose "un plan de développement du fret ferroviaire à l’horizon 2025 dans le cadre du schéma national des infrastructures de transport, dont la mise en chantier pourrait être lancée à l’issue du Grenelle de l’environnement, qui pourrait comprendre:

– la poursuite de la mise à niveau du réseau ferroviaire suivant les recommandations de l’audit réalisé pour le compte de RFF et de la SNCF par l’École polytechnique fédérale de Lausanne;

– une analyse pluraliste et critique de la demande (qui ne résulte pas seulement des opérateurs ferroviaires);

– une analyse de la possibilité de réserver des voies dédiées ou à priorité au fret ferroviaire sur les axes massifiables en parallèle d’une analyse des points critiques du réseau (nœuds, sillons) et une programmation de la mise en service et de la montée en régime des autoroutes ferroviaires (sur les 2 grands axes Espagne Benelux et Paris Bordeaux Espagne, ainsi que sur l’axe transversal Nantes/Lyon, les traversées alpines et pyrénéennes) en parallèle d’une programmation des investissements de capacité nécessaires;

– la mise en place par RFF de sillons de qualité pour le fret nécessaires pour assurer le report modal sur le ferroviaire, ainsi que l’assurance du bon fonctionnement du fret dans la gestion des conflits pour l’attribution dessillons entre les TER et le fret – le groupe à cet égard propose les aménagements de capacité nécessaires au développement du fret;

– La création de services de TGV fret en alternative au fret aérien;

– une planification des grandes infrastructures nouvelles nécessaires au développement du fret ferroviaire notamment: les contournements d’agglomération (Lyon, Nîmes, Montpellier, Lille, Bordeaux, Toulouse, IDF Ouest…) – le contournement de Nîmes et de Montpellier (projet CNM) est estimé à 1,3 Md€ (mise en service possible en 2014), le contournement Est de Lyon (CFAL Nord) est estimé à 1,5 Md€ (mise en service possible en 2018),

– un grand débat public national sur un plan Rail 2020/2025 pour adopter une politique des transports ferroviaires et la consistance des installations qui doit en découler;

– la mise en place conformément aux décisions prises d’expérimentations relatives aux opérateurs ferroviaires de proximité et les conditions de leur généralisation;

– une attribution des sillons plus transparente et plus diversifiée (ce point fait débat au sein du groupe) sous le contrôle de l’autorité de régulation ferroviaire et des conditions d’accès aux facilités essentielles, notamment les gares de marchandises et les terminaux ferroviaires".

Le groupe propose également la réalisation des infrastructures suivantes:

– "autoroute ferroviaire à grand cadencement sur l’axe Atlantique pour soulager le flux routier Espagne-France-Benelux;

– autoroute ferroviaire Lyon-Turrin, axe transversal Nantes-Lyon, axes Paris-Bordeaux-Espagne et Espagne-Benelux;

– autoroute ferroviaire à grand cadencement sur l’axe Perpignan Bettembourg et traversée des Alpes par l’autoroute ferroviaire alpine;

– mise en réseau des autoroutes ferroviaires et maritimes de la moitié Est de la France (Paris, Lille, Luxembourg, Marseille, Perpignan, Italie);

– TGV de fret aérien au départ de Roissy;

– trains mixtes longs de conteneurs et de semi-remorques au départ de Marseille, Le Havre, Nantes et Dunkerque."

DESSERTES DES PORTS PAR LES MODES NON-ROUTIERS

Il est également question de définir un plan de développement des dessertes portuaires. Celui-ci doit:

– "mobiliser les ports autonomes sur la gestion de l’interface avec les modes ferroviaire et fluvial, en particulier pour le transport des conteneurs;

– réaliser les infrastructures nécessaires à la desserte terminale des ports (écluse fluviale de Port 2000, finaliser le transfert des voies ferrées des ports);

– optimiser les opérations de transfert vers les modes ferroviaire et fluvial (temps d’attente et manutention pour le fluvial, amélioration des chantiers de transport combiné dans les ports);

– favoriser l’accès au réseau des opérateurs de transport de fret ferroviaire (gestion des sillons, priorité au fret sur certaines liaisons, régulateur indépendant);

– identifier et résorber les points de blocage sur le réseau ferroviaire;

– intensifier l’effort de soutien aux transporteurs fluviaux (aide au transport combiné, nouveau plan de modernisation de la batellerie). Cette mesure est consensuelle au sein du groupe."

FRET FLUVIAL ET MARITIME

Le groupe propose un plan de développement du fret fluvial. Il s’agit de:

– "développer les liaisons européennes notamment par le canal Seine-Nord (si les évaluations confirment son intérêt en terme de report modal);

– rechercher une complémentarité entre les modes et répartir les rôles du fret ferroviaire et fluvial;

– remettre en état le réseau grand gabarit et le réseau petit gabarit alimentant le grand gabarit;

– établir un programme de valorisation des emplois du secteur pour le rendre attractif;

– soutenir la batellerie artisanale;

– développer les barges fluviales et fluvio-maritimes pour le transport de semi-remorques sur le Rhône et la Seine."

Afin de développer les autoroutes maritimes, le groupe propose les points suivants:

– "trouver des solutions de financement adéquates;

– simplifier le système d’appel d’offres et redéfinir les modalités de partenariat entre public et privé permettant un démarrage effectif des services d’autoroute de la mer en Méditerranée et sur la façade Atlantique (à la lumière de l’expérience de l’appel à projet franco-espagnol dont les résultats sont prochainement attendus). Ce dispositif devrait être couplé à une autoroute ferroviaire emportant les semi-remorques directement en Europe du Nord et Grande-Bretagne;

– s’assurer du transport de fret par des bateaux de capacité suffisante (pour assurer un gain CO2 significatif), en parallèle d’un service de qualité (notamment en terme de fréquence);

– développer les autoroutes de la mer du Maghreb, de la Turquie, de l’Italie et de l’Espagne vers la France avec une reprise immédiate sur les autoroutes ferroviaires vers l’Europe du Nord."

GÉRER DURABLEMENT LA MER

La gestion durable des 11 millions de km2 que représente la Zone économique exclusive (ZEE) française est un enjeu "mondial" souligne le groupe 2 sur la biodiversité. Pourtant, la diminution des stocks et la destruction des habitats, pollution, "artificialisation" de la côte, impact des transports sont une constatation. Ces dynamiques, liées à des approches sectorielles, mettent en cause la conservation de la biodiversité. La gouvernance de la mer est elle-même trop segmentée, réduisant son efficacité et sa cohérence.

Un ensemble cohérent de dispositions est proposé pour remédier à cette situation "inquiétante", dans le cadre d’une loi d’orientation pour une mer vivante. Elle vise à asseoir l’activité de pêche dans la durée et à assurer le maintien des capacités de renouvellement des stocks de poissons, mais également à la protection des milieux les plus remarquables.

Pour ce faire, le groupe 2 fait deux propositions:

– "Élaborer une loi d’orientation pour une mer vivante portant, entre autres, sur:

la gestion intégrée des activités marines et la protection de l’environnement; […]

La réorganisation des institutions en charge de la mer, instaurant une ligne de décision unifiée et un principe de gestion par écosystème; […]

Un encadrement plus exigeant des activités d’extraction, de rejets, de lutte contre les macrodéchets, de dispersion des boues de dragage, de production d’énergie;

Le renforcement des pénalités en matière de pollutions et de pêches illégales;

La généralisation du principe de gestion intégrée des zones côtières et l’extension de l’activité du Conservatoire du Littoral au domaine public maritime;

La maîtrise des apports telluriques. […]

– Dans le cadre d’une stratégie nationale pour le développement des aires marines protégées coordonnée au niveau national, "mettre en place dix aires marines protégées (parcs nationaux, réserves naturelles, parcs naturels marins…), qui avec le réseau Natura 2000, protégeront 10 % (pas d’accord) des eaux territoriales d’ici 2012, ainsi que les milieux les plus représentatifs dans la zone économique exclusive, notamment à l’outre-mer".

Il est proposé que la Méditerranée soit un lieu privilégié de recherche de solidarité (environnement, pêches, gestion, etc.).

LE RISQUE PORTUAIRE

Devant réfléchir sur comment "instaurer un environnement respectueux de la santé", le groupe de travail no 3 propose, notamment, en ce qui concerne la prévention des risques naturels et technologiques, que "les risques liés aux ports et transports de matières dangereuses et notamment le développement du transport par camion, ou de stocks « déguisés » fassent l’objet d’une action renforcée tant en matière de maintien du transport par fer que de réglementation (en particulier nécessité de mettre en place un dispositif global de prévention dans les ports). Un arrêt des fermetures des gares de triage pour les marchandises dangereuses est proposé par plusieurs participants et fait consensus au sein du groupe. Au-delà de ces actions, l’objectif plus global doit rester la réduction du transport de matières dangereuses".

Rendez-vous dans quatre semaines.

Durcissement proposé des normes relatives au transport routier de marchandises

Le transport routier de marchandises assurant la majorité des pré- et post-acheminements portuaires, il est difficile de ne pas évoquer les propositions faites à son sujet.

Ainsi le groupe 1 propose-t-il autres autres la mise en place d’une écoredevance kilométrique sur les poids lourds et prend acte des réserves exprimées par le Medef et la CGPME. Le groupe propose que l’affectation des recettes de l’écoredevance soit répartie entre l’AFITF et les collectivités territoriales et que sa répercussion s’effectue sur le client et non sur la profession du transport routier.

Dans son ensemble, le groupe rappelle plus largement la nécessité d’une harmonisation européenne fiscale, sociale et tarifaire dans l’objectif de réduire les distorsions de concurrence entre les pavillons des États membres et entre les modes de transport. Dans une première étape, la France devrait impulser la révision de la directive eurovignette pour y inclure les coûts environnementaux externes et appuyer le relèvement des minima communautaires du TIPP.

Le groupe recommande également l’affichage des émissions de carbone de chaque prestation de transport et le développement d’engagements volontaires associant entreprises, transporteurs, chargeurs, avec des dispositions spécifiques pour les petites entreprises. Cette dernière mesure, qui devrait s’appuyer sur l’observatoire sur les transports, permettrait selon l’ADEME de gagner environ 500 kt de CO2 par an. Aucune mesure relative au 44 t n’a été retenue par le groupe.

M.N.

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