"S’adapter en permanence pour mieux servir les navires"

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JMM: Au cours de ce centenaire, quelles sont les grandes dates qui ont marqué la manutention portuaire, et quelles incidences ont-elles encore aujourd’hui?

Christian Paschetta (C.P.): "La manutention portuaire n’a pas commencé il y a 100 ans. Son histoire est aussi ancienne que celle du transport maritime proprement dit… Mais lorsque l’on se penche sur les 100 dernières années de l’Unim, ou de l’Association des employeurs de main-d’œuvre des ports (AEP) qui l’a précédé en 1907, ce qui frappe avant tout, c’est la préoccupation du social qui est vraiment omniprésente.

Il y a surtout, au cours de cette période, une recherche permanente et obstinée d’une adéquation toujours improbable de l’organisation du travail dans les ports aux réalités du transport maritime du moment, lui-même en perpétuelle évolution. C’est ce qui a justifié en son temps la création de notre union. Et cette recherche constante, pour mieux servir les navires, passe aussi par des considérations à caractère social. Tantôt pour s’adjoindre les bonnes grâces d’une main-d’œuvre troublée face à des évolutions technologiques vécues parfois comme destructrices d’emploi, l’arrivée des premiers chariots élévateurs par exemple, ou la conteneurisation; tantôt pour améliorer les conditions d’embauche, comme en son temps la création des BCMO en 1941 ou de l’indemnité de garantie en 1947.

Cette démarche permanente de compromis entre les besoins économiques et techniques des entreprises et le souci des dockers de préserver une organisation du travail dont ils assuraient la maîtrise, a connu ses grandes heures, parfois émaillées de conflits très durs. On pense avant guerre aux débats sur la carte professionnelle, ou plus récemment à l’affaire des dockers permanents d’entreprises en 1971, prémisse de la mensualisation. On pense aussi à la réforme de 1992 qui a bien modernisé la profession après la crise des sureffectifs de 1982-1988.

Mais au total, ce qui demeure, ce ne sont pas les changements intervenus à un moment donné pour répondre à une demande donnée du monde armatorial; ce qui reste au-delà de l’histoire et des anecdotes, c’est cette volonté que nous partageons avec les partenaires sociaux de s’adapter en permanence pour mieux servir les navires. Du reste, aujourd’hui, cette démarche de réforme et de remise en cause semble de nouveau à l’ordre du jour si l’on en juge par les annonces du président de la République…"

JMM: Pensez-vous qu’il faille aujourd’hui réformer en profondeur votre organisation, comme la représentation directe des sociétés de manutention?

C.P.: "Nous avons, au cours de nos différentes réunions de bureau et de conseil d’administration, réfléchi à cette question. Et il n’est pas apparu jusqu’à aujourd’hui nécessaire de modifier les principes fondamentaux qui président à notre organisation. En effet, au-delà de la représentation des groupements portuaires, les entreprises ont la possibilité d’adhérer en qualité de membres associés. Et ceux-ci sont représentés au bureau comme au conseil d’administration. Par ailleurs, nous avons constaté que les problématiques auxquelles nous avions à répondre étaient, sur le fond, de même nature, même si la façon d’y répondre devait s’adapter au contexte local."

JMM: Nous sommes à l’aube d’une probable réforme du statut des ports autonomes. Qu’attendez-vous de ce processus?

C.P.: "Nous sommes dans une phase de croissance exceptionnelle des échanges maritimes, et par voie de conséquence, des besoins en manutention. Force est de constater que, dans le passé, nos concurrents européens ont toujours su en tirer meilleur parti que nous. Plusieurs réalisations récentes – Port 2000 notamment – démontrent la volonté des entreprises de s’investir dans les ports français. Et ce, avec succès si l’on juge aux premiers résultats induits par la mise en service des terminaux de Port 2000 sur le trafic du port du Havre. Nous espérons donc que ce projet permette aux entreprises de se placer efficacement dans la compétition européenne. Elles en ont la capacité et la volonté. On a bien souvent eu à exposer les conditions à satisfaire pour y parvenir, je les répète bien volontiers. Il faut permettre à l’entreprise d’assumer une maîtrise totale et réelle de son outil de production, notamment par la nature des liens qu’elle établit avec ses personnels et par sa liberté de choix et d’organisation lorsqu’il y a un sous-traitant.

D’autre part, concernant la gouvernance, nous souhaitons que les fonctions régaliennes soient bien identifiées et séparées des fonctions de production de services marchands lorsqu’elles existent. Nous souhaitons que nos entreprises soient écoutées et entendues pour ce qui concerne les orientations stratégiques du développement portuaire. Et cela, sans prescription sur la forme que cette implication doit revêtir.

Enfin, notre profession considère que la concertation avec les partenaires sociaux est une condition sine qua non de la réussite."

JMM: Président de l’Unim, vous êtes avant tout à la tête d’une société de manutention dont l’actionnariat est en parti détenu par un groupe international de manutention. Pensez-vous que cette forme de société doit se décliner sur l’ensemble des quais français?

C.P.: "Si le schéma de notre actionnariat présente des avantages certains en matière de benchmark et de soutien, il n’est en aucun cas le modèle unique. Bien d’autres formes peuvent trouver leur place."

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