Journal de la Marine Marchande (JMM): Après les bons résultats de l’année 2006, cet exercice a commencé plus difficilement avec les mouvements sociaux du mois de mars. En avez-vous ressenti des effets sur le trafic global?
Guy Janin (G.J.): "Globalement, sur les sept premiers mois de l’année, le trafic a suivi les tendances affichées en 2006. L’analyse plus détaillée par courants montre cependant des évolutions différentes selon les secteurs.
Comme l’an passé, les trafics de marchandises diverses et de passagers sont à la hausse. Il n’en est pas de même pour les vracs. Les solides accusent un retard de 13 % en raison de l’arrêt technique prévu d’un haut-fourneau pour Arcelor. Dans cette perspective, le groupe a décidé de réduire ses stocks sur le site. À court terme, cet arrêt affectera les statistiques, mais à plus longue échéance, nous y voyons un projet porteur d’espoir. En effet, les arrêts de ces hauts-fourneaux permettent de les rénover afin d’augmenter leur activité. Dans les prochaines années, le trafic d’Arcelor ira donc croissant. Quant aux céréales, si la campagne actuelle a été plutôt morose, les prévisions pour les prochains mois sont meilleures. Les hydrocarbures ont, pour leur part, perdu seulement 2 %. Nous n’avons pas rattrapé le niveau de 2006, mais pour des raisons plus liées à la conjoncture qu’aux mouvements sociaux de mars. Les autres vracs liquides se portent bien avec une hausse de 8 %."
JMM: Dans ce contexte, quelles sont vos prévisions pour la fin de l’année?
G.J.: "La fin de l’année s’annonce sous de bons auspices. Le trafic conteneurisé devrait continuer sur sa lancée, avec déjà une hausse de 10 % à fin juillet. Nous avons signé une convention d’occupation temporaire avec Sea Invest pour le terminal de Carfos. Le port va investir dans de nouveaux portiques qui permettront le maintien, si ce n’est pas la croissance du trafic. Pour les trafics céréaliers, nous préparons une convention pour accroître les capacités et réorganiser le terminal sur le quai Gloria. Des investissements sont prévus à hauteur de 20 M€, répartis entre le PAM les céréaliers. Ils permettront la réception de navires de plus grande taille. Les hydrocarbures ne devraient pas souffrir cette année. Nous devrions finir l’année sur le même score que l’an passé. Les baisse des hydrocarbures devraient être compensées par les raffinés, qui affichent une forte fausse jusqu’en juillet. Et l’ouverture de GDF 2 en fin d’année n’aura d’effets que sur le milieu de l’année prochaine."
JMM: Pour les marchandises diverses, l’avenir à Marseille c’est le projet de terminal de Fos 2XL. Les travaux et les négociations sur l’aspect social avancent-ils normalement?
G.J.: "Fos 2XL avance. En juin, le port a signé le marché pour les travaux. Les premiers coups de pioche sont attendus pour cet automne. Des premiers travaux sont déjà terminés qui s’intègrent dans ce projet. Nous avons aménagé le giratoire d’accès au terminal, un ouvrage qui a nécessité 100 M€ d’investissement. Les travaux engagés devraient durer jusqu’en 2009. Et dès qu’une partie du terminal est terminée, nous la livrons aux opérateurs pour qu’ils commencent leurs ouvrages.
Le volet social de Fos 2XL continue. Nous menons avec les partenaires sociaux et les représentants des opérateurs des négociations. Chacun joue le jeu autour de la table et adopte une attitude positive pour faire avancer les discussions. Nous espérons arriver à un accord. Certains sujets sont d’ores et déjà bouclés. Parmi les points qui demeurent, nous devons encore trouver un terrain d’entente sur les conditions de travail du personnel portuaire avec les opérateurs privés. La mise à disposition à but non lucratif, solution qui a été mise en place au Havre, est une alternative à envisager."
JMM: Fos 2XL entame sa dernière ligne droite. Projetez-vous à l’avenir d’autres extensions à ce terminal?
G.J.: "Sur Fos 2XL, tandis que les travaux ont commencé, les négociations sociales continuent. Nous réfléchissons déjà à Fos 3XL voire, Fos 4XL. Le constat est plutôt alarmant pour les marchandises diverses. Nous sommes passés de la 85e place à la 91e place entre 2005 et 2006. Nous sommes le 18e port européen pour les conteneurs. Cette situation ne peut pas durer. En 2012, avec Fos 2XL, nous prévoyons un trafic de 2 MEVP. Cela ne suffit pas. Le contrat de projet entre l’État et la région prévoit une extension de nos capacités conteneurisées. Fos 3XL et Fos 4XL sont partiellement financés par le contrat de projet 2007/2013. Nous devons donc mettre en service une partie de ces nouveaux terminaux. Marseille-Fos est dans une dynamique de croissance. Ces extensions permettraient de lisser l’évolution sur plusieurs années, sans atteindre la surcapacité."
JMM: Parallèlement à ces terminaux, prévoyez-vous d’y adjoindre une zone logistique?
G.J.: "Marseille a déjà une zone logistique avec Distriport. Elle affiche complet aujourd’hui. Nous allons agrandir cet espace avec une zone supplémentaire de 120 ha. Nous lançons les procédures administratives. Cette extension de Fos-Distriport devrait être opérationnelle en 2009 ou 2010."
JMM: Ces projets concernent exclusivement les conteneurs. Que prévoyez-vous pour les autres catégories de trafic?
G.J.: "Pour demeurer dans le domaine des marchandises diverses, nous travaillons actuellement sur les autoroutes de la mer. Nous réfléchissons à favoriser l’implantation d’une liaison sur les bassins est du port. Nous voulons lancer un appel à projets. Il faut donc que nous créions les conditions d’accueil de ce projet, tant au niveau économique que social. Nous sommes dans une phase de contact avec les différents opérateurs pour rendre cet appel à projets suffisamment attractif.
Parallèlement aux projets dans les diverses, nous travaillons pour le développement du pôle énergétique. Outre le terminal GDF 2, qui a quelque peu défrayé la chronique au cours des derniers mois, un troisième terminal méthanier pour le groupe Shell, sur le site de Caban Sud, devrait voir le jour en 2015. Il représente un investissement de 400 à 500 M€."
JMM: Ces différents projets prennent-ils en considération les dessertes terrestres?
G.J.: "Le terrestre est un point important. La répartition modale des trafics se fait à 80 % par la route, 13 % par le fer et 6 % sur le fleuve. Pour Fos 2XL, nous prévoyons une plus grande part des modes alternatifs. Le fleuve devrait intervenir pour 10 % des pré- et post-acheminements, le fer pour 30 % et la route descendre à 60 %. Sur Fos 2XL, nous envisageons à plus longue échéance la construction d’une liaison fluviale directe entre la darse et le canal du Rhône à Fos. Ce lien éviterait aux barges d’emprunter le passage par le golfe de Fos, parfois dangereux et surtout plus difficile à traiter lorsque le nombre de navires va augmenter avec l’ouverture des nouveaux terminaux.
Sur le volet ferroviaire, nous pensons qu’il faut améliorer les voies de desserte des terminaux. Des investissements sont prévus sur Fos et Marseille pour remettre au gabarit européen la liaison entre Miramas et Marseille, par exemple. Les conditions d’amélioration du port passent par le fer. Quant aux voies internes du port, dont la gestion devrait nous être confiée dans les prochaines semaines, nous regardons attentivement les propositions que nous ont faites des groupes privés pour l’exploitation de la traction."
JMM: L’annonce d’une réforme des ports autonomes par le président de la République a été faite à Marseille. Pensez-vous que le port phocéen puisse être un laboratoire de cette évolution?
G.J.: "L’autorité portuaire met en œuvre une politique portuaire publique, décidée par le gouvernement. Pris au niveau national, le constat dressé par plusieurs intervenants, dont la Cour des comptes, a été de mettre en lumière les difficultés des ports français et notamment le manque de politique portuaire, les problèmes des coûts, de la fiabilité et de l’efficacité. Apporter des solutions à ces problèmes ne peut être que bénéfique pour la place portuaire marseillaise. Compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons, avec des négociations sur l’organisation d’un nouveau terminal à conteneurs, il est certain que nous trouvons sur notre place portuaire les problèmes qu’une réforme va traiter."