Stéphanie Danjou, première femme inspectrice ITF

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Au bout de la ville, au bord de l’étang de Sète, dans le quartier du Barrou, à côté du lycée maritime, Stéphanie Danjou a réuni amis et camarades. Elle fête sa nomination comme inspectrice ITF à Sète. Une double raison de se réunir. Pour la première fois en France, une femme occupe le poste d’inspectrice ITF. "D’habitude, ces postes reviennent à des hommes. Nous sommes fiers, ici à Sète, d’ouvrir la brèche", a déclaré Alain Merlet, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats maritimes CGT. De plus, cette femme au caractère bien trempée, selon une de ses amies, endosse aussi la casquette de première inspectrice ITF représentant la CGT. Les inspecteurs de l’ITF affichent généralement une appartenance syndicale à la CFDT.

Stéphanie Danjou n’avait aucune raison un jour d’embrasser ce rôle. Sa formation agricole l’a conduite à créer, au début des années 2000 un commerce de fleurs. Pour pousser l’originalité jusqu’au bout, Stéphanie sillonne les marchés avec un triporteur jaune. Commerçante originale elle rencontre la population. En 2001, Stéphanie va prendre conscience de l’état de la mer. Le Florenz, navire vraquier, stationne dans le port de Sète. À son bord, les marins n’ont pas reçu de salaires depuis plusieurs mois. "Une situation qui tend à se généraliser par les effets pervers de la mondialisation", rappelle Stéphanie, avec sa verve de syndicaliste. Pour permettre aux marins du Florenz de récupérer leurs salaires, Stéphanie va lutter et négocier ardemment face à l’armateur. Finalement, l’armateur abdiquera et payera les salaires. Les marins vont pouvoir rentrer au pays. Dans le même temps, elle est à l’origine de la création d’une association pour la défense des marins, l’Ademas (Association de défense des marins abandonnés de Sète). Stéphanie, militante infatigable, occupe le poste de vice-présidente de l’association. Elle doit maintenant quitter ce poste pour se consacrer à ces nouvelles tâches.

LUTTER CONTRE LA COMPLAISANCE

"En prenant mes fonctions d’inspectrice ITF, nommée par la CGT, je suis particulièrement fière de ce poste. Le syndicat m’a fait un superbe cadeau", a déclaré Stéphanie. Et certains dans la salle de lui répliquer: "Ce cadeau, tu risques de nous le reprocher dans quelques mois quand tu verras le travail à accomplir." Éclats de rire de tous, mais Stéphanie continue. Le sérieux revient et Alain Merlet reprend son rôle de syndicaliste en rappelant que Stéphanie va prendre la tête "de notre combat." Une lutte qui vise à mettre fin à la complaisance, "qui a envahi la mer. Nous devons lutter pour qu’elle disparaisse". Un véritable travail de titan, digne du mythe de Sisyphe pour la nouvelle représentante de l’ITF à Sète.

En prenant le poste d’inspectrice de l’ITF à Sète, Stéphanie Danjou ne veut pas se cacher dans un port sans problèmes. À Marseille, le nombre de navires est certes plus important, mais de nombreuses lignes régulières touchent le port. "Les armateurs sont méfiants. Ils reviennent toujours dans les mêmes ports et appliquent plus facilement les normes ITF. À Sète, nous recevons principalement des navires au tramp. Un jour ici, l’autre là. Ils constituent des cibles essentielles de notre combat", explique Stéphanie Danjou. Le combat et la lutte contre les injustices sociales, Stéphanie les mène déjà. Elle négocie pour le compte des marins de Fouquet Sacop avec la direction. "Les marins sont principalement syndiqués à la CGT. Nous menons donc le combat avec eux." Mais, l’inspectrice a un adversaire désigné, le RIF (Registre international français). "Il s’agit d’un pavillon de complaisance au sens de l’ITF. D’ailleurs, le syndicat l’inscrit dans la liste de ces pavillons. Il le restera tant que les armateurs ne veulent pas négocier", ajoute Stéphanie. Pour elle, la complaisance se caractérise par une situation de non-droit à tous les niveaux. "Ce n’est pas uniquement une question de salaires. Les conditions minimales de sécurité ne sont pas respectées sur de nombreux navires. Après des années de travail à bord, certains marins à la machine travaillent encore en tongs. Imaginez si un outil leur tombe sur les pieds. Les conséquences peuvent être graves sans chaussures de sécurité. Ils perdront leur travail pour incapacité et sans protection sociale. La complaisance c’est aussi cela." Au-delà de son combat contre la complaisance, les effets pervers de la mondialisation, Stéphanie Danjou s’alarme des conditions générales qui prévalent dans le monde maritime. "Selon l’ITF, 2000 marins disparaissent tous les ans dans des conditions étranges. Ils embarquent et n’arrivent jamais à destination. Et comme toujours avec les plaintes, ce n’est que la partie émergée de l’iceberg."

La réunion tenue à l’occasion de la nomination de Stéphanie a aussi drainé des officiels. Le responsable local des affaires maritimes, Philippe Moge, est venu saluer la nouvelle inspectrice. "La force de négociation des femmes est un levier qu’il ne faut pas négliger. L’action de cette nouvelle inspectrice sera complémentaire de celles que mènent les services de l’État. Notre porte vous sera toujours ouverte pour régler les dossiers aussi épineux soient ils", promet Philippe Moge. Et le représentant de l’État se félicite que cette nomination va éloigner les armateurs les moins regardants du port, "mais cela ne doit pas aller à l’encontre du développement du trafic du port". Économie et social ne sont pas à ranger en opposition, mais plutôt en complément, rectifie Stéphanie Danjou.

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