Premières limites physiques en vue

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Invité par l’Atma à s’exprimer sur la taille limite des porte-conteneurs (PC), Ludovic Gérard, directeur des constructions neuves de CMA CGM, a fait forte impression.

Du strict point de vue du technicien, sur la desserte Nord-Europe/Nord-Chine via Suez en 56 jours, en passant d’un 6 500 EVP (vides) à un 11 400 EVP, le "slot cost one way" baisse de 25 à 30 %, passant de 550 $ environ à 400 $, sous réserve que le navire soit chargé à sa capacité optimale. Sont pris en compte le prix du navire, les soutes à 300 $/t; des lubrifiants, le double transit par Suez, les frais de ports, les coûts de gestion technique, l’équipage, l’assurance, etc. Sont donc exclus tous les coûts logistiques des boîtes que le transporteur ne peut pas totalement transférer aux clients. Devant une telle réduction de coût au slot, peu d’armateurs résistent à la tentation de mettre en service de plus grandes unités, même si l’intérêt économique de dépasser les 9 000 EVP est contesté par un universitaire allemand.

CONTINUITÉ CONCEPTUELLE

Le passage du 6 500 au 11 400 EVP s’est fait en deux temps: le 8 500 EVP (334 mHT × 42,8 m; 100 000 tpl) était un 6 500 EVP (300 m × 40,3 m; 80 000 tpl) plus large et plus long (une rangée et deux baies de 40’ en plus). Le 9 400 EVP (349 m× 42,8 m; 115 000 tpl) était un 8 500 EVP plus long et plus haut (une baie 40’ et un plan en cale de plus). Enfin le 11 400 EVP (363 m × 45,60 m; 130 000 tpl) est un 9 400 EVP plus long, plus large et plus haut (une baie 40’, un plan en cale et une rangée de plus). Le tout en moins de dix ans: en 2000-2001, arrivent les 6 500 EVP; en fin 2008, la CMA CGM prendra livraison de ses premiers 11 000 EVP (c’est dire si le retour d’expérience est court). Les tirants d’eau ont peu varié, passant de 14,30 m à 15,5 m. Par contre, le prix des soutes a calmé la course à la vitesse, 26,10 nœuds pour le premier à son tirant d’eau de 14,30 m contre 24,30 nœuds pour le 11 400 EVP à 15,50 m. Prochainement, la vitesse commerciale devrait se situer entre 24 et 24,5 nœuds, estime Ludovic Gérard.

Si toutes ces coques ont, bien sûr, fait l’objet des calculs les plus fins pour les optimiser, il ne faut pas sous-estimer les contraintes du constructeur. En effet, pour tirer le meilleur parti de la disposition de ses cales sèches, le chantier peut préférer allonger une coque plutôt que de l’élargir.

"L’AVANT VIT SA VIE"

Le 8 500 EVP subit des moments fléchissants très importants, souligne Ludovic Gérard: 630 000 t.m contre 450 000 t.m pour un 6 500 EVP, soit 40 % en plus. Par construction très ouverts, les PC résistent aux efforts fléchissants grâce à leur double coque. L’augmentation du creux a permis d’augmenter l’inertie de la poutre navire et d’absorber l’allongement de la coque. Mais cette augmentation se constate qu’à partir des 9 400 EVP. Ainsi les épaisseurs de tôles des 11 400 EVP sont-elles inférieures à celles d’un 9 400 EVP .

La torsion que subissent les grands PC a "imposé" de développer des cloisons transversales entre les cales. Des torsion boxes "très renforcées et très travaillées", descendant nettement sous le pont principal ont été installées.

Les extrémités des très gros PC posent aussi des problèmes. À l’avant, les angles de bordé très ouverts font que, face à la houle, la mer ne s’évacue pas facilement générant des pressions pouvant dépasser les contraintes admissibles. À l’arrière, les voûtes très larges, sont sensibles au slamming. Elles peuvent induire également des comportements dangereux: départ au surf ou roulis paramétrique dû à de rapides variations de stabilité. Ce type de roulis serait à l’origine de spectaculaires désarrimages de pontés.

Malgré tous les calculs des sociétés de classification, ces mouvements inconsidérés où "l’avant vit sa vie”, ont amené CMA CGM, Marin Institute et le BV à collaborer pour mesurer les contraintes réelles: ainsi le Rigoletto (9 400 EVP) a-t-il été équipé de jauges de contrainte (notamment juste derrière le château) et d’accéléromètres. Deux 40’ équipés eux aussi d’accéléromètres-enregistreurs voyagent à divers endroits du navire pour mesurer les contraintes subies par l’arrimage.

En début d’année, en Manche/mer du Nord, les mesures faites ont surpris les spécialistes, laissait entendre Ludovic Gérard. De quoi justifier une nouvelle présentation à l’Atma l’année prochaine.

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