En 1976, lors de sa création, Transcaraïbes intervient principalement comme agent maritime de la Compagnie de navigation mixte. Au fil des ans, d’autres activités sont venues se greffer comme la représentation de Geest Lines, la manutention et la représentation de Horn Linie puis celle de Mærsk lorsque l’armement s’est implanté dans l’île pour prendre une part de gâteau à l’exportation de bananes antillaises. Par ailleurs, l’agent maritime représente aussi Holland Maas, armement qui opère en import, par des espaces affrétés sur les navires de CMA CGM. Transcaraïbes est alors entre les mains du groupe Naxco. Lors de la dislocation de ce groupe qui comprenait une activité d’agence maritime, une partie sur la logistique et les opérations aux Antilles, les opérations dans les îles françaises des Caraïbes ont été conservées entre les mains de Jean-Jacques Poussier.
Aujourd’hui Transcaraïbes est présent dans les deux îles françaises des Antilles. Trente et une personnes forment l’agence de la Martinique et sept sont présentes en Guadeloupe. Le 30 mars, le dernier navire de Mærsk Lines de la ligne Medcar (entre la Méditerranée et les Caraïbes) a touché l’île de la Martinique. "L’annonce de l’arrêt des liaisons de Mærsk Lines a été un véritable cyclone pour notre société", rapporte Bernard Elie, directeur de Transcaraïbes à la Martinique. Et le directeur pèse ses mots. Il estime les pertes liées à la manutention de cet armement à 2 M€ par an. Les conséquences sociales sont inéluctables. Sans parler de plan de licenciement, le directeur de Transcaraïbes pointe le doigt vers une restructuration des activités. Il prévoit des reclassements en interne, mais aussi des départs anticipés à la retraite.
Un cyclone ne vient jamais sans son lot de pluies et vents violents. Transcaraïbes a eu son lot. En plus du départ de Mærsk Lines, la société a dû se battre avec la sécurité sociale. L’opérateur s’est installé dans une zone franche, ce qui l’exonère de certaines charges sociales. Un raisonnement que la sécurité sociale n’a pas suivi et pour cause, elle a engagé des poursuites contre l’agent maritime. "La sécurité sociale nous réclamait 1 M€. En 2007, nous avons remporté une première victoire devant les tribunaux qui nous ont donné raison sur une partie du dossier. Il reste une période de 9 mois sur lesquels nous sommes toujours en conflit", explique Bernard Elie qui estime la facture à environ 250 000 €.
Diversifier l’activité
Les deux dossiers ajoutés devraient faire plonger les comptes financiers de la société dans le rouge avec une perte de quelque 800 000 €. Dans ce contexte difficile, le directeur de Transcaraïbes développe son activité commerciale. En 2006, il réussit un pari: permettre l’acheminement des voitures par des navires conventionnels. Elles sont manutentionnées en lo-lo et non plus en ro-ro comme le fait l’armateur Hoegh. Ces voitures sortent des usines Peugeot et sont gérées par Gefco. Pour répondre à ce contrat, Bernard Elie utilise les cales des navires de Seatrade qui arrivent d’Europe du Nord à vide pour rejoindre le Costa Rica pour y prendre des bananes. Sur le second semestre de l’année, le port de Fort-de-France reçoit un navire par mois en moyenne. En plus, les navires de Seatrade emportent des voitures destinées au marché guyanais qui transbordent dans le port de Fort-de-France. "Nous avons investi dans des cages pour permettre une manutention verticale. Au cours des escales réalisées, notre sinistralité a été meilleure qu’en manutention horizontale." Tout paraissait bouclé sauf du côté de Gefco qui, après d’autres négociations, a préféré revenir à sa méthode d’antan et son transporteur habituel, Hual.
Transcaraïbes n’a pas connu que des déboires ces dernières années. L’agent a su se placer sur de nouveaux trafics. Depuis peu, il a réalisé des trafics de colis lourds pour la centrale EDF de Belle-Fontaine. Toujours dans les marchandises diverses, il représente la Sorenom, armement rochelais qui exporte sur la Martinique des bois et des constructions métalliques. Enfin, il a conforté sa position avec l’armée. Dans les deux ports antillais, Transcaraïbes manutentionne le navire de l’armée, le MN-Pelican. Ce navire, affrété par l’armée à la Compagnie Morbihannaise de navigation, effectue quatre fois par an le trajet entre La Rochelle, centre logistique de l’armée, les îles et la Guyane. "Nous réalisons ce trafic depuis 20 ans. Lors d’un appel d’offres récent, nous avons été renouvelé pour un nouveau contrat de trois ans", indique Bernard Elie.
Les problèmes rencontrés ces derniers mois dans la manutention jouent un rôle de catalyseur pour ce rochelais d’origine. La restructuration des activités liées au départ de Mærsk l’incite à redéployer son activité dans le tramping et l’agence maritime. Transcaraïbes est comme le roseau de la fable de La Fontaine, il plie mais ne rompt pas, en attendant que le cyclone passe.
Un avenant pour la polyvalence et la souplesse.
Bernard Elie, directeur de Transcaraïbes à Fort-de-France, qualifie la situation du port comme apaisée. “L’idée de faire de sanctuariser le port et de mettre en place des outils de prévention des conflits a désamorcé les conflits”, précise-t-il en parlant de la première conférence portuaire qui s’est tenue à Fort-de-France le 20 mars. De plus, en 2006, un avenant à la convention collective a été signé entre les partenaires. Il prévoit une plus grande réactivité pour l’emploi de la main-d’œuvre. Dans la convention collective de 2003, les manutentionnaires devaient avertir la semaine précédente de l’affectation des dockers, shift du matin ou de l’après-midi. Si un navire devait arriver en retard, les dockers prévus au shift du matin n’étaient pas employés et l’entreprise devait recourir à l’emploi des intermittents. Désormais, la veille, les manutentionnaires peuvent demander de changer de shift si les raisons de service l’exigent. “Le résultat est évident. Nous avons réduit le recours aux intermittents”, explique Bernard Elie qui a été encore plus loin avec Manumar. Un accord d’entreprise a été signé avec les syndicats favorisant la souplesse et la polyvalence. La prime à la polyvalence a été augmentée et les affectations données avec plus de souplesse. “Ainsi, nous avons pu réduire le taux d’utilisation des intermittents de 30 % à 20 %. Notre objectif est d’atteindre la barre des 15 %.”