La forme de radoub est partie prenante du port. "Elle est intégrée dans la concession de la CCI comme une sous-concession", explique Bruno Rossovich, le directeur de la SIGBR (Société internationale de la gestion du bassin de radoub). Lors de la prolongation du contrat de concession du port de l’État à la CCI, la SIGBR s’est vue reconduite dans les mêmes termes. "Notre contrat court jusqu’en 2010", précise Bruno Rossovich. Il est confiant. "Nous avons tous les atouts pour prouver notre implication dans le tissu portuaire local. Depuis 1990, date de notre arrivée, nous avons investit lourdement, tout comme la CCI. Nous sortions de relations difficiles. La situation s’est aplanie. Notre carnet de commandes se remplit tous les mois."
Tout n’est pas pour autant joué. Des groupes concurrents peuvent venir de Métropole, d’îles voisines ou d’intérêts privés locaux pour faire jouer la concurrence lors du renouvellement de cette "sous-concession".
La réussite de cette forme, Bruno Rossovich la doit à sa perspicacité commerciale. Très tôt, il a pris des agents en Europe pour le représenter. L’un à Hambourg, l’autre à Dunkerque, un troisième en Grande-Bretagne et un dernier aux États-Unis. Parmi eux, celui de Hambourg réalise la plus grosse part d’affaires. Il est à l’origine de cinq à sept navires qui font appel aux services de la SIGBR. L’agent allemand intervient pour de nombreux armateurs d’outre-Rhin qui disposent de navires sous un pavillon caribéen: des porte-conteneurs de 95 à 130 m de long pour 19 à 20 m de large. Ces unités ont remplacé celles, devenues trop vieilles, qui œuvraient entre les îles au cours des années passées. Les nouvelles réglementations internationales ont eu raison de ces unités. Ainsi, ces navires d’origine allemande, mais arborant le pavillon Antigua ou de Saint-Vincent, participent pour 30 % des navires entrants dans la forme. L’autre pan de la clientèle de la SIGBR se compose des armements qui possèdent des barges et des remorqueurs. D’une longueur de 95 m, ces barges viennent dans la forme pour se faire caréner, parfois accompagnée de leur remorqueur. Les opérateurs de trafics interîles, comme la société Express des îles, sont eux aussi amenés à utiliser la forme. On y retrouve aussi les navires de croisières. Ainsi, en 2006, le Star-Clipper y est entré. Et en décembre 2007, le cinq mâts Royal-Clipper devrait venir l’occuper pendant quelques semaines.
Une nécessaire adaptation
"Au fil des ans, nous avons su nous adapter. En effet, il y a quelques années, nous avions une forte clientèle de pêcheurs chinois qui venaient dans les eaux des Caraïbes. La crise de la pêche en Asie a sérieusement ralenti leur activité localement. Nous avons donc dû trouver de nouveaux armements", explique le directeur de la SIGBR. Une adaptation qui porte ses fruits puisque le carnet de commandes de la forme est rempli jusqu’à la fin de l’année, "avec des périodes de creux sur le second semestre", précise le dirigeant. Et Bruno Rossovich de continuer sur sa lancée. Les dernières évolutions touchent la Marine nationale. La SIGBR a réussi à prendre un nouveau marché, celui des Iper (Intervention pour entretien et réparation). Autrefois, ces procédures se faisaient par les arsenaux métropolitains. Les services logistiques de la Marine ont décidé de confier ces entretiens à des bassins locaux. La SIGBR vient d’être confirmée comme bassin de soutien pour les Caraïbes. Ces travaux d’entretien et de réparation sont colossaux puisqu’ils concernent tous les corps de métiers. "Nous n’intervenons pas seuls sur ces travaux. Nous sommes sous-traitants d’un groupement d’entreprises qui sont spécialisées pour effectuer les travaux. Notre rôle est de fournir une forme et des corps de métiers généraux si besoin est." Ce contrat apporte un fond de commerce important pour la société. En moyenne le bassin va effectuer un Iper par an pendant les dix prochaines années.
Avec l’ensemble de ces contrats, le directeur de la SIGBR peut envisager l’avenir sous de bons auspices. Il reste cependant prudent. La concurrence existe à proximité. À Trinidad, un dock flottant de 180 m pourrait venir lui prendre une partie de sa clientèle. De récents problèmes internes semblent avoir affaibli cette structure. Mais d’autres émergent à l’image de Saint-Domingue qui a des velléités de s’implanter dans les Caraïbes. Plus au nord, Cuba se verrait bien jouer les trouble-fête. Le pays de Fidel Castro souffre d’un handicap majeur avec le blocus américain qui l’empêche de disposer de pièces depuis les États-Unis. Porto Rico dispose aussi d’un chantier comparable à celui de la SIGBR. Depuis le départ de son directeur, la société portoricaine s’enfonce. Enfin, aux États-Unis, les chantiers souffrent des prix trop élevés et d’une technicité parfois défaillante. Autant d’éléments qui permettent à la SIGBR de faire de sa forme un produit reconnu et déposé sous le nom de Martinique Drydock.
Une école toujours dans les tiroirs
Depuis plusieurs années, le directeur de la SIGBR a dans ses cartons une idée qui lui tient à cœur: créer une école des chantiers navals en Martinique. Le principe de cette école serait de prendre des jeunes qui n’ont pas de formation pour leur apprendre les différents métiers des chantiers navals. Chaque jeune se verrait formé par un tuteur, “nous avons même des retraités qui étaient volontaires pour revenir transmettre leur savoir à ces jeunes”, explique Bruno Rossovich. Ainsi, les élèves disposeraient d’une formation pratique, en exerçant des métiers différents dans le chantier, complétée par des cours théoriques. Payés selon les barèmes nationaux, ces jeunes disposeraient en deux ans d’une formation et d’une première expérience. À force d’obstacles administratifs et politiques, Bruno Rossovich a mis en sommeil son projet. “Et pourtant, le taux de chômage de la Martinique ne régresse pas. Nous proposions une solution pour quelques jeunes sans aucune promesse d’embauche, juste une formation. Nous en reparlerons plus tard”, termine, amer, Bruno Rossovich.