Depuis 1950, le port est géré par la CCI par un contrat d’outillage public. En 1980, le terminal d’hydrobase est créé pour recevoir les navires de la CGM, les PCRP (porte-conteneurs réfrigérés polyvalents). Une dizaine d’années plus tard, l’autorité portuaire a décidé de construire un nouveau terminal. Le projet de la Pointe des Grives est né. Les travaux démarreront plus tard pour s’achever en 2003. Au total, le port a réussi à gagner 16 ha sur la mer avec 450 m de quais. Dans le même temps, le mode opératoire est modifié et la mensualisation des dockers entre sur les quais martiniquais. Deux opérateurs se partagent la manutention, une filiale de CMA CGM et Manumar, un regroupement de plusieurs sociétés de l’île.
"En 2006, avec 3,2 Mt, notre trafic est resté stable. Nous accusons seulement un recul sur la banane", indique le président du port. Et ce recul est d’autant plus alarmant que ce trafic de bananes permet de lisser le taux de fret des importations, selon le président du port. "La banane revêt une importance plus qu’économique. Elle est un facteur social pour notre île."
Pour contrer cette perte, Claude Pompière espère beaucoup du nouveau schéma directeur du port. Ses grandes lignes se composent d’une spécialisation du secteur centre du port. À terme, le trafic commercial y sera retiré pour ne laisser la place qu’à la croisière. "Pour ce faire, nous refaisons l’ensemble du front de mer." Une autre ouverture sur la mer doit se faire sur le quai Ouest pour y construire un terminal destiné aux navettes à passagers interîles. Les quais Est seront dédiés aux navires gréés pour les trafics de vracs et les navires rouliers. La Pointe des Grives n’échappe pas à cette réorganisation. Le terminal devrait se voir agrandi pour accueillir un nouveau poste à quai. "Nous misons sur le transbordement. Nous étions à 12 mouvements par heure en 2003 et nous sommes passés à 25 mouvements par heure en 2006. Une progression qui nous place dans la compétition des ports de transbordement dans les Caraïbes", se réjouit le président du port.
Cette ambition de faire de Fort-de-France un hub de transbordement pour les Caraïbes s’accompagne nécessairement d’une paix sociale. Sous l’égide du Préfet de la région, le 20 mars, une première conférence portuaire s’est réunie. Tous les opérateurs de la place ont été réunis. Cette conférence entérine une volonté des différents acteurs portuaires de "sanctuariser" le port. "Nous avons trouvé un premier accord au sein de cette conférence pour éviter de partir dans toutes les directions. Cette conférence est un premier ballon lancé pour annoncer notre paix sociale", annonce Claude Pompière. Désormais, des ateliers sont créés pour décliner les différents points abordés.
De plus, il est prévu de construire une nouvelle route dans l’enceinte portuaire. La proximité de la ville avec son lot d’embouteillages pose des soucis. "L’activité portuaire est contrée dans cette conurbation. Cette voie de circulation intérieure sera une réponse pour éviter les embouteillages de la ville pour l’activité portuaire", explique Claude Pompière.
Le port de Fort-de-France est aussi confronté à des soucis identiques à celui de la Métropole, avec un déficit de matériaux de construction. Les carrières actuellement en exploitation dans l’île ne suffisent plus aux besoins, des importations s’avèrent nécessaires. Les matériaux provenant de plus en plus de l’extérieur, le port réfléchit à construire un terminal dédié à ces vracs.
Trois questions à Frantz Thodiard, directeur des concessions à la CCI Martinique
Journal de la Marine Marchande (JMM): Le port de Fort-de-France vient de vivre un séisme avec l’annonce du départ de Mærsk Line. Depuis le 30 mars, date de la dernière escale d’un navire Mærsk du service Méditerranée, CMA CGM devient le seul opérateur du trafic de bananes. Comment analysez-vous la situation?
Frantz Thodiard (F.T.): “L’annonce de l’arrêt des navires de Mærsk et la réduction des effectifs de cet armement sur l’île sont vécues comme un véritable séisme. Les perspectives de dépendance de la Martinique d’un seul armateur mènent de fait à une situation de monopole. Cette nouvelle coïncide au moment où nous voulons faire du terminal de la Pointe des Grives un hub pour la Caraïbe. Nous nous fixons une échéance à l’horizon 2010. Pour réfléchir à cette situation, nous lançons une étude sur la capacité résiduelle de notre terminal. Attendue avant l’été, elle doit nous permettre de savoir comment gérer la présence de deux opérateurs sur ce terminal et d’analyser le mode d’intervention de chacun.”
JMM: La mise en place de cette stratégie de hub doit passer par une paix sociale. Depuis le mouvement de mars 2006, le port n’a subi aucune grève. Avez-vous trouvé un accord avec les partenaires sociaux?
F.T.: “Socialement, le port est entré dans une nouvelle phase. Tous les partenaires sociaux ont pris conscience de la nécessité de trouver un terrain d’entente. Le mouvement de mars 2006 n’aurait pas eu lieu si nous avions pris le temps de discuter avant. La grève ne doit être qu’une action de dernier recours. D’autre part, nous affichons aujourd’hui une amélioration de la productivité de nos portiques. Avec 16,75 mouvements par heure, nous progressons de 6 %. La qualité de service de notre port, la productivité améliorée, un coût de passage portuaire dans les prix du marché et une offre de port d’entrée de l’Europe sont autant d’atouts pour réussir ce projet de hub.”
JMM: La mise sur pied du hub est relativement proche, en 2010. Elle coïncidera avec l’échéance de la concession. Comment imaginez-vous les relations entre concessionnaire et concédant après 2010?
F.T.: “L’échéance de la concession est bien en 2010. Lors de la loi sur la décentralisation des ports d’août 2004, un avenant a prévu que les ports d’outre-mer n’entrent pas dans ce schéma. Nous ne serons pas décentralisés. La fin de notre concession intervenait en décembre 2006. Nous avons demandé une prolongation jusqu’en 2015 et nous avons obtenu un statu quo jusqu’en 2010. Nous allons profiter de ces années pour réfléchir aux alternatives sur les relations que le port doit entretenir avec l’État. Plusieurs possibilités s’offrent à nous. Soit la concession est reconduite, soit le port est transformé en établissement public d’État, soit il est décidé de créer une société portuaire, à l’instar de ce qui existe pour les aéroports. Il s’agit de créer une société anonyme avec des capitaux publics et des actionnaires qui se répartiraient entre l’État, la CCI et les collectivités locales. Les cartes sont posées, il appartient à l’exécutif à décider. Notre travail, au port, est d’obtenir une prolongation de la concession pour une durée de 50 ans accompagnés de relations claires avec l’État”.
Propos recueillis par Hervé Deiss
Claude Pompière, un commissionnaire de transport
Claude Pompière est président du port par son activité de commissionnaire de transport. Sa société, qui a pris son nom, Pompière S.A, exerce une forte activité sur la commission en douanes. La dématérialisation des documents incite cette profession à s’organiser différemment. L’arrivée d’AP+ (Ademar Protis+) en juin a amené Claude Pompière à proposer, avec sa casquette de président du syndicat des transitaires, des transformations. L’unité banalisée de dédouanement (UBD) sera transformée en société anonyme en actions simplifiées. “Avec cette société et AP+, nous disposerons d’un complément de services”, indique-t-il. Seule anicroche à ce tableau, la dématérialisation des procédures pose un problème social que les entreprises de transit de la place martiniquaise vont devoir affronter.