Lundi, sur le délit d’abstention volontaire de combattre un sinistre, le parquet de Paris a requis la relaxe pour les personnels militaires du CROSS d’Etel et du COM de Brest, au motif qu’ils ne disposaient pas des informations permettant d’agir. Mardi 5, leurs avocats ont invité le tribunal à suivre cette réquisition en reprenant et détaillant l’argumentaire de la vice-procureure Marjorie Obadia.
Me Thierry Schmitz a repris l’argument de base selon lequel les personnels des services de secours que sont les CROSS ont a priori foi dans la parole et les messages envoyés par les capitaines de navire. Après le may day envoyé à 14 h 08, à la réponse du chef de quart lui demandant des informations sur la nature de la détresse, le commandant de l’Erika parlera de la gîte, mais à aucun moment il ne parlera de fissure ni de perte de fuel. L’annulation du may day ne laisse pas Jean-Luc Lejeune sans réaction puisqu’il joint le cdt Geais au COM afin qu’il mette en état les secours "au cas où". Le cdt Mathur ayant déclaré qu’il avait rétabli sa gîte, il considère qu’il n’y a plus d’élément tangible de risque pour la vie de l’équipage.
Mes Brochier et Hervé Temine pour l’amiral de Monval, Me Alexis Gublin pour le cdt Geais et Me Saint Palais pour le commissaire en chef Jean-Loup Velut vont à leur tour monter qu’en fonction des informations obtenues, jamais ils n’ont eu conscience d’être en face d’un sinistre, qu’ils n’ont jamais refusé d’agir et qu’ils n’ont commis aucune négligence.
LE SYSTÈME DE LA CLASSIFICATION REMIS EN CAUSE
C’est en connaissance de cause que Michel de Fresse de Monval a jugé inutile un survol de nuit de l’Erika qui n’aurait pas permis de détecter des fuites de fuel. "À 23 h 12, quand le cdt Geais, qui a appelé le CROSS Etel, apprend que l’Erika présenterait des fissures, le pétrolier est trop loin pour l’envoi d’un hélicoptère. À cette heure aucun moyen ne peut être opérationnel pour un sauvetage de l’équipage, mais les moyens sont mis en place pour une opération puisse être déclenchée dès la lumière du jour."
Plaidant le dernier pour le commissaire en chef Jean-Loup Velut, Me Saint Palais, n’a pas manqué de souligner les préjugés du magistrat instructeur sur une probable collusion entre les marins et Total! Il a conclu en invitant le tribunal à souligner "que ces hommes ont fait leur devoir. Il y trouvera la sérénité perdue durant sept années!"
Sur le délit de pollution accidentelle, le procureur a déclaré lundi, en évoquant le rôle de MM. Ducci et Clemente: "Ils ne se sont jamais préoccupés de l’entretien du pétrolier, mais l’infraction ne leur est pas imputable, je requiers donc la relaxe à leur égard."
Me Philippe Lemaire a souligné à leur sujet qu’ils n’avaient en charge que la direction commerciale du navire et non sa direction nautique, "on ne peut donc leur reprocher de ne pas avoir respecté les critères de sécurité internationale. Ils se sont contentés de la garantie d’un tiers".
Il a également fait remarquer que l’Erika avait le permis de naviguer de la société de classification, MM. Ducci et Clemente n’avaient donc pas de raison de s’inquiéter; mais, a-t-il conclu: "Vous avez raison, il faut changer le système de la classification!" Il a précisé: "Cela ne vous choque pas que les sociétés de classifications soient payées par l’armateur, la classification devient alors une marchandise! Ne pourrait-on imaginer un système dans lequel les navires seraient inspectés par deux sociétés de classification?"