Les plaidoiries de Me Varaut, représentant les intérêts du Conseil général de Vendée, et de Me Delplanque, représentant ceux du Morbihan, ont occupé l’audience du lundi 21 mai.
Me Varaut a passé en revue les choix de Total d’affréter au voyage un navire âgé, alors que, selon une déclaration de Bertrand Thouilin devant une commission de l’Assemblée nationale, "le spot, c’est le danger même" et que selon une déclaration de Thierry Desmarets, "il y a entre l’âge et la dangerosité un rapport évident". Soulignant que la classe et le vetting ont été mis en place par "ceux qui les appliquent", il note que dans cette forme de "privatisation du droit, la pratique est la loi" et que "ce qui n’a jamais été critiqué ne peut l’être!"
Il fait remarquer que British Petroleum avait noté que l’Erika n’était pas navigable. Malgré la prudence du rapport des experts de Dunkerque, fait-il remarquer, on comprend que la corrosion du pétrolier était visible. Il met en cause la manière dont Total a appliqué le vetting: "C’est parce que vous ne l’avez pas mené sérieusement que vous vous retrouvez ici!" Il met ensuite en cause le Rina dont le "rapport bidon" sur les réparations a eu pour conséquence évidente le naufrage.
Me Delplanque, prend ensuite la parole et commence sa plaidoirie en évoquant le marché passé entre la société italienne ENEL et Total. Lors du contrat d’affrètement de l’Erika par Total pour son dernier voyage, ce contrat était déjà honoré, remarque-t-il, ce transport c’était donc "pour quelques dollars en plus!" Il a ensuite souligné que tous les rapports d’inspection de l’Erika avaient signalé des corrosions sur le ballast 2 tribord, ce que l’inspection vetting de Total ne pouvait ignorer.
Il s’est ensuite attaché à montrer qu’il n’y a pas conflit entre la loi française de 1983 sur l’environnement et la convention Marpol, mais complémentarité, les deux textes ne recouvrant pas le même domaine. La convention Marpol se garde d’entrer sur le champ d’application des accidents de mer, tandis que la loi française sanctionne "l’imprudence, la négligence ou l’inobservation des lois et règlements ayant eu pour conséquence un accident de mer", au même titre qu’un rejet volontaire. Ce serait à Total de prouver qu’il n’a pas commis de telles imprudences. "À supposer qu’il y ait une opposition entre les deux textes, la règle de droit international invite les tribunaux à les concilier", a-t-il souligné.
L’article 218-22 du code de l’Environnement vise par ailleurs tous ceux qui ont exercé un contrôle ou une direction du navire, ajoute-t-il, et les articles L110-1 et 2 fixent les mesures préventives. Il s’est donc attaché à montrer que tant le RINA que l’armateur et l’affréteur ont fait preuve de négligences et défaillances multiples. Le Rina et Guiseppe Savarese – le propriétaire du navire – avaient connaissance du degré de corrosion de l’Erika, ils ont donc commis une "faute inexcusable".
Concernant l’affréteur, il cite la date d’autorisation formelle du service vetting dépassée, la certification provisoire qui n’a pas été examinée, en contradiction avec Marpol. Me Delplanque s’est ensuite efforcé de montrer que Total SA revendiquait la qualité d’affréteur au voyage, "or Total SA n’est pas affréteur au voyage, car il ne figure sur aucun document: il est transporteur au connaissement". À partir du moment où Total émet des règles et où un naufrage en résulte, la société commet une "faute inexcusable". En droit français conclut-il, "ce n’est pas celui qui est responsable qui peut limiter sa responsabilité".