La journée du mardi 29 mai a vu neuf avocats plaider, le matin puis l’après-midi, en faveur de communes littorales, de professionnels de la mer ou d’associations de défense de l’environnement réclamant une indemnisation complète de leurs clients ou un dédommagement pour préjudice moral.
"Que viennent faire des associations de consommateurs dans ce procès?", s’est exclamé en préambule Me Franck en présentant ses clients l’association "Que choisir" et la Confédération du logement et du cadre de vie. Les intérêts collectifs des consommateurs ont été atteints par la pollution entraînée par le naufrage de l’Erika a estimé Me Franck.
Celle-ci, en portant atteinte à la ressource halieutique, a fait porter à certains d’entre eux des risques sanitaires selon une étude commandée à l’AFSA (Association française pour la sécurité alimentaire). Il sollicite en conséquence une indemnité de 100 000 € pour atteinte à la sécurité des consommateurs.
Plaidant au nom de l’Union fédérale des consommateurs et de ses unions locales qui se portent partie civile à l’encontre de tous les prévenus, à l’exclusion de Jean-Luc Lejeune du CROSS Etel, Me Cartron a demandé une indemnité de 30 000 €, pour "atteinte à l’environnement" et 20 000 € pour atteinte à l’intérêt collectif des consommateurs, considérant que la marée noire avait constitué une "atteinte à l’accès aux plages et au cadre touristique" et aurait entraîné une baisse de 37 % de la fréquentation touristique dans le département du Morbihan au cours de l’année 2000.
Mes Alain Leclerc et Emmanuel Riglaire plaidaient sur le fondement du délit de pollution pour la communauté d’agglomération de Quimper, les communes du Guilvinec et de Penmac’h (Finistère) et pour le Syndicat de la confédération maritime qui représente plusieurs professions maritimes dont des ostréiculteurs, marins pêcheurs, pêcheurs à pied et professionnels du tourisme empêchés de travailler durant douze semaines au début de l’année 2000.
Certains n’ont pu se constituer partie civile "car ils ont été ruinés", a souligné Me Leclerc. "Huit ans après les faits, ils n’ont toujours pas été indemnisés", a constaté Me Riglaire, qui a déclaré au tribunal: "Le mal, pénal ou pas, doit être réparé!"
Deux associations de défense de l’environnement ont ensuite été entendues comme partie civile: la Fédération européenne de l’éducation à l’environnement (FEEE), connue pour son label "Pavillon bleu" accordé aux communes littorales qui protègent de toute pollution et entretiennent leurs espaces littoraux et leurs eaux de baignade; et l’association Environnement 56. Me Marchand, qui a plaidé le délit de pollution et subsidiairement le délit de mise en danger de la vie d’autrui, au nom de la FEEE, a réclamé 650 000 € de préjudice moral au nom de toutes ces communes de Bretagne et Pays de Loire qui ont perdu leur pavillon bleu dans l’année qui a suivi le naufrage.
L’association Environnement 56 a bénéficié de l’agrément préfectoral de protection de l’environnement. Dépourvue de salariés, elle a eu uniquement un rôle d’organisation du travail de nettoyage des grèves et de soins aux oiseaux auprès de bénévoles venus sur les lieux pollués. Me Le Briéro a quant à elle demandé 20 000 € de préjudice moral, sur le fondement du délit de pollution.
Le Comité régional des pêches de Bretagne est l’instance professionnelle, paritaire, syndicale, obligatoire, sous tutelle des pouvoirs publics, qui représente l’ensemble des pêcheurs et aquaculteurs de la région Bretagne, soit 6 000 professionnels. Me Briand a fait observer que "de nombreux marins-pêcheurs ont été indemnisés par leur assureur ou par le FIPOL, et demandent ici un dédommagement de l’intérêt collectif de la profession", car la marée noire a entraîné une chute de la consommation de poisson dans les deux années qui l’ont suivi. Pour son client, le Comité, il demande donc 160 000 € de dommages et intérêts et 40 000 € au titre du Code de procédure pénale.
Deux autres associations de défense de l’environnement ont conclu cette journée: Les Amis de la terre, qui s’exprimaient par la bouche de Me Bourdon, et Robin des bois. Cette dernière s’est portée partie civile par la bouche de son président qui a notamment demandé une indemnisation de 50 M€ qui serait affectée à la relance des études sur l’impact de la marée noire sur les espèces animales et végétales de la zone.