Pour le Port autonome de Marseille (PAM), l’objectif est clair: "Il faut réussir le développement des trafics de conteneurs pour que Marseille-Fos profite enfin de l’explosion de ce marché mondial." Sur cette voie, des jalons importants ont été posés. Le chantier de réalisation de Fos 2 XL a été fortement engagé. Fos Distriport, 180 ha situés à proximité du terminal à conteneurs et du futur Fos 2 XL, est quasiment complet. Ce qui n’empêche pas d’autres zones d’affirmer leur vocation logistique. L’an dernier, deux engagements de poids avec Ikea et Massilia qui ont décidé chacun d’installer une plateforme logistique, devraient apporter quelque 40 000 EVP supplémentaires au trafic portuaire.
Parallèlement, le PAM poursuit son effort sur la desserte terrestre. "Les pré et post acheminements sont une condition du développement de Marseille-Fos, port adossé à un hinterland proche peu générateur de trafic et devant cibler des hinterlands partagés avec d’autres ports", analyse son directeur, Guy Janin. Une démarche où le fleuve et le fer sont privilégiés.
Le fer se redresse
Le dispositif de dessertes ferroviaires a évolué. Avec la restructuration de Naviland Cargo et de Fret SNCF, des changements importants ont eu lieu avec des conséquences pour les navettes ferroviaires ayant pour origine ou destination Marseille-Fos, notamment sur Lyon, Toulouse et Bordeaux et Duisbourg (en interconnexion via Lyon). Rail Link Europe, filiale de CMA CGM, propose depuis mars 2006, la desserte de Lyon en relation avec Anvers, Zeebrugge, Rotterdam, Hambourg, Duisbourg depuis Ludwigshafen à la cadence de 3 trains par semaine (service North Med Schuttle). Rail Link assure par ailleurs des navettes entre Marseille et Le Havre, Marseille et Paris, Marseille et Strasbourg (via Ludwigshafen). Résultat, pour la première fois depuis quatre ans, la part des conteneurs transportés par voie ferroviaire s’inscrit en hausse en 2006. Elle représente 12,7 % avec un total de 114 000 EVP. Le PAM a projeté un nouveau train de hausse avec 127 000 EVP pour 2007.
Le changement ne fera pas de pause; plusieurs réaménagements sont envisagés. Dans les bassins Est, un projet sur la réorganisation des raccordements aux terminaux, notamment du terminal de Mourepiane, a été inscrit au Contrat de Projets État-Région 2007-2013. La zone industrialo-portuaire de Fos qui dispose d’une desserte ferroviaire de qualité, voit son réseau souffrir d’une faiblesse structurelle. La grande boucle desservant le pôle conteneurs de Graveleau depuis la bifurcation de Viguerat, aujourd’hui en voie unique, approche de la limite de sa capacité. Là aussi inscrit au Contrat de Projets État-Région, un projet prévoit le doublement de la voie desservant Graveleau sur 12 km, le réaménagement des installations ferroviaires du pôle conteneurs de Graveleau, une augmentation de la capacité du faisceau réception de Fos-Graveleau et une reconfiguration complète des voies à l’intérieur du terminal à conteneurs.
110 km de voies ferrées reprises par le PAM
Le PAM, comme tous les ports français, sera prochainement conduit à assurer en lieu et place de Réseau Ferré de France la gestion de voies ferrées portuaires. L’ensemble des voies de Marseille et de Fos qui sera transféré totalise 110 km. "Cette nouvelle fonction de gestion d’infrastructures constituera un levier supplémentaire pour optimiser le service offert aux opérateurs et pour attirer de nouveaux trafics vers Marseille-Fos", souligne le PAM. Un objectif contenu dans l’adhésion à l’association Ferrmed qui milite pour un axe ferroviaire européen de marchandises entre la Scandinavie, le Rhin, le Rhône et la Méditerranée occidentale.
Le Rhône, voie royale
Le trafic fluvial de conteneur continue son étiage commencé, il y a sept ans. En 2006, il a augmenté de 8.5 %. Selon les estimations du PAM, les deux opérateurs fluviaux que sont RSC et Alcotrans ont transporté 56 000 EVP en 2006 contre 51 200 EVP en 2005. Le PAM encourage le développement avec la mise en place de conventions tarifaires (remises sur niveau d’activité) pour les deux transporteurs. En 2007, RSC prévoit d’étendre une navette sur Pagny tandis qu’Alcotrans a le projet d’ajouter une rotation à ses deux existantes et d’en étendre une jusqu’à Chalon et Pagny. De son côté, le PAM a proposé d’inscrire au Contrat de Projets État-Région deux projets d’infrastructures fluviales: la construction de postes d’attente dédiés au fluvial qui permettront aux barges de stationner à l’intérieur de l’enceinte du port et la construction d’une liaison fluviale reliant le fond de la darse 2 (conteneur) au canal du Rhône à Fos. Elle évitera le passage en mer de la darse 1 à la darse 2, générera un gain d’environ 3 heures de trajet (raccourci de 24 km) et allégera la circulation sur toute la partie aval du canal.
Un terminal d’autoroute ferroviaire au cœur des bassins marseillais
Installer un véritable terminal d’autoroute ferroviaire marchandises au cœur des bassins marseillais, c’est le projet soutenu par le PAM sur le terminal roulier sud (TRS) spécialisé dans les trafics rouliers vers et en provenance de la Tunisie et du Maroc. En s’appuyant sur la technique Modalhor développée par la société alsacienne Lorh qui permet aux wagons de recevoir simultanément des camions entiers ou des remorques, ce terminal ferroviaire constitue en fait le produit d’appel d’un grand centre d’autoroutes de la mer. « En favorisant la massification des trafics portuaires, la diversification de l’offre de pré post acheminement permettra de fluidifier les accès portuaires et de proposer une alternative écologique à la route. », assure la direction du PAM.
L’évocation aux autoroutes de la mer n’a pas seulement une fonction incantatoire. La bataille maritime sur les liaisons marocaines se mène essentiellement contre la route qui voit l’essentiel du trafic fruits et légumes transiter par camion via l’Espagne. Le projet du PAM vise donc directement à dériver du trafic. Le Terminal Roulier Sud n’a pas été choisi par hasard. Il réunit plusieurs conditions de réussite du projet: un traitement industrialisé de la marchandise, une concentration de trafic roulier stable sur l’année et d’un volume suffisant pour assurer le fond de cale nécessaire au démarrage et à la réussite de l’autoroute ferroviaire envisagée (une moyenne de 60 000 remorques par an). Accessoirement, il cherche à redynamiser le trafic sur les bassins Est dont la stagnation inquiète les professionnels. Sur TRS, Marseille Manutention, filiale de Sea Invest depuis le rachat de Léon Vincent, en sait quelque chose. Le manutentionnaire (72 dockers pour 24,4 M€ de CA) traverse une mauvaise passe comme tous ses homologues des bassins marseillais. Le projet du PAM dont un montage technique sera présenté avant la fin de l’année, représente pour lui une double opportunité: gagner du trafic et participer à ce qui est encore une innovation logistique avec le procédé Modalhor.
R.V.