"Si les syndicats français acceptent le RIF, l’ITF le retirera des pavillons de complaisance"

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Fondée en 1896, l’ITF compte aujourd’hui 4,5 millions d’affiliés dans 148 pays. Membre de l’International Trade Union Confederation (ITUC), elle a son siège à Londres et huit bureaux de représentation dans le monde. Elle défend les intérêts des syndicats de transport en matière d’emploi, de conditions de travail et de sécurité, notamment au sein de l’Organisation internationale du travail (OIT), l’Organisation maritime internationale (OMI) et l’Organisation internationale de l’aviation civile (OIAC).

Son secrétaire général, David Cockcroft, en fonction depuis 1994, a répondu aux questions du Journal de la marine marchande en avril à Londres.

Journal de la Marine Marchande (JMM): L’accord international renforçant la réglementation du transport maritime a été signé en février 2006. Quels en sont les résultats?

David Cockcroft (D.C.): "La Convention maritime 2006 sur le travail, qui fixera par la loi un ensemble de normes minimales pour les navigants, a finalement été adoptée par les délégués lors de la conférence sur le travail maritime de l’OIT, tenue à Genève en février 2006. Il faut espérer que cette convention représentera le "quatrième pilier" du système régulateur international pour le secteur maritime dans le monde, aux côtés de celles de l’OMI sur la formation à la sécurité et sur la pollution. Elle est aussi connue sous le nom de Convention maritime consolidée, car elle rassemble et met à jour plus de 65 actes juridiques de l’OIT sur le travail maritime. Elle garantira pour la première fois une protection sociale globale à plus de 1,2 million de navigants dans le monde. Elle fixe les besoins minima des navigants comme les conditions d’emploi, l’installation matérielle, etc. Elle est applicable. Les navires ne seront donc pas autorisés par les États du port à appareiller sans les certificats attestant qu’ils en respectent les dispositions clés. La convention ne s’applique directement qu’aux navires battant le pavillon d’un État qui l’a ratifiée. La disposition d’application contient la clause dite "pas de traitement plus favorable". Cela signifie qu’un navire battant pavillon d’un pays qui ne l’a pas ratifiée pourrait être mis sous séquestre par les inspecteurs du port, s’il ne respecte pas les normes fixées. La convention entrera en vigueur dans quelques années. Il faut qu’elle soit ratifiée par les 30 pays qui contrôlent 30 % du tonnage mondial. L’ITF considère cet accord comme un grand pas en avant et en voit déjà les bénéfices."

JMM: L’ITF considère le Registre international français (RIF) comme un pavillon de complaisance. Pourquoi? Sous quelles conditions le RIF pourrait-il sortir de la liste des pavillons de complaisance?

D.C.: "Depuis des années, l’ITF fait campagne contre les pavillons de complaisance, qui permettent aux armements de ne pas respecter le Code du travail du pays où ils sont domiciliés. C’est aussi un moyen de payer des bas salaires et d’allonger la durée du travail dans des conditions dangereuses. Comme les pavillons de complaisance n’ont pas de nationalités réelles, ils sont hors d’atteinte de tout syndicat national de navigants. En ce qui concerne le RIF, les principales objections sont venues des divers syndicats français qui y sont très opposés, parce qu’ils croient que les conditions seront moins avantageuses que celles qui s’appliquent aux navires sous pavillon français. En conséquence, si les trois syndicats français (CGT, CFDT et FO) acceptent le RIF, alors l’ITF le retirera de la liste des pavillons de complaisance, comme le Second registre norvégien (NIS) il y a quelques années. Toutefois, il ne semble guère plausible que les syndicats français aboutissent, dans un proche avenir, à un accord sur le RIF."

JMM: Les armements français sont déçus par cette décision d’inclure le RIF parmi les pavillons de complaisance, parce que certains chargeurs refusent d’affréter un navire qui y est immatriculé. Qu’en pense l’ITF?

D.C.: "L’ITF de dicte pas aux chargeurs quels navires ils doivent affréter. Cependant, le fait est que la plupart des chartes-parties contiennent des clauses soulignant la nécessite d’un certificat ITF pour le navire. Dans de nombreux pays, un navire qui n’a pas ce certificat attire l’attention des inspecteurs du contrôle de l’État du port et suscite un éventuel boycottage par les dockers. En conséquence, quoiqu’on ne puisse empêcher un chargeur d’affréter un navire non approuvé par l’ITF, il semble peu probable qu’ils le souhaitent."

JMM: Quels sont les principaux thèmes que l’ITF souhaite voir finalisés cette année ou au moins avancer dans la bonne direction?

D.C.: "Voir la campagne contre les pavillons de complaisance se poursuivre avec succès. Toutefois, l’ITF comprend que de nombreux armements continueront d’y recourir. Elle tentera donc d’étendre ses conditions minimales à tous ces navires. Ce sera difficile dans des pays comme la Chine, mais ça progresse. L’accord IBF(1) (International Bargaining Forum), seul accord collectif sur le plan mondial, doit être renégocié en vue d’appliquer une nouvelle mouture en janvier 2008. Cet accord, qui marche très bien, couvre une grande partie de la flotte mondiale. L’ITF n’est pas favorable aux propositions de certains parlementaires européens, selon lesquelles seuls les navires en service entre les pays européens, comme les ferries, ne devraient être armés que par des ressortissants des pays membres de l’UE. Elle considère cette proposition comme discriminatoire, mais estime que les autres navigants devraient être employés dans les mêmes conditions que les ressortissants européens.

D’autre part, l’ITF voudrait une avancée sur la question de la fatigue du navigant, qui met en péril les équipages, les navires et aussi l’environnement. Le transport maritime est loin derrière les autres secteurs sur ce sujet. L’aérien, en particulier, est beaucoup plus strict sur le nombre d’heures travaillées. Un point spécifique concerne la pratique de deux hommes à la passerelle ou d’un seul en veille, surtout sur les navires plus petits.

Enfin, il est nécessaire de progresser sur la "criminalisation" des navigants et sur les restrictions imposées aux navigants se rendant à terre à partir de leurs navires, problème propre aux États-Unis. Espérons que des progrès seront réalisés cette année!”

(1) Accord portant sur les salaires et conditions de travail de plus de 50 000 navigants dans le monde, selon l’ITF.

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