À l’audience du mercredi 9 mai, le météorologue William Blackwood et l’ingénieur en chef à la Direction générale de l’Armement Jean-Marc Quenez ont mis à mal les résultats du collège des experts de Dunkerque. Leur succédant, Andrew Mitchell puis David Rule, tous deux retraités du Lloyd Register, appelés à témoigner par le Rina, société de classification italienne, donneront quelques réponses en forme de boomrang.
William Blackwood a comparé les rapports de Météo Mer, de Météo France et étudié les calculs des experts de Dunkerque. Là où ceux-ci ont imaginé des "vagues scélérates" survenant toutes les 12 heures, puis entre le 10 et 12 décembre, une fois par heure, pour expliquer la rupture du bordé du pétrolier, il n’a vu "aucune preuve scientifique permettant d’étayer cette affirmation". Il a confirmé le passage du vent, à 3 heures du matin, d’est/sud-ouest à nord/nord-est, mais n’a pas répondu à la question de savoir si le capitaine avait fait le bon choix en choisissant la route de Donges.
Jean-Marc Quenez, a été sollicité par le Rina pour donner son avis sur la pression exercée sur le bordé de muraille de l’Erika. Il s’est basé sur le rapport que la société D2M a produit pour les experts de Dunkerque et sur la simulation dans un bassin d’essai néerlandais sensé reproduire la houle subie par l’Erika. Après avoir remis en cause la méthode D2M fondée sur des calculs, il a expliqué que ses essais en bassin ne donnaient pas la valeur 123 kg pascal de pression sur le bordé trouvée par D2M mais seulement 75 kg Pa. Me Quimbert a fait alors observer que l’Erika avait subi des avaries et un transfert de cargaison. Il a alors demandé si ses essais en carène portaient sur un navire intact "ou après avarie?". "Avant avarie" a-t-il répondu.
Andrew Mitchell, responsable jusqu’en 2006 de la certification ISM au Lloyd Register (LR), a expliqué quel était l’objectif du code ISM et en quoi consistait la certification ISM pour la compagnie et pour le navire. À la question de Me Metzner, avocat du Rina, qui lui demande si le LR était délégataire de l’État maltais ou de l’autorité maritime maltaise, il a répondu qu’il obtenait délégation "à travers l’autorité maritime maltaise, mais au nom de l’État maltais". Quand Me Metzner lui demande si le fait qu’il ait fallu quatre heures au capitaine pour pouvoir joindre la compagnie exploitante était une bonne application du Code ISM, il répond par la négative.
Architecte naval, David Rule a travaillé pour le LR comme ship surveyor jusqu’à sa retraite. La visite annuelle à Augusta fin 1999 s’est achevée par un certificat recommandant d’effectuer de nouvelles mesures d’épaisseur avant fin janvier 2000. "Les compagnies pétrolières sont-elles informées de ces questions d’épaisseur?", lui a demandé Me Delplanque. "Oui, au vu du visa, les compagnies devaient en déduire que l’inspecteur était préoccupé par l’état de corrosion du ballast tribord", répond David Rule. Il confirme qu’en cas de corrosion "allant jusqu’à la perforation de la tôle", comme le spécifiait le certificat de classe, "l’inspecteur devait le noter, si la chose était visible au moment de l’inspection". Cela ne devait-il pas alerter la société de classification?