Lors de l’audience du mardi 15 mai, ont été entendus Massimo Caneppa, ingénieur dans des chantiers navals européens, témoin pour le compte de Panship qui a développé la thèse du sloshing, et M. Daniel, ingénieur à Météo France, cité par le ministère public. L’audience a surtout donné à Total l’occasion de citer deux témoins, Nicolas Molfessis, professeur de droit à Assas-Paris 2 et Glenn-Daniel Winter, avocat maritime à Londres et "solliciteur" à la Cour suprême. Ils se sont attachés à démontrer, selon les mots du président Parlos: "qu’il n’y a plus d’élément légal d’incrimination de l’affréteur".
Nicolas Molfessis s’est attaché à démonter la thèse de Mme Remond-Gouilloud selon laquelle Total aurait exercé de fait un rôle dans la gestion nautique de l’Erika. Il a montré que dans la charte partie au voyage, l’affréteur s’était réservé uniquement un "droit à l’information". Glenn-Daniel Winter précisera, que dans la charte partie au voyage standard, ce droit à l’information ne concerne que les événements pouvant retarder le jour et l’heure d’arrivée au port de destination.
Un dysfonctionnement ayant eu lieu lors de la visite de vetting pourrait-il être imputé à Total? Le vetting étant un contrôle de nature privée, que Total s’est donné, ne peut être source de responsabilité ni civile, ni pénale, affirme Nicolas Molfessis.
Quelle est la disposition régissant la responsabilité pour dommages à l’environnement qui pourrait être invoquée contre l’affréteur, sachant que la Convention Marpol exclue les fautes d’imprudence, de négligence et d’inobservation des règlements, tandis que la loi française du 5 juillet 1983 réprime la pollution accidentelle en cas de fautes simples? La convention Marpol l’emporte sur la loi française, indique le professeur Molfessis, en vertu de l’article ’ de cette convention qui "prévoit uniquement une latitude pour les États de fixer les sanctions attachées aux violations des dispositions de ladite convention".
Selon la convention Marpol, l’interdiction de rejets accidentels ne peut être imputée qu’aux seuls propriétaires du navire et au capitaine, rappelle le professeur. Mais, à ce jour, la responsabilité pénale de l’affréteur n’a jamais pu être retenue, souligne le professeur. Il ajoute qu’un amendement à la loi du 16 juillet 1976 relative à la ZEE, déposé le 21 janvier 2003 au Sénat, visant à mettre en place une responsabilité civile de l’affréteur, n’a pas été voté, ce qui présuppose qu’à cette date la responsabilité civile de l’affréteur ne pouvait être engagée.
Le président Parlos cite alors un article sur le vetting stipulant que "même en l’absence de règles internationales, la responsabilité de l’affréteur peut toujours être recherchée en cas de choix d’un navire hors-norme". Le professeur Molfessis répond qu’il n’y a pas de texte, or l’article 1382, sur la question du choix du navire par l’affréteur; "si ce dernier a tous ses certificats, l’affréteur ne peut donc être mis en cause".